Eglises d'Asie

De nouveaux groupes islamistes radicaux, issus de la Jemaah Islamiah, pourraient s’en prendre aux chrétiens indonésiens, assimilés à l’Occident

Publié le 18/03/2010




Selon un rapport publié au début du mois de février dernier par Crisis Group (ICG) et rédigé par Sidney Jones, spécialiste reconnu des milieux islamistes indonésiens, les violences qui ont visé au mois d’octobre dernier la communauté chrétienne de Poso, sur l’île de Célèbes (1), permettent de mieux apprécier la nature et la portée de la menace terroriste existant en Indonésie. Selon ce rapport, intitulé : “A l’arrière-plan indonésien : le djihad à Célèbes-Centre” (2), la Jemaah Islamiah, réseau terroriste à qui sont imputés les attentats commis à Bali en octobre 2002 et à l’hôtel Marriott de Djakarta en août 2003, est traversée de tensions et est divisée en factions. Certaines d’entre elles prônent une action rapide et violente contre le gouvernement indonésien, la présence occidentale en Indonésie et les chrétiens indonésiens, assimilés à l’Occident.

Selon Sidney Jones, l’arrestation en janvier 2004 de dix-huit personnes soupçonnées d’être responsables des attaques commises en octobre dans les districts de Poso et Morowali, dans la province de Célèbes-Centre, permet de mieux comprendre les motifs et les modes opératoires des groupes terroristes présents dans la région. Il apparaît en effet que ces personnes ont presque toutes été recrutées localement par une milice islamiste, le Mujahidin KOMPAK, et que la plupart avaient, parmi leurs proches, des personnes qui ont été tuées au plus fort des violences intercommunautaires, en mai-juin 2000. La revanche semble donc être le motif premier de leurs actes. Mais, en analysant comment cette organisation, le Mujahidin KOMPAK, s’est formée, Sidney Jones a mis à jour les dissensions qui semblent exister au sein de la Jemaah Islamiah, réseau duquel le Mujahidin KOMPAK est proche mais distinct.

Si la création d’un Etat islamique rassemblant tous les musulmans du Sud-Est asiatique est l’objectif ultime affiché par les islamistes radicaux, la Jemaah Islamiah et de plus petits groupes tels que le Mujahidin KOMPAK semblent diverger sur la tactique à suivre pour y parvenir. La Jemaah Islamiah insiste sur la formation religieuse comme un préalable indispensable à l’action violente tandis que les partisans du Muhajidin KOMPAK prône “l’apprentissage par la lutte” et l’action violente partout où cela est possible et dès que cela est possible. A ces divisions, s’ajouteraient des divergences sur le choix des cibles nées des conséquences des attentats commis ou à commettre. Le nombre élevé de musulmans parmi les victimes des attentats de Bali et de l’hôtel Marriott a, semble-t-il, incité certains groupes à préférer, aux cibles symboles de l’Occident, les attaques contre les chrétiens indonésiens. Les actions contre ces derniers, peu protégés contrairement aux cibles représentant l’Occident, sont moins susceptibles de faire des victimes “collatérales” musulmanes (3).

Pour Sidney Jones, il est important de garder à l’esprit que ces divergences concernent une fraction des groupes extrémistes actifs en Indonésie qui, eux-mêmes, forment une petite minorité au sein du vaste ensemble musulman indonésien. Mais l’étude des évolutions et des divergences au sein de cette mouvance radicale permet de distinguer des tendances. Une fraction de la Jemaah Islamiah serait favorable à des attentats spectaculaires affaiblissant les régimes en place dans la région (4) ; une autre – majoritaire pour autant que ce mouvement soit nettement structurée – considérerait que de tels attentats nuisent à l’objectif à long terme qui est d’établir un Etat islamique en Indonésie.