Eglises d'Asie

Devant des cadres provinciaux, l’ensemble des responsables religieux de l’archidiocèse de Huê dresse un tableau complet de ses revendications

Publié le 18/03/2010




Le compte-rendu d’une rencontre assez exceptionnelle entre responsables religieux et cadres gouvernementaux a été diffusé par diverses sources dignes de foi (1). Elle a eu lieu dans les locaux de l’archevêché de Huê le 20 février 2004 et a mis face à face clergé du diocèse et des fonctionnaires locaux des Affaires religieuses. Face au directeur local des Affaire religieuses, Duong Viêt Huong, accompagné de quatre autres cadres, se trouvaient les principaux responsables religieux de l’archidiocèse, dont l’archevêque Mgr Etienne Nguyên Nhu Thê, son vicaire général, quatre curés-doyens, le directeur du grand séminaire, l’abbé du monastère bénédictin de Thiên An, les supérieurs des rédemptoristes et des religieux du Sacré Cour, les supérieures de cinq congrégations féminines présentes dans l’archidiocèse, un prêtre membre de Conseil populaire et deux laïcs du diocèse. L’initiative de la réunion était due au Bureau des Affaires religieuses, qui avait voulu cette rencontre “pour que les obstacles rencontrés soient soumis à l’administration provinciale afin qu’elle leur trouve une solution et pour que soit exposée la politique religieuse de l’Etat communiste”. L’ensemble des interventions des divers participants, même si elles sont de différentes natures, forme un tableau presque exhaustif des problèmes que l’Eglise de Huê rencontre dans sa vie quotidienne et qui, à cause de la nature du régime, ont besoin de l’intervention de l’Etat pour être réglés.

Après un mot d’accueil de l’archevêque et quelques propos en langage convenu tenus par le directeur provincial des Affaires religieuses, c’est en fait, une longue série de réclamations qui ont été exposés par les divers participants, que nous exposons ci-dessous :

La supérieure des Enfants de la Vierge immaculée a demandé que les permissions d’études à l’étranger leur soient facilitées. Elle s’est également plainte des difficultés rencontrées par le dispensaire tenu par les religieuses pour se procurer des médicaments venus de l’étranger. Elle a demandé que leur soit rendue une école dont elles s’occupaient avant 1975, aujourd’hui devenue une résidence pour cadre.

Les Amantes de la Croix ont parlé des jeunes désireuses d’entrer dans leur communauté mais qui se voient refuser le permis de résidence par les autorités civiles. Par ailleurs, elles demandent de maintenir à l’intérieur de leur couvent les écoles maternelles que le pouvoir civil veut placer à l’extérieur.

Les sours de la Visitation réclament la restitution d’un scolasticat bâti en 1970 mais confisqué par le gouvernement en 1975. Depuis, la propriété a plusieurs fois changé d’affectation. Les religieuses ont rédigé une demande de restitution qui a fait plusieurs fois l’aller-retour entre la région et le pouvoir central sans être examinée. En outre, les autorités locales viennent d’accaparer quatre hectares de terre appartenant à leur congrégation à Bai Dâu, Phu Hâu, tout en exigeant un impôt rétroactif sur cette terre dont il ne leur reste qu’une parcelle. Les religieuses avaient l’intention de construire un dispensaire sur ces lieux.

Les sours de Saint Paul signalent le cas d’un établissement situé à Kim Long dont elles sont propriétaires depuis plus de cent ans. Il leur a été confisqué en 1975 pour en faire un hôpital. Aujourd’hui, le service chargé de sa gestion a vendu une partie du terrain ou l’a donné à des cadres pour qu’ils y bâtissent leurs maisons. Les religieuses ont demandé la restitution de la chapelle pour leur usage personnel – sans recevoir de réponse. Le collège Jeanne d’Arc, propriété de ces religieuses avant 1975, était ensuite passé sous le contrôle administratif de l’Etat. La propriété a été divisée en cinq ou six parcelles utilisées à d’autres usages que l’éducation.

L’abbé bénédictin de Thiên An a également exposé le cas, bien connu, de l’appropriation par le gouvernement de 102 hectares des 107 hectares de son monastère (2), pour en faire un centre de loisirs. Le terrain dont les religieux ont été dépouillés est devenu aujourd’hui un lieu où, selon les termes du religieux, “sévissent les fléaux sociaux”.

D’autres insatisfactions ont été exposées par les représentants d’autres institutions de l’archidiocèse de Huê. Les religieux du Sacré Cour demandent aux autorités que leur soit rendu un cimetière, confisqué avec le restant de la maison mère au moment du changement de régime. Les rédemptoristes se plaignent de ne pouvoir recevoir des jeunes à qui le gouvernement n’accorde pas de cartes de résidence. Le grand séminaire ne peut faire venir des professeurs de l’extérieur qu’après une longue attente et ne peut procéder au recrutement annuel des étudiants. Les franciscains, depuis 2001, demandent – sans succès – l’autorisation de reconstruire un clocher qui s’était effondré en 1968.

Ce sont ensuite les quatre responsables de doyennés qui se sont exprimés. Le P. Nguyên Huu Giai a exposé l’affaire de Kê Sung (3). Il s’est surtout livré à une analyse théorique de haut niveau de la dictature exercée par le Parti communiste vietnamien sur la société en général et la religion en particulier. Il a demandé qu’il soit mis un terme à ce monopole du pouvoir et à son athéisme militant. A sa suite, le doyen de Quang Tri a lui aussi rappelé l’affaire de Kê Sung et l’attitude insultante adoptée par certains jeunes cadres à cette occasion. Le doyen de Huong Quang Phong a fait mention d’une salle de catéchisme défaite par le gouvernement pour avoir été construite sans permission. Le doyen de Hai Van a cité de nombreuses confiscations opérées par le gouvernement depuis des dizaines d’années sans restitution, et de mesures discriminatoires prises contre les chrétiens, comme par exemple, l’absence d’électricité dans des régions habitées par des milliers de catholiques. Il a caractérisé la politique du gouvernement par l’expression : “Promettre mais ne pas tenir !” Le doyen de la ville de Huê s’est plaint de ne pas être autorisé à construire des églises en plusieurs endroits.

En dernier lieu, le P. Tran Van Quy, membre du Conseil populaire, a émis plusieurs réclamations jamais formulées jusqu’ici. Il a demandé la restitution du petit séminaire de Huê, la liberté pour l’Eglise de choisir elle-même les candidats au séminaire chaque année, la possibilité pour toutes les religions d’ouvrir des établissements éducatifs pour suppléer aux déficiences de plus en plus voyantes de l’Education nationale. Il a aussi déploré certaines habitudes qui durent maintenant depuis trente ans, comme celle qui consiste à programmer examens et concours le jour de Noël.

La séance s’est achevée sur des réflexions du responsable des Affaires religieuses sur la complexité de la situation et un petit mot de l’archevêque qui affirme comprendre les difficultés rencontrées par les Affaires religieuses pour régler tous ces problèmes mais qui souligne la gravité de l’affaire de Kê Sung.