Eglises d'Asie

Des fidèles hoa hao refusent la fondation d’une Eglise patronnée par le Front patriotique

Publié le 18/03/2010




Selon des sources situées dans la province d’An Giang et transmises par la communauté hoa hao en exil en Californie, aux Etats-Unis (1), les autorités vietnamiennes sont en train de préparer le remplacement du Comité des représentants du bouddhisme hoa hao, qu’elles-mêmes avaient créé au mois de mai 1999 avec un mandat de cinq ans. On devrait lui subsister un nouveau directoire qui prendrait le nom de Comité administratif de l’ensemble du bouddhisme hoa hao. La religion hoa hao serait ainsi contrôlée par l’Etat par l’intermédiaire du Front patriotique, comme c’est le cas des autres grandes religions reconnues, à l’exception du catholicisme. Les membres du nouveau comité devraient appartenir au Front patriotique de la province d’An Giang, province qui abrite une majorité des adeptes de cette religion au Vietnam. Des comités régionaux ont déjà été fondés pour préparer la création du comité principal.

Cette initiative gouvernementale suscite de nombreuses réactions au sein des fidèles hoa hao. L’un d’entre eux, Trân Huu Duyên, un dissident de la première heure âgé de 83 ans, qui a déjà passé vingt ans de sa vie en prison, vient de rencontrer, chez lui, le 13 février dernier, le vice-consul des Etats-Unis à Hô Chi Minh-Ville, à qui il a remis une lettre. Il y expose la situation des adeptes du bouddhisme hoa hao aujourd’hui. Il demande aux Etats-Unis d’intervenir pour que les fidèles obtiennent la liberté d’élire eux-mêmes leurs dirigeants au niveau régional comme au niveau national. La lettre exige également que soit créé un Comité du culte tel qu’il est prévu dans la tradition laissée par le fondateur, Huynh Phu So. Les bouddhistes hoa hao demandent encore d’être autorisés à arborer le drapeau de leur religion, à organiser la totalité de leurs fêtes et de pouvoir recouvrer l’ensemble des biens qui leur ont été confisqués. La lettre de Trân Huu Duyên insiste également sur la libération des prisonniers. Onze d’entre eux sont énumérés, parmi lesquels Nguyên Van Lia, un fidèle incarcéré depuis trois ans pour avoir organisé chez lui la commémoration de la mort du fondateur Huynh Phu So. Il est également fait état des calomnies répandues par le pouvoir actuel sur le fondateur, particulièrement dans un livre intitulé : “Trente ans de résistance en Cochinchine, 1945-1975”.

La religion hoa hao, qui compte aujourd’hui entre trois et quatre millions d’adhérents, se qualifie de bouddhiste mais donne une grande importance au culte domestique et réunit dans une même croyance des éléments bouddhistes, animistes, confucéens. Après de premiers rapports difficiles avec le pouvoir colonial français, les dirigeants de la religion hoa hao faisaient alliance avec le Vietminh en 1945. Quelques années après, le fondateur de la religion, le prophète Huynh Phu So, accusé de trahison, fut exécuté sur ordre de ses alliés Vietminh. Cet acte rejeta les dirigeants et adeptes hoa hao vers les Français qu’ils aidèrent dans leur lutte contre les guérilleros vietminh. Après avril 1975, cette religion subit une répression très sévère. Selon des renseignements recueillis par le rapporteur spécial des Nations Unies, lors de son voyage au Vietnam en octobre 1988, “les autorités maintiennent leur décision de fermeture, d’une part, de tous les sièges d’administration de l’Eglise hoa hao (au nombre de 3 589) au niveau central, régional et communal et, d’autre part, de tous les lieux de culte et établissements religieux et à vocation sociale et culturelle (plus de 5 000, dont, dans la province d’An Giang, une université, un hôpital et un centre de la propagation de la foi). Sont également interdites toutes les célébrations de fêtes religieuses”. Particulièrement interdite était la fête de la commémoration de la mort du fondateur, Huynh Phu So.

Après plus de vingt-quatre ans de silence apparent, la religion hoa hao s’était soudain réveillée en 1999, à l’occasion du Saint Jour de la Commémoration de la fondation de l’Eglise, cette année le soixantième anniversaire, au cours de fêtes qui s’étaient déroulées du 14e au 18e jour du cinquième mois lunaire (du 27 juin au 1er juillet). Selon des statistiques rapportées par vietnamienne d’information, près d’un million de personnes venues de tout le pays s’étaient rassemblées dans la ville de Phu My, de la province d’An Giang. Quelque temps auparavant, le 26 mai 1999, le Bureau des Affaires religieuses du gouvernement et le Front patriotique avaient patronné et animé le premier congrès de la religion hoa hao depuis le changement de régime d’avril 1975. Au cours du congrès avait été élu un Comité des représentants, de onze membres, dirigé par Nguyên Van Tôn, auquel participaient un certain nombre de membres du Parti et d’où avait été exclu Lê Quang Liêm, ancien président du Comité central de la Congrégation bouddhiste hoa hao.

Depuis cette époque, le Comité des représentants n’a jamais été accepté. Les actes de résistance des fidèles dissidents se sont multipliés (2), parmi lesquels l’immolation par le feu d’une fidèle et plusieurs échauffourées sanglantes avec la police à l’occasion de la commémoration du fondateur.