Eglises d'Asie

Madhya Pradesh : les troubles de Jhabua amènent les évêques catholiques de la région à appeler les chrétiens à réorienter leur travail apostolique chez les minorités ethniques

Publié le 18/03/2010




Alors que les attaques dirigées contre les chrétiens de diverses minorités ethniques de l’intérieur du Madhya Pradesh continuent et se multiplient, les évêques des neuf diocèses catholiques de l’Etat se sont réunis le 27 janvier dernier dans la capitale, Bhopal, sous la direction de l’archevêque du lieu, Mgr Paschal Topno, président du Conseil épiscopal de l’Etat. Lors de leur réunion, les évêques ont exprimé leur intention de recommander à toutes les autres dénominations chrétiennes de concentrer leurs efforts sur le travail de développement plus que sur les conversions. A cet effet, ils ont décidé d’inviter les responsables des autres Eglises chrétiennes à une réunion commune avec les évêques catholiques pour que ceux-ci leur fassent part de leurs préoccupations actuelles.

Cette initiative de l’épiscopat catholique du Madhya Pradesh a été prise à la suite de l’escalade des violences anti-chrétiennes qui s’est déclenchée au sein des minorités ethniques au début du mois de janvier 2004. Ces manifestations, animées, semble-t-il, par des groupes de l’extrême droite hindouiste, avaient immédiatement suivi la découverte, le 11 janvier dernier, du corps d’une petite fille de 9 ans, nommée Sujata, dans une salle de bain d’une école catholique située à l’intérieur de l’enceinte de la cathédrale de Jhabua, diocèse du Madhya Pradesh. Les traces trouvées sur le corps ont montré qu’elle avait été violée avant d’être étranglée. Depuis la macabre découverte, une série de manifestations très violentes ont fait un mort et un certain nombre de blessés, parmi lesquels des prêtres et des religieuses catholiques. Les militants hindouistes accusaient ouvertement les prêtres catholiques d’avoir commis le meurtre même après que la police eut arrêté un individu de religion hindoue, qui a avoué le viol et le meurtre. Quelques hindous ont même demandé que les missionnaires chrétiens et leurs fidèles soient bannis de la région, réclamation, en réalité, destinée à intensifier le climat de violence.

Au cours de la réunion des évêques catholiques, le président du Conseil des évêques du Madhya Pradesh a déclaré que quelques groupes chrétiens en activité dans des régions rurales n’y travaillaient que dans le seul but de la conversion, donnant l’impression que toute l’action des chrétiens consistait à recruter et à convertir les pauvres. Cette attitude porte tort aux autres Eglises à qui l’on attribue le même prosélytisme. L’Eglise catholique, de son côté, a dit l’archevêque, donne la priorité au travail humanitaire et social et accorde une grande importance au dialogue destiné à convaincre la population du désintéressement des travailleurs chrétiens.

D’autres évêques ont émis des remarques critiques concernant le travail d’évangélisation de certains groupes. Selon l’évêque d’Indore, diocèse où les agressions de communautés chrétiennes se sont multipliées au cours du mois de janvier, quelques sectes ont entièrement concentré leurs efforts sur les conversions, fournissant des prétextes aux fondamentalistes hindous de s’en prendre aux catholiques, engagés pourtant au service des populations. L’évêque parle du zèle exagéré des sectes qui, en dehors de tout contrôle extérieur, se sont multipliées dans les zones rurales. Il a exprimé sa crainte que les sectes néo-chrétiennes ne donnent une image négative du message chrétien et demandé que l’on mette un terme à certaines conversions obtenues par des moyens frauduleux, tels que des incitations matérielles.

L’évêque de Jhabua, région où les troubles ont commencé, a souligné que l’Eglise catholique s’efforce de maintenir la transparence en toutes ses activités. C’est faussement, a-t-il dit, qu’elle est accusée de procéder à des conversions piégées. “L’Eglise ne privilégie plus les conversions formelles. Son premier objectif est l’amélioration sociale et morale de toute la population a-t-il précisé.

Il faut cependant noter que, lors d’une tournée dans les diocèses du Nord-Est de l’Inde le 30 janvier dernier, le nouveau cardinal et président de la Conférence épiscopale de l’Inde, Mgr Telesphoro Toppo, s’est prononcé clairement sans ambages sur l’attitude que l’Eglise catholique doit adopter face aux incidents récents. Le 30 janvier, dans une allocution prononcée à Guhawati, port fluvial et principal centre commercial de l’Assam, il a déclaré : “Nous ne devons pas avoir peur de proclamer le message du Christ.” “Ces événements peuvent nous choquer, a-t-il ajouté. Ils ne doivent pas nous démoraliser.” Il a aussi rappelé l’exemple des anciens missionnaires, particulièrement celui du P. Livens, qui ont lutté avec courage pour les droits des pauvres dans la région.