Eglises d'Asie

Dans le diocèse de Kaohsiung, une paroisse a su aider deux communautés très différentes à s’intégrer en leur montrant comment dépasser le fossé culturel qui les séparait

Publié le 18/03/2010




Une paroisse du sud de Taiwan a réussi à faire en sorte que soit dépassé le fossé culturel qui séparait les catholiques originaires de deux régions très distinctes : « le haut pays » et « le plat pays ». Les gens du « plat pays » sont des Chinois de l’ethnie han. Ils parlent le dialecte taiwanais ou le mandarin, langue officielle de Taiwan. Ils occupent la région côtière, région prospère. Les gens du « haut pays en revanche, sont les aborigènes qui, descendus des montagnes, sont venus s’installer aux environs de Kaohsiung, une ville située à 300 Km au sud-ouest de Taipei. Quand la paroisse de Hsiaokang (diocèse de Kaohsiung) a été érigée il y a une dizaine d’années, rapporte le P. Ulrich Scherer, les paroissiens du plat pays ne furent pas ravis de voir arriver les catholiques du haut pays. Ils trouvaient en effet difficile d' »accepter que leur paroisse devienne une église d’aborigènes ». Ceux du haut pays, principalement des Amei venus de Hualien, représentaient 80 % des paroissiens, une proportion telle qu’ils pensaient eux-mêmes devoir demander une église qui leur soit propre.

D’après le P. Scherer, la cohabitation entre les deux groupes n’allait pas de soi. Les aborigènes, par exemple, ont l’habitude de chanter, danser et discuter longtemps à la fin d’un banquet et ils se sentent humiliés quand ceux du plat pays quittent immédiatement la table après le repas. La communauté catholique aborigène commença cependant à prendre forme quand plusieurs prêtres étrangers, missionnaires dans le diocèse de Hualien, descendirent travailler à Kaohsiung et mirent sur pied un centre de rencontre au service des catholiques du haut pays. Fort de leur expérience pastorale auprès des aborigènes, ces missionnaires aidèrent ces derniers à s’adapter à la culture et au langage de la ville (1). Après être restée sans prêtre pendant près de sept ans, la paroisse Notre Dame de Victoires fut confiée par le diocèse de Kaohsiung aux Pères de Bethléem, une société missionnaire suisse. Il était bien entendu, dans l’esprit de l’évêque que les missionnaires étaient au service des Amei sans oublier pour autant les catholiques du plat pays.

Pendant les trois ans qui suivirent, l’Association des femmes catholiques et le Cursillo travaillèrent à promouvoir le développement communautaire. Avec leur aide, la paroisse intensifia les visites des familles et les activités communes tout en respectant scrupuleusement certains aspects de la culture Amei. Peu à peu, les deux parties finirent par se rejoindre, témoignent le P. Scherer et Chang Yu-ying, un catéchiste Amei : « Maintenant même les catholiques du pays plat dansent après les banquets. »

Alors qu’une nouvelle solidarité s’enracinait ainsi dans la communauté paroissiale, les responsables paroissiaux s’aperçurent que les valeurs culturelles des aborigènes se fanaient au contact de l’urbanisation et du développement économique. Les jeunes Amei ont grandi en ville, fait remarquer Chang Yu-ying, « et ils n’éprouvent pas le besoin de parler leur langue maternelle ». Un fossé culturel s’est creusé au sein même des familles Amei. Chang Yu-ying souligne que les mères de famille entre 30 et 40 ans parlent couramment le mandarin et ne se servent du langage de leur tribut que pour les conversations courantes. Quand les jeunes Amei de Hsiaokang allèrent un jour dans les montagnes visiter leurs villages d’origine, le P. Scherer remarqua qu’ils observaient les activités des montagnards avec perplexité, se sentant déphasés.

Ces dernières années, le ralentissement économique de Taiwan a affecté la vie de beaucoup d’aborigènes vivant en ville. Certains n’ont plus de travail régulier, d’autres sont chômeurs, sans argent. Chang Yu-ying explique que certains ont cherché du travail sur place comme pêcheurs ou ferrailleurs, parce qu’il est très difficile pour eux de retourner à leurs racines, dans la montagne, ayant tout vendu de ce qu’ils possédaient pour rejoindre les villes de la côte. De plus, après l’ouverture du pays à l’immigration en 1992, des Philippins sont très vite arrivés à Notre Dame des Victoire, rejoints par deux ou trois douzaines de Vietnamiens catholiques (2). A nouveau, la paroisse a dû réfléchir à la façon d’accueillir ses nouveaux arrivants. Chang Yu-ying explique, qu’en signe d’accueil, les paroissiens servent un repas dans les locaux paroissiaux tous les samedis soirs pour donner à tous l’occasion de se rencontrer et de décompresser un moment. Tous sont aussi invités à se joindre aux activités paroissiales dont des pèlerinages fort prisés, organisés à des prix imbattables.