Eglises d'Asie

Une nouvelle méthode d’approche pour aborder les ‘sans domicile fixe’

Publié le 18/03/2010




Au Japon, seconde puissance économique du monde, 100 000 personnes vivant en marge de la société ne mangent pas à leur faim et 6 000 tonnes de nourriture sont jetées au rebus chaque jour dans la seule agglomération de Tôkyô. “Si nous pouvions en prélever seulement 1 %, cela nous donnerait soixante tonnes de disponible à distribuer déclare Charles McJilton, directeur de la Banque alimentaire du Japon, un organisme créé en mai 2000 pour collecter et redistribuer des vivres aux organisations caritatives et aux gens dans le besoin. En juillet 2003, elle a été reconnue officiellement comme organisation non gouvernementale à but non lucratif.

Des volontaires collectent les surplus auprès de sociétés donatrices et les repartissent entre 48 organisations, maisons pour enfants, foyers pour femmes battues, hospices et autres organisations au service des travailleurs migrants et des personnes âgées. “Nous donnons à tous ceux qui en ont besoin explique McJilton, un Américain qui édite par ailleurs un modeste périodique protestant. Auparavant, après des études à l’université Sophia, université catholique, il avait vécu une année dans une communauté religieuse, catholique également, de Sanya, un point de rencontre important à Tôkyô pour les ‘sans domicile fixe’ (SDF). “A l’époque, ce que je voyais, c’est que l’aide caritative était conçue comme une relation à sens unique explique-t-il. En 1996, après cette expérience, il dit avoir ressenti comme “un appel” à partir vivre dans la rue. Il y passera quinze mois dans une hutte faite de cartons et de plastique tout en travaillant dans une entreprise. McJilton affirme avoir été transformé par cette expérience. “Les SDF autour de moi ne voulaient pas être aidés. Je crois qu’il est faux de penser : ‘Je vais, moi, les aider’. Par là, vous supposez qu’il y a quelque chose qui ne va pas chez eux et rien que cette attitude signifie que vous n’êtes pas un des leurs.” En ce sens, les SDF et les hommes d’affaires ne sont pas différents, analyse-t-il.

Pour l’heure, un certain nombre de SDF au Japon sont devenus des hommes d’affaires. The Big Issue, un magazine né à Londres en 1991 pour que les sans-abri se viennent en aide par eux-mêmes, est aujourd’hui publié et vendu dans vingt-quatre pays et est édité en cinquante langues. L’édition japonaise a débuté en septembre 2003 avec trente SDF recrutés pour vendre le magazine dans les gares d’Osaka. D’intérêt général, il vise les jeunes et paraît chaque mois en trente-deux pages couleur. Les SDF le proposent dans la rue pour 200 yens (2,5 euros), y compris le pourcentage pour le vendeur.

Depuis le mois de décembre, Masahiro Makita, 60 ans, le propose à la criée près de la gare d’Ueno, la grande gare du nord-est de la capitale nippone. Auparavant, Makita travaillait pour une entreprise de construction mais il a perdu son travail. Fort d’une certaine expérience dans le domaine commercial, il a tout de suite recherché le meilleur endroit et le meilleur moment où rencontrer les banlieusards pour leur vendre son journal. Dès le premier mois, il est parvenu à vendre 1 400 exemplaires. Aujourd’hui, c’est lui qui forme les vendeurs. Le coordinateur des ventes pour la région de Tôkyô est Toshio Wada, 60 ans, un diacre de l’Eglise Aisen à Kudanshita. “J’avais depuis longtemps espéré devenir missionnaire auprès des SDF mais je ne savais pas comment m’y prendre, explique-t-il. Quand on m’a proposé de travailler pour le magazine, j’ai tout de suite pensé : ‘Voilà ma mission'”. D’après le P. Masatsugu Shimokawa (1), jésuite, maître assistant de l’université Sophia qui a conduit une enquête sur les SDF, “ce travail les aide à choisir leur méthode pour gagner de quoi vivre. Ce n’est pas de la charité, c’est les aider à leur redonner confiance.”