Eglises d'Asie

Le témoignage d’une communauté religieuse au service des lépreux conduit un médecin vietnamien vers le baptême

Publié le 18/03/2010




Le 8 décembre 2003, le jour de la fête de l’Immaculée Conception, un événement insolite mais très significatif a eu lieu dans l’église des rédemptoristes de Hanoi. Un membre du Parti, bien connu au Vietnam, y a reçu le baptême qui lui a été administré par l’évêque de Lang Son, Mgr Ngô Quang Kiêt, également administrateur apostolique de l’archidiocèse de Hanoi (1). Il s’agit du docteur Trân Huu Ngoan, longtemps directeur de la léproserie de Quy Hoa, auprès de Quy Nhon, puis chargé du dossier des lépreux au ministère de la Santé.

Après le changement du régime du 30 avril 1975, c’est au docteur Ngoan que furent confiées la prise en charge et la direction de la très célèbre léproserie de Quy Hoa jusque là entièrement gérée par les sours franciscaines missionnaires de Marie. Dans cet établissement situé sur la plage d’une admirable baie qu’il a contribué à ouvrir au tourisme, il fut mêlé de très près, pendant de longues années, au travail des religieuses infirmières et fut très impressionné par le dévouement dont celles-ci faisaient preuve dans leurs soins journaliers aux lépreux. On peut penser que c’est lui qui inspira au réalisateur du célèbre film documentaire Chuyên Tu Tê (‘Histoires de gens de bien’), le passage montrant les religieuses pansant les plaies des lépreux. Ce film réalisé en 1985 par Trân Van Thuy, d’abord interdit puis vu par plusieurs millions de spectateurs, raconte le long parcours dans la société vietnamienne d’un cinéaste en quête d’un comportement humain reflétant ce que la langue vietnamienne appelle “tu tê” que l’on peut traduire par fraternité, tendresse ou tout simplement amabilité. Dans le film, seules les religieuses de la léproserie de Quy Hoa en donnent une certaine idée. Lors de la première présentation du film à Saigon, le réalisateur répétait sans doute des propos du docteur Ngoan, lorsqu’il disait : “Autrefois, il suffisait de neuf religieuses comme celles-là pour gérer la léproserie beaucoup mieux que les deux cents cadres qui y sont employés aujourd’hui.”

Durant son long séjour à la léproserie, la personnalité de la mère supérieure de la communauté l’avait particulièrement marqué. Le ministère de la Santé, lui ayant proposé de présenter son dossier pour le prix Indira Gandhi, le docteur Ngoan avait refusé suggérant qu’une autre personne était beaucoup plus digne de cette récompense désignant ainsi, la mère supérieure qui l’avait précédé à son poste de directeur. Il racontait que la cellule de la sour était tout près de sa chambre, mais que durant des années, il l’avait ignoré, la religieuse n’ayant pas terminé son labeur lorsqu’il allait se coucher et étant déjà au travail à son réveil. Il se souvient des propos du prêtre célébrant les obsèques qui s’était excusé de violer la règle traditionnelle de la congrégation interdisant de citer les mérites de la défunte par la simple phrase : “Elle s’est donné aux malades de tout son cour.”

Aux journalistes lui demandant ce qui l’animait dans sa vie consacrée aux lépreux, il avait répondu par une phrase qu’il pensait inspirée de la Bible : “Allez vers les lieux où personne ne va. Donnez aux endroits où personne ne donne…” Selon des confidences faites à la presse, cette attirance vers les lépreux datait de sa petite enfance. Encore tout jeune, dans son village, il avait été témoin des mauvais traitements infligés à ces malades qu’il avait vu isolés dans une île au milieu d’un lac. Il avait constaté que tout le monde s’en tenait à l’écart et même leur refusait l’inhumation dans les cimetières communs. C’est de cette époque que date sa résolution de servir les lépreux et d’éliminer les préjugés conçus par la population à leur égard. Plus tard, à la léproserie de Quy Hoa, devant de nombreuses personnes, il s’était piqué au bras avec une solution contenant le bacille de Hansen, pour montrer que la lèpre ne se propageait pas aussi facilement que l’on pensait.