Eglises d'Asie

Orissa : les hommes de main d’un groupe fondamentaliste hindou persécutent une petite communauté chrétienne

Publié le 18/03/2010




Malgré les protestations et les demandes de protection de la communauté chrétienne de l’Etat d’Orissa, les agressions contre les chrétiens loin de diminuer en nombre ont aujourd’hui tendance à se multiplier. Preuve en est l’incursion récente d’un groupe de trente-cinq personnes, en lien, semble-t-il, avec le groupe fondamentaliste Sangh Parivar (1), dans un village du district de Jagatsingpur, Kilipala (Kilipul selon d’autres sources). Le 6 février dernier, les membres du gang ont pénétré dans le village, armés de bâtons, et ont forcé l’accès d’un certain nombre de maisons chrétiennes. Là, profitant de l’absence de la majorité des hommes, pendant quatre jours, ils ont fait subir aux femmes présentes un grand nombre de sévices dans le but de leur arracher une “reconversion” à l’hindouisme. Les membres de la communauté chrétienne, appartenant à l’Eglise du Mont Zion, une Eglise adventiste du 7ème jour, ont été molestés. Six femmes et deux hommes, dont le pasteur de la communauté, ont eu la tête rasée. Ils ont été conduits dans les rues du village où ils ont été offerts en spectacle. Des menaces de mort ont été proférées contre eux. Finalement, les femmes ont fui leurs villages avec leur famille. Elles ont été interviewées quelques jours plus tard, le 15 février, par une chaîne de télévision de New Delhi, dans une église évangélique de Bhubaneshwar où elles s’étaient réfugiées.

Selon les confidences recueillies auprès des victimes, la communauté chrétienne de Kilipala ne comportait que trente-cinq personnes, réparties dans sept familles. Depuis les premières conversions, il y a sept ans, les chrétiens avaient été isolés au sein du village et soumis à de nombreuses vexations. Tout récemment, avant les derniers incidents, deux jeunes filles devenues chrétiennes deux ans plus tôt s’étaient échappés du village pour fuir l’opposition de leurs parents. On avait reproché aux chrétiens de les avoir enlevées.

Dès que les faits ont été connus, aux environs du 15 février, et rapportés par les médias, ils ont provoqué un certain émoi, en particulier dans les milieux chrétiens. La Conférence des évêques catholiques de l’Inde et le Conseil national des Eglises de l’Inde, réunissant les Eglises orthodoxes et protestantes, ont signé un communiqué conjoint concernant cette affaire et d’autres qui l’ont précédée. D’emblée les signataires du communiqué exprime leur inquiétude devant la multiplication en certains lieux de ce type d’incidents visant à intimider les membres de la communauté chrétienne par des agressions physiques et par des menaces de mort. Les responsables chrétiens, auteurs du communiqué, se disent également troublés par le soutien apporté au gang par un groupe maintes fois impliqué dans des troubles sociaux et des tentatives visant à attiser les tensions intercommunautaires. Les méfaits commis à Kilipala sont qualifiés par le communiqué de violations flagrantes de la dignité humaine et de la liberté, de regrettable illustration de l’irrespect dans lequel sont tenus la loi et l’ordre en Orissa.

On trouve une condamnation encore plus vigoureuse dans une lettre conjointe adressée à la Commission nationale des droits de l’homme par plusieurs associations de laïcs chrétiens, l’Union catholique panindienne, le Conseil chrétien panindien et l’Action unie des chrétiens. La lettre, également datée du 16 février, commence par noter que désormais le mot “Orissa” est devenu synonyme de persécution des chrétiens. Elle accuse le gouvernement de l’Etat de fermer les yeux sur la violence exercée contre les Chrétiens. Pendant les cinq dernières années, dit la lettre, l’Etat a sciemment ignoré les appels au secours des communautés chrétiennes. Pis encore, il a accordé ses faveurs aux groupes anti-chrétiens. La conclusion est sévère : “L’Etat doit se réveiller. La campagne de haine doit prendre fin. La violence doit s’arrêter et les coupables devront être punis. Sinon, nous le craignons, une grande tragédie s’en suivra.”

L’Etat d’Orissa avait été en janvier 1999 le théâtre d’un crime particulièrement odieux, l’assassinat d’une pasteur australien, Graham Stuart Staines, et des ses deux enfants brûlés vifs dans le véhicule où il passait la nuit (2). Le principal coupable a été condamné à mort l’année dernière. Cette même année 1999, en septembre, un prêtre catholique, le P. Arul Doss, avait été tué, transpercé d’une flèche (3).