Eglises d'Asie

POUR UNE THEOLOGIE CONTEXTUELLE A MINDANAO

Publié le 18/03/2010




Mgr Fernando R. Capalla, archevêque du diocèse de Davao et président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines, a prononcé le texte de la conférence ci-dessous le 4 décembre 2003 à l’université Santo Tomas de Manille. Il a paru dans le CBCP Monitor du 28 décembre 2003 (vol. VII, n° 26) et du 11 janvier 2004 (vol. VIII, n° 1). La traduction de ce texte est de la rédaction d’Eglises d’Asie.

1. Introduction

Le titre de cette conférence suggère deux sujets principaux, à savoir la théologie contextuelle et le dialogue interreligieux. Je me limiterai à mon expérience de Mindanao et partant, je ferai appel à mes réflexions personnelles et peu à des documents.

J’ai été vingt-huit ans à Mindanao, dont dix-sept ans à Ilian, une région à prédominance musulmane, et plus tard, j’ai été à Davao. Mon expérience de cette région concerne essentiellement le dialogue avec les musulmans, les lumads, c’est-à-dire les indigènes, et les chrétiens. Ces rencontres avec des personnes de croyances différentes m’ont amené à réfléchir sur ma foi en Jésus-Christ et sur mon rôle d’homme d’Eglise. Je peux dire d’une façon générale que j’ai été encouragé à pousser plus loin ces expériences et à les partager avec d’autres qui rencontrent des difficultés à vivre avec des hommes de croyances différentes.

La situation à Mindanao

La théologie contextuelle ne sort pas de nulle part. Elle se situe dans l’espace et dans le temps et est conditionnée par eux. C’est également vrai de nos réflexions sur Mindanao. Le christianisme à Mindanao a quatre cents ans d’histoire, une histoire qui se caractérise surtout par les conflits entre chrétiens et musulmans et également entre lumads et chrétiens. Ces conflits ont marqué la vie politique, économique et sociale de ces quatre cents ans.

L’Espagne n’a jamais réussi entièrement à conquérir ni à évangéliser Mindanao. Mais, lorsque les Américains sont arrivés, ils sont arrivés avec une autre stratégie, à savoir celle de l’attirance, notamment par les écoles qu’ils ont créées. En 1900, les Américains ont encouragé les colons des Visayas et de Luzon à s’établir dans les zones musulmanes et lumad de Mindanao. La seconde vague de colons chrétiens s’est développée sous la présidence de Magsaysay, qui a encouragé les Huks du centre de Luzon à avoir des terres à Mindanao, la terre promise.

Quelles sont les causes des conflits religieux à Mindanao ? Beaucoup de Philippins musulmans et de Philippins chrétiens prétendent qu’ils sont deux races et deux cultures différentes. C’est faux. Avant que ne viennent l’islam en 1380 et le christianisme en 1521, les peuples de ce qui est maintenant la République des Philippines partageaient la même culture. Leurs langues montrent qu’ils étaient très proches. Ils avaient les mêmes rites, comme le “blood compact” et la consommation du bétel. Si les chrétiens philippins ont créé un christianisme populaire, les musulmans philippins ont également développé un islam populaire.

Mais ces points communs se sont lentement érodés avec le temps. L’hostilité entre musulmans et chrétiens résulte de facteurs historiques. La haine s’est alimentée des trois cents ans des guerres Moro sous la domination espagnole. Et les relations ont encore empiré avec l’arrivée des colonisateurs américains qui ont poussé les chrétiens à s’installer à Mindanao. Des événements particuliers comme le massacre de Jabida en 1968 et l’instauration de la loi martiale par le président Marcos ont fait naître chez les musulmans une conscience aiguë de leurs droits, qui a abouti à la création des Fronts musulmans de libération, comme le Front Moro de libération nationale et le Front Moro islamique de libération.

S’il y a des évêques catholiques, des prêtres, des religieux et des laïcs, qui, aux Philippines, nourrissent des sentiments anti-musulmans, la raison en est le poids de l’histoire. C’est aussi vrai des Philippins musulmans.

La situation actuelle de Mindanao est donc le résultat de cette histoire. Pour plus de détails, je recommande deux ouvrages. Celui du P. William LaRousse, des Maryknoll, publié en 2001, pour le point de vue catholique, est un ouvrage de référence. Celui de Mgr Hilario M. Gomez Jr., publié en 2000, qui donne le point de vue protestant.

2. La théologie philippine contextuelle

2.1. Les principes

J’emploie le terme de théologie contextuelle dans le sens de théologie inculturée. Les experts peuvent débattre des différences entre culture et contexte, mais, si nous prenons la culture dans son sens anthropologique large, elle peut comprendre l’histoire, la politique et l’économie. De plus le ter-me d'”inculturation” ne figure pas dans les textes du Vatican. Alors que celui de contextualisation peut être trouvé chez les protestants, notamment dans les documents du Concile d’éducation théologique du début des années 1970.

J’avance deux principes théologiques. Le premier est que l’incarnation est le fondement de la théologie contextuelle. Quand le Verbe, la Parole divine, se fit chair (Jean 1,14), il assuma toute la personnalité de l’homme avec ses faiblesses, à l’exception du péché (Hébreux 4,16). Si le Verbe se fit chair, alors l’Eglise, son Corps, doit aussi s’incarner. Vatican II affirme dans Ad Gentes (n° 10) : “Pour pouvoir leur offrir à tous (c’est-à-dire à tous les hommes) le mystère du salut et de la vie divine, l’Eglise doit devenir partie intégrante de tous ces peuples, pour la même raison que celle qui a amené le Christ à se lier par son Incarnation à la vie culturelle et sociale de ces hommes parmi lesquels Il demeurait.” Le principe de l’incarnation implique que la contextualisation est un processus à double sens, celui de donner et de recevoir. Un processus à sens unique serait l’indigénisation ou l’adaptation.

Le deuxième principe est que la théologie inculturée ou contextuelle est un sous-produit de la foi. Ce n’est pas quelque chose qui est concédée directement, mais qui est l’expression de la foi des croyants dans leur époque, leur contexte et leur culture. Nous en retrouvons l’exemple dans la façon dont ont été écrits les différents évangiles. Les quatre évangiles ont quatre visions de Jésus-Christ, parce que leur audience était différente pour chacun des quatre évangélistes. Et l’histoire montre que les chrétiens ont toujours contextualisé leur adhésion au Christ.

J’aimerais montrer que le christianisme de Mindanao est le résultat ou le sous-produit de la foi chrétienne. Alors quel est le christianisme de Mindanao ? Comment est-il différent de celui des Visayas et de Luzon ? Les chrétiens des Visayas et de Luzon ont une longue tradition chrétienne, venant en grande partie de la façon dont les Espagnols vivaient leur foi catholique. Maintenant les colons des Visayas et de Luzon ont apporté avec eux ce type de christianisme à Mindanao. On trouve donc à Mindanao des zones où des Illonggos, par exemple, ou des Ilocanos ont apporté les traditions de leurs aïeuls depuis les villes où ils sont nés. Mais il y a une différence. Quand les colons se sont frottés aux autres groupes, ils se sont ouverts aux changements. Quelques groupes des Visayas et de Luzon ont gardé leurs pratiques traditionnelles, mais ils étaient prêts à les enrichir de la culture locale de Mindanao. Quand la tradition est récente ou même inexistante, la vie chrétienne est malléable. Si, par exemple, le prêtre d’une paroisse de nouveaux colons désire changer la date de la fête locale, il ne rencontrera aucune opposition, parce que les colons n’ont aucune tradition. Faire la même chose aux Visayas ou à Luzon aurait provoqué un tollé.

De plus, le sens du christianisme à Mindanao se transformait et se corrigeait. Comment ? Après Vatican II, les missionnaires étrangers à Mindanao ont été réceptifs aux cultures locales du sud et aussi aux autres changements venant de l’extérieur. Les missionnaires faisaient l’éducation des jeunes prêtres de Mindanao. Les prêtres philippins nés à Mindanao avaient été aux mêmes séminaires de Mindanao, où les professeurs étaient des théologiens ouverts aux nouveaux modes d’évangélisation des chrétiens. Ainsi, les pratiques traditionnelles venant des Visayas et de Luzon commencèrent à être éliminées. Mais quelques bonnes pratiques demeurèrent dans ce christianisme.

2.2. La contextualisation dans les Communautés ecclé-siales de base

La source principale de la contextualisation est la Communauté ecclésiale de base (BEC) ou Gagmay’ng Kristohanong Kaaitilinban (GKK). C’est particulièrement évident quand on parle de l’Eglise locale de Mindanao. Les gens comprennent que le GKK est composé de familles, que la paroisse est composée de GKK et que le diocèse est composé de paroisses. Cela commence au concept de la famille comme unité de base de l’Eglise. Dans ces milieux, le GKK est fort de sa direction, de sa structure et de sa participation. Bien que quelques-uns n’en aient pas explicitement cons-cience, ils ont fait la théologie du GKK, avant même la publication par le pape Jean-Paul II de Familiaris Consortio.

Le GKK permet la participation des laïcs à la prise de décisions, à la liturgie et à l’éducation de la vie familiale. La structure de direction en est excellente. Il y a un pangulo, responsable de la liturgie, du catéchisme, un chef de communauté et un chef des jeunes. Ensemble avec le prêtre de la paroisse, ils forment le conseil.

A Mindanao, beaucoup de gens s’étonnent que nous n’ayons pas de diacres mariés, comme aux Etats-Unis. Nous n’en avons pas besoin, parce qu’à Mindanao les chefs de nos chapelles font ce que font les diacres à l’étranger. Ils prêchent, ils peuvent même baptiser dans les cas d’urgence, comme le prévoit le droit de l’Eglise. Ces chefs laïcs à Mindanao prient même parfois pour les morts. A cause des milliers de tombes, un prêtre ne peut pas aller sur toutes. Les laïcs le peuvent et ils reçoivent une offrande. Ils assurent beaucoup des obligations qui ne sont pas du seul ressort des prêtres. Ces laïcs n’assument pas seulement des obligations pastorales, mais prennent part aux décisions dans le GKK. Le concept de GKK, ou Communauté ecclésiale de base, est très fort à Mindanao, plus fort qu’aux Visayas ou à Luzon.

Un autre exemple est le sens de la communauté, qui est plus fort à Mindanao qu’aux Visayas et à Luzon. Nos célébrations religieuses font une grande part aux chants. Mais ailleurs qu’à Mindanao, c’est la chorale qui chante.

Plusieurs évêques de Luzon ont envoyé leurs prêtres à Mindanao pour qu’ils se rendent compte par eux-mêmes. Les archevêques Quevedo et Rosales, les évêques Claver et Tobias et d’autres, qui ont été formés à Mindanao, y ont envoyé leurs prêtres pour qu’ils voient fonctionner les BEC. Les évêques disent maintenant que cette expérience n’est pas suffisante. Développer les BEC doit faire l’objet d’une stratégie de la Conférence des évêques catholiques des Philippines (CBCP). Bien que le deuxième Conseil plénier des Philippines (PCP), en 1992, ait souligné l’importance de la formation de BEC, rien ne s’est passé, ni à Luzon, ni aux Visayas. La CBCP a donc pour devoir de revenir aux provisions contenues dans PCP II pour promouvoir avec force les BEC à Luzon et aux Visayas.

2.3. La contextualisation et le clergé

Les visiteurs sont frappés par la simplicité du mode de vie des évêques et des prêtres de Mindanao. Il y a des exceptions, bien sûr. Mais à Mindanao, acheter une voiture de luxe entraînerait immédiatement des tas de commentaires, non seulement de la part des gens, mais aussi de la part des prêtres. J’ai conduit, un jour, deux religieuses venant de France dans ma Volkswagen. En chemin, nous avons crevé. Pendant que je changeais la roue, les sours ont pris une photo de moi, en disant : “C’est quelque chose que nous allons montrer aux évêques en Europe !”

Un autre trait particulier des évêques, des prêtres et des laïcs de Mindanao est qu’ils se rencontrent souvent. Ils considèrent que les réunions sont importantes pour faire des plans et autre. Même ceux qui habitent loin viennent pour une simple réunion. Les gens font des efforts pour assister à des réunions. Par contre, beaucoup de gens des Visayas et de Luzon refusent les réunions qu’ils trouvent sans intérêt. Ils se plaignent : pourquoi passer des heures en réunion ? Mais, à Mindanao, les réunions sont très importantes.

Le fait de tenir de fréquentes réunions a contribué à créer la Conférence pastorale de Mindanao-Sulu, une chose qui n’existe pas aux Visayas ni à Luzon. Tous les trois ans, les évêques, les prêtres, les chefs de communauté et les religieux se réunissent pour parler des besoins pastoraux de l’Eglise de Mindanao. Depuis les années 1970 jusqu’à maintenant, la Conférence pastorale de Mindanao-Sulu a souligné l’élan de l’Eglise pour créer les Communauté ecclésiales de base qui assurent elles-mêmes le développement de la foi, répondent elles-mêmes à leurs besoins et s’autogouvernent. Ces communautés ont commencé par être liturgiques. Désormais, elles s’engagent dans un processus de libération en défendant leurs droits qui sont bafoués par certains de ceux qui viennent de l’extérieur. Les BEC des Visayas et de Mindanao seraient surtout plus liturgiques et moins enclines à lutter pour le développement et la libération. Même lors de la Conférence des évêques des Philippines, nous, les évêques de Mindanao, avons notre propre réunion, avant que ne se réunisse la CBCP, deux fois par an. Pourquoi ? Simplement, parce que c’est une habitude que nous avons prise à Mindanao.

Les laïcs doutent des décisions prises par leurs chefs sans consultation préalable. La consultation est devenue quelque chose d’extrêmement important dans la vie des prêtres et des évêques à Mindanao.

Chaque province ecclésiastique a maintenant, comme la nôtre de Davao, une maison du clergé, où les prêtres se rencontrent une fois par semaine, pour dîner ensemble, pour faire du sport ensemble. Je parle là des prêtres du sud de Mindanao. S’il n’y a pas de maison du clergé, ils viennent dans la maison de l’évêque. Vous ne trouvez pas cela aux Visayas ni à Luzon. Généralement, chaque lundi, nous dînons ensemble, en plus de la réunion mensuelle de presbytère. Nous avons hérité cette pratique des missionnaires. Pour eux, ils ne pouvaient survivre qu’en se réunissant pour parler, même s’ils étaient loin les uns des autres. Cette habitude a laissé des traces chez nos jeunes prêtres et nos jeunes évêques de Mindanao.

Que remarquent les visiteurs de l’Eglise de Mindanao ? Les visiteurs que j’ai reçus à Iligan et à Davao m’ont dit que ce qui les avait le plus frappés était la proximité qui existait entre les évêques et leurs prêtres. C’est une manière d’être qui est rare en Europe, où le clergé ne se réunit que pour les grandes cérémonies. Lorsque j’étais en Italie en septembre 2003 pour une visite ad limina, j’ai parlé à des prêtres de nos réunions du lundi. Mes interlocuteurs qui avaient pourtant un grand sens social me dirent qu’ils avaient beaucoup de peine à imaginer une chose pareille, parce que pour eux un évêque était très éloigné de ses prêtres et de ses fidèles.

Une autre observation qui me fut faite touche à la formation du clergé. A Mindanao, l’impulsion de base vient des BEC. Elles sont enseignées au séminaire et beaucoup de prêtres ont été formés à cette idée. Vous ne pouvez pas devenir prêtre ou évêque si vous ne soutenez pas les Communautés ecclésiales de base (BEC), qui sont l’avenir de l’Eglise. La plus grande part du clergé de Mindanao a commencé ses études dans les séminaires de la région. Ils viennent donc de trois séminaires : un à Davao, un à Ozamis et un autre à Cagayan de Oro. Les grands séminaires de Davao et d’Ozamis sont dirigés par des prêtres diocésains. Les jésuites dirigent celui de Cagayan de Oro. Mais le clergé des Visayas et de Luzon est envoyé dans des séminaires différents. La plupart des prêtres sont envoyés à Manille ou à Cebu, où les choses sont différentes.

J’ai aussi une sorte de BEC à l’évêché et dans quelques couvents et rectorats de paroisse. Nous devons donner le bon exemple à nos gens.

2.4. La contextualisation liturgique

Ayant été dans différentes régions d’Asie, je peux comparer le christianisme de Mindanao et celui d’autres pays asiatiques. A l’exception des Philippines, les chrétiens sont une minorité en Asie. Bien qu’il existe des différences de culture pour ce qui a trait aux symboles, aux signes extérieurs et aux décors, j’ai remarqué que les célébrations liturgiques dans les autres pays d’Asie donnent l’impression d’être en Europe. Les prêtres et les évêques portent le costume occidental. L’Inde est l’exception. Quand j’ai été chez le P. Amalorpavadass à Mysore, dans le Karnataka, j’ai assisté à une eucharistie qui était un rare exemple d’inculturation. Bien que les catholiques soient une minorité, l’inculturation est un de leurs vifs désirs. Mais leur difficulté est la communication avec la Curie romaine. En dépit des déclarations appuyées de la Fédération des Conférences des évêques asiatiques sur l’inculturation, je n’en ai pas observé grande pratique dans les autres pays d’Asie. Je pense que, pour les catholiques asiatiques, le fait d’être une minorité en est la principale raison. Contextualiser diminuerait leur identité. Ils doivent donc affirmer leur identité en montrant leur “romanité ce qui peut, à l’heure actuelle, se justifier.

D’un autre côté, il y a de nombreuses “violations” de règles non essentielles dans la liturgie. Il faut dire que les évêques encouragent les fidèles à aller de l’avant dans la traduction des livres liturgiques. Mais nous sommes toujours fidèles à la règle romaine. Il y a des adaptations culturelles des symboles que nous rencontrons très souvent dans l’offertoire de la messe. Mais les vêtements liturgiques et l’ordre de la messe sont les mêmes. La principale différence à Mindanao est la participation active des fidèles.

Chaque BEC a son leader liturgique ou pangulo sa liturhiya (PSL) et il y a d’autres pangulos. Il y a des conditions requises pour être élu leader liturgique. Chaque candidat doit suivre cinq séminaires de formation : un séminaire sur l’évangélisation, un séminaire sur la liturgie, un séminaire sur l’ecclésiologie dans les GKK, un séminaire sur l’Ecriture et un séminaire sur l’action sociale. Quand je dis que les fidèles participent, je veux dire qu’ils participent à la connaissance de ce qu’est la communauté. Le prêtre de la paroisse le sait, parce que c’est lui qui nomme le leader aux séminaires. Quand ils participent à la célébration, ils participent en connaissance de cause ; ils savent ce qu’ils font. Dans beaucoup d’endroits à Luzon ou aux Visayas, les fidèles connaissent la liturgie, mais le sens ou la conscience de la communauté fait défaut. Leurs leaders laïques sont à peine complètement formés et sans la préparation nécessaire.

Ce qui frappe les visiteurs est la participation aux chants dans les célébrations à Mindanao. En Europe et ailleurs, les fidèles ne font qu’écouter le chour. Quand les fidèles ont le sens de la communauté, la liturgie devient très vivante. C’est la différence et la spécialité de Mindanao. J’ai entendu cette remarque de visiteurs de Luzon et des Visayas lorsqu’ils voyaient les fidèles chanter à l’église comme s’ils étaient chez eux ! Pourquoi ? Parce qu’ils avaient la kasaluogan sa pulong (liturgie de la parole) chaque semaine dans leur chapelle. Les BEC ont la liturgie de la parole, même sans prêtre. Le sens de la communauté a une influence sur la célébration et fait toute la différence. Les BEC de Mindanao ont leurs porteurs d’offrandes, leurs lecteurs, leurs ministres laïques pour la communion, leurs seconds quêteurs. Les visiteurs ne croyaient pas que cela pouvait être possible pour une seule messe !

Les fidèles obéissent à leurs évêques. Quand Rome s’ouvrira aux changements liturgiques, les catholiques de Mindanao seront prêts. Nous devons obéir aux règles, mais les fidèles sont prêts au changement parce que la communauté est solide. Et la communauté n’est pas une communauté de l’autorité, mais une communauté où la participation est permise pour tous. Elle est prête aux changements radicaux, si Rome les permet. Je ne pense pas que les autres régions soient prêtes, mais nous, nous le sommes !

3. Le dialogue interreligieux

Je vous ai présenté l’Eglise contextuelle de Mindanao. Voyons maintenant son application dans le dialogue interreligieux. Lorsque le pape Jean-Paul II a nommé le cardinal Francis Arinze à la tête du Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux, le Saint-Père avait l’intention d’élever le statut des religions traditionnelles au niveau des autres religions du monde. C’est la raison pour laquelle dans les réunions interreligieuses, on trouve toujours des représentants des religions traditionnelles avec les autres chefs religieux. Les religions traditionnelles, telles qu’elles sont pratiquées par les peuples indigènes dans le monde entier, représentent la plus ancienne religion.

Au cours du second Concile plénier des Philippines en 1991, j’ai fait remarquer que la religion traditionnelle des peuples indigènes des Philippines devrait être considérée également comme une religion. Mais mon intervention n’a pas eu de suite. C’est pourquoi dans le document du PCP II, la religion traditionnelle n’est pas retenue parmi les religions des intervenants du dialogue interreligieux. Et les peuples indigènes des Philippines sont classés avec les autres catégories faisant l’objet d’études particulières, comme les enfants et les jeunes, les femmes, les paysans, les pauvres des villes, les pêcheurs et les handicapés (PCP II, n° 375-401) !

Quand j’étais président de la Commission épiscopale pour le Dialogue interreligieux, j’ai poursuivi le dialogue avec les tenants de la religion traditionnelle comme avec ceux des autres religions du monde. Le P. Leonardo Mercado, SVD, fait ressortir, dans son livre : “De païens à partenaires” (2001), ce changement de l’Eglise dans la façon de considérer la religion traditionnelle.

A Mindanao, nos partenaires pour dialoguer sont les lumads, adeptes de la religion traditionnelle, et les musulmans. Et les chrétiens, les lumads et les musulmans maintiennent la paix ensemble à leur façon.

3.1. Dialogue avec les lumads

Nous avons déjà dit que la théologie contextuelle ou l’inculturation est une voie à double sens, qui donne et qui reçoit. Nous avons trouvé cela auprès des lumads.

Un des domaines de l’échange est celui de la présence de Dieu. Nous parlons aux fidèles de l’existence transcendantale de Dieu, qui est au-delà de toutes choses. Nous leur apprenons que Dieu est immanent, qu’Il est partout dans toute la Création. Les théologiens et les gens d’Eglise expliquent ce point avec beaucoup d’éloquence. Mais, en pratique, les lumads ont une meilleure compréhension de l’immanence de Dieu que nous, chrétiens. Dans les forêts où ils vivent, avant de faire quelque chose, ils en demandent la permission à l’esprit qui vit dans les arbres. Beaucoup d’entre nous ont étudié la spiritualité de la création. Mais en pratique nous ne respectons pas réellement la création, ni l’écologie. Mes contacts fréquents avec les lumads ont changé ma conception de la création. Ils ont beaucoup aidé ma spiritualité.

Le P. Albert Alejo, SJ, raconte ce qu’il a vécu avec les Manobos en 2003 dans les montagnes d’Agusan. Après un long voyage, il rencontra ces lumads qui lui servirent un repas simple à même le sol. Il leur demanda s’ils avaient l’habitude de dire une prière avant les repas. Leur chef lui répondit : “Ici, Père, nous ne prions pas avant de manger. Pourquoi ? Parce que nous bénissons la nourriture depuis que nous la préparons. Quand nous défrichons, nous prions pour la terre. Quand nous semons, nous demandons aux esprits de nous guider. Quand nous récoltons des fruits, nous adressons nos remerciements, dans notre rituel, à l’esprit, notre Dieu, le Fournisseur Céleste. Ainsi, quand la nourriture nous est apportée, elle est déjà bénie !” En d’autres termes, ils sont toujours au contact de la création et sont toujours conscients de la présence de Dieu. Mes nombreuses rencontres avec les lumads ont changé ma perspective de croyant et de responsable religieux.

Lorsque nous dialoguons avec les lumads, nous sommes surpris de voir que notre croyance en la Trinité semble avoir un écho dans la croyance locale. Dieu le Père serait Manama, Dieu le Fils serait Magbabaya, et le Saint Esprit, Paminturan. Cette similitude facilite le dialogue parce qu’elle leur permet de participer à nos cérémonies. Elle explique peut-être la facilité avec laquelle les premiers Philippins ont adhéré au christianisme.

Le dogme de l’incarnation implique la critique du partenaire. Nous avons des projets sociaux culturels pour les lumads, comme l’éducation, ou des projets générateurs de revenus, comme l’irrigation. Il y a toujours une composante éducative dans l’apport de ces connaissances aux lumads. Nous avons pu corriger certaines pratiques négatives des lumads lors de ces rencontres. Une de ces pratiques est le mariage décidé par les parents. Cette pratique est appelée buya dans la langue des Matigsalog, une tribu du Davao. Les enfants, après nous avoir écouté, ont décidé seuls au moment de se marier. Maintenant, les enfants ont compris que cette pratique ne pouvait plus durer parce qu’ils avaient découvert la liberté de choisir. Nous sommes heureux de cette issue. Notre foi a été capable de critiquer le mariage lumad pré-arrangé des enfants.

Un autre type de pratique était le sablag qui est le paiement forcé d’une dette. N’ayant pas de tribunaux à l’époque, les dettes étaient payées en nature. Si quelqu’un était lésé, il pouvait se payer en prenant un de vos biens. Il pouvait prendre votre vache, votre carabao ou un autre de vos biens. Mais lorsque nous leur avons parlé de la dispersion des animaux, la composante éducationnelle de notre enseignement leur a appris : “Ceci est votre propriété.” Ils ont compris et accepté le principe de la propriété personnelle et ont changé leur idée du sablag, à savoir que le paiement peut ne pas être imposé. Maintenant, les gens voient la valeur du dialogue, la valeur de la liberté et le respect des biens personnels qui n’existaient pas avant. Voilà quelques uns des effets de nos relations avec les lumads.

3.2. Le dialogue avec les musulmans

Nous avons appris le principe du don et de l’acceptation dans notre dialogue avec l’islam. En ce qui concerne les musulmans, notre respect de la Parole de Dieu est moindre que celui qu’ont les musulmans pour leur Coran. Pour eux, le Coran est ce qu’a dicté Dieu à Mahomet. C’est pourquoi chaque exemplaire du Coran est entouré de respect et de soin. Il n’est pas simplement jeté n’importe où, mais rangé dans un endroit très spécial. Nous n’avons pas le même souci avec notre Bible. Des exemplaires sont parfois jetés ou mal rangés. Je me souviens d’un incident qui eut lieu dans un village cent pour cent musulman, appelé Bauyan dans le Karomatan, où Mgr Desmond Hartford a vécu un an. Un jour où il conduisait sur la route, il dépassa un musulman. Il l’invita à monter à coté de lui dans sa jeep. Le musulman ne voulut pas s’asseoir sur le siège parce qu’il y avait dessus un exemplaire de la Bible. Cet incident m’a profondément touché. Je dis aux gens que la Parole de Dieu est réellement une Parole vivante. Mais la façon dont nous traitons la Parole de Dieu est bien éloignée de cette conviction. Cet incident a changé ma façon de penser. Il m’a aidé dans ma relation avec la Parole de Dieu.

Il y a deux slogans qui caractérisent l’animosité qui règne entre les chrétiens et les musulmans : d’abord les chrétiens ont coutume de dire : “Un bon musulman est un musulman mort.” et les musulmans répliquent : “On ne peut jamais faire confiance à un chrétien.”

D’une façon générale, je peux dire que l’Eglise de Mindanao a été capable d’avoir une influence sur les relations entre les musulmans et les chrétiens par son approche via le dialogue interreligieux et le dialogue ocuménique. La pratique du dialogue interreligieux et de l’ocuménisme a diminué l’animosité parce qu’ils nous ont permis d’en savoir plus sur l’islam et parce que les chefs musulmans avec qui nous dialoguions ont appris à connaître le christianisme. Une plus grande tolérance se fait jour maintenant à Mindanao. Un résultat et un signe de ces bonnes relations entre les communautés musulmanes et chrétiennes a été la mise en place de la Conférence des évêques et des oulémas en 1996. Beaucoup d’autres structures ont été mises en place à partir de ces dialogues, ainsi, les Silsilah, des dialogues entre jeunes – lumads, chrétiens et musulmans.

3.3. Faire la paix et créer des zones de paix

Les zones de paix sont le fruit d’une collaboration entre les communautés chrétiennes de base, celles des lumads et celles des musulmans. Chaque zone de paix est l’exemple d’un accord tripartite ou d’un consensus conclu grâce à nos initiatives. Les bandes armées ne doivent pas entrer dans les zones de paix. Les groupes armés chrétiens, les rebelles musulmans et les militaires ont respecté cette décision des autorités locales. Bien sûr, cela a pris beaucoup de temps pour convaincre ceux qui ne faisaient pas partie de cet accord tripartite de neutralité, ne correspondant pas à la mentalité locale. Grâce à l’interaction des valeurs chrétiennes, musulmanes et tribales, ce consensus sur les zones de paix est devenu une réalité dans de nombreuses régions du Mindanao.

3.4. Le pardon et la paix

Il y a eu plusieurs types de réconciliation à Mindanao. Les pourparlers de paix ont été le premier type. Les lumads se réconciliaient par l’échange de cadeaux ou par le “blood compact” entre les parties en présence et par des pactes de paix. Il y eu ensuite les projets de développement dans des zones ayant supporté des pertes durant la guerre, les centres d’évacuation des civils victimes de la guerre. Ce type de pacification ne fonctionne pas, parce qu’il ne supprime pas la haine. Par exemple, dans un centre d’évacuation pour les enfants musulmans à Pikit, Cotabo, un garçon musulman de sept ans, voyant un hélicoptère survoler le centre s’exclama : “Quand je serai grand, je détruirai ce qui vole là !” Les musulmans reçoivent ces cadeaux des chrétiens, ou tout ce que vous pouvez appeler des cadeaux – des projets, des logements, des écoles ou des marchés, mais la haine demeure. Ceux qui ont développé ces méthodes sont de bons chrétiens. Mais ils ne peuvent pas dominer les processus de guérison et de pardon, qui sont la base de la réconciliation. C’est pourtant ce que Dieu nous demande de faire. En d’autres termes, la paix vient de l’ordre. Si vous voulez restaurer l’ordre dans les relations humaines, il faut restaurer la dignité de la personne humaine. Restaurer la dignité, c’est reconnaître que vous avez offensé les autres et que vous pardonnez ceux qui vous ont offensé. Si quelqu’un commet un crime, il ne devient pas un monstre. Il y a toujours l’espoir et la foi dans la guérison et le pardon, qui peuvent restaurer les relations interrompues.

Je crois que la réconciliation chrétienne peut rétablir une paix durable. Beaucoup de gens parlent de paix durable pour la paix négociée grâce à des projets économiques, sociaux ou politiques. Je ne crois pas que ces projets négociés en vue de la paix, comme l’allègement de la pauvreté, puissent guérir les blessures infligées par les conflits, par la guerre, par la violence à Mindanao pendant quatre cents ans.

Je crois que notre nouvelle approche pourrait maintenant être plus effective et plus durable : la réconciliation par le pardon et la guérison. Mes amis oulémas, ces experts du Coran, disent que, selon le Coran, on ne peut pas recevoir sa récompense dans l’au-delà si l’on n’a pas pardonné. Mais si l’on se venge maintenant, on a déjà reçu sa récompense sur la terre. C’est identique à ce que nous disons dans le Notre Père : “Pardonne-nous nos offenses, comme nous pardonnons à ceux qui nous offensés. Dieu pardonne ceux qui cherchent le pardon Dans la culture tribale, il y a beaucoup de cas où les conflits sont résolus par le système tribal. En fait, je mets au défi les recteurs des universités catholiques de faire des recherches en ce domaine, parce que les jeunes indigènes des tribus sont en train d’oublier leur culture traditionnelle. Bien qu’il n’y ait pas eu de tribunaux, il y avait un système pour résoudre les conflits par certaines pratiques.

Leurs langues expliquent le sens de beaucoup de ces pratiques. Par exemple, ils disent pasaylo en cebuano, patawad en tagalog ou pakawanen en ilocano. En cebuano, pasaylo signifie simplement ignorer. En tagalog, le pardon, en tant que patawad, implique un marchandage. Mais en ilocano, le pardon, en tant que pakawanen, signifie l’éducation pour la guérison et le pardon. C’est possible, parce que cela a été fait ailleurs avant, comme en Afrique du Sud où Nelson Mandela a invité ses geôliers à son investiture. Kim Dae-jung a invité l’ex-président Chun Doo-wan à assister à la célébration qui le nommait président de la Corée du Sud. Le roi Hussein de Jordanie, qui est musulman, a rendu visite à une famille juive dont les enfants avaient été tués par des soldats jordaniens. Il s’est agenouillé et a embrassé les pieds des parents en implorant leur pardon. Pour moi, la paix serait possible. En d’autres termes, des relations harmonieuses entre musulmans, chrétiens et lumads pourraient s’établir, si l’on commençait par pardonner. Je concède qu’il est nécessaire qu’il y ait des paix négociées, des projets et des rencontres, mais les blessures doivent d’abord avoir été guéries. Tous – musulmans et chrétiens, lumads et chrétiens – ont eu des blessures.

Notre Saint-Père a une phrase magnifique à cet égard : “Il n’y a pas de paix sans justice, ni de justice sans pardon.” Mais le pardon n’exclut pas la restitution ou le paiement de dommages. A ma connaissance, il y a des gens qui ne demandent plus de compensation pour des dommages ou même des restitutions, à partir du moment où le fautif demande pardon. C’est suffisant pour nous, parce que si nous sommes payés pour ce que nous avons enduré, cela rabaisse et fait injure à nos souffrances. Pour moi, c’est un message important pour les avocats des droits de l’homme et de la paix qui réclament des réparations.

Dans le christianisme, le pardon est important et indispensable, s’il doit y avoir réconciliation. C’est la même chose avec les musulmans et les lumads. Je pense que ce mouvement vers le pardon et la réconciliation recueille beaucoup d’adhésions. C’est un mouvement émergeant et son élan augmente en ce moment même.

Cette nouvelle approche de faire la paix doit encore être testée à Mindanao. Elle nécessite un changement culturel. Mais je pense que le dynamisme des gens de Mindanao la rendra possible.

4. Conclusion

J’ai montré que la contextualisation ou l’inculturation est fondée sur le principe de l’incarnation et que la contextualisation est un dérivé de la foi. La situation de Mindanao a produit une forme particulière de christianisme qui est différente de celle des Visayas et de Luzon. La particularité des BEC de Mindanao illustre bien que la contextualisation de la communauté est un dérivé de la foi. Elle résulte de la situation créée par la rencontre de colons chrétiens, de lumads et de musulmans. Mais il faut rappeler le rôle des missionnaires, celui de la formation du clergé et l’esprit particulier des Communautés ecclésiales de base qui est propre à Mindanao. Cette base solide des BEC a montré sa force dans le dialogue avec les lumads et les musulmans et dans la création des zones de paix. La contextualisation est semblable à la réaction chimique de différents éléments.

Le dialogue avec la religion traditionnelle et avec les musulmans montre que nos interlocuteurs peuvent nous enrichir et nous faire redécouvrir ce que nous avons oublié dans notre longue tradition. La créativité spirituelle des lumads nous rappelle saint François d’Assise qui parlait de Frère Soleil et de Sour Lune. Le respect des musulmans pour le Coran nous rappelle la doctrine des pères de l’Eglise qui a établi que la présence de la Parole divine dans les Ecritures est l’équivalent dynamique de la présence du Christ dans l’Eucharistie. Saint Césaire d’Arles a dit : “La Parole de Dieu est à traiter à l’égal du Corps du Christ.”

En bref, le dialogue nous aide, nous, chrétiens. Selon Dialogue et Proclamation (n° 49), “(.) les chrétiens doivent être préparés à apprendre et à recevoir des autres les valeurs positives de leurs traditions. Par le dialogue, ils peuvent être amenés à abandonner des préjugés enracinés en eux, à réviser des idées préconçues et même, parfois, à purifier la compréhension de leur foi.”

Pour autant que je sache, la contextualisation à Mindanao a porté des fruits. La pratique correcte, qui en est faite, en démontre l’authenticité.

Maintenant, quel modèle de théologie contextuelle allons-nous suivre ? En 2003, le P. Stephen Bevans, SVD, a présenté six modèles de théologie contextuelle, à savoir le modèle de traduction, le modèle anthropologique, le modèle orienté, le modèle synthétique, le modèle transcendantal et le modèle contre-culturel. Si l’on regarde ce qui se passe à Mindanao, il semble qu’on y suive tous les modèles, sauf le modèle transcendantal. Le fait que le christianisme ait été adapté aux lumads révèle un modèle de traduction. Le fait que nous, chrétiens, soyons aussi influencés par la culture lumad implique un modèle anthropologique. Le fait que les communautés de base de Mindanao soient favorables à la libération montre qu’elles suivent aussi un modèle orienté. Le fait que l’on combine tous les modèles précédents montre que l’on suit aussi un modèle synthétique. Le fait que l’on aille à l’encontre des pratiques dominantes de vengeance et le fait de critiquer certains traits de la culture lumad montre que l’on suit aussi un modèle contre-culturel. Personne ne peut être juge de son propre cas, parce qu’il y est trop impliqué. Il faut quelqu’un qui puisse voir la réalité d’une certaine distance et distinguer les arbres de la forêt. J’invite donc les théologiens à étudier le modèle contextuel, ou les modèles de l’Eglise du Mindanao.

Références

Ad Gentes (Décret sur l’activité missionnaire de l’Eglise), 1966, in The Documents of Vatican II, éd. par Walter M. Abbott, New York, Garden Press, pp. 584-630.

Alejo, Albert, 2003, “Prayer Before Meals?”, ECID Newsletter, n° 13 (janvier-juin), pp. 14-15.

Bevans, Stephen B., 2003, Models of Contextual Thelogy, édition révisée et augmentée, Manille, Logos Publications Inc.

Catholic Bishops’ Conference of the Philippines, 1992, Acts and Decrees of the Second Plenary Council of the Philippines, Pasay City, Paulines Publishing House.

Gomez, Jr. Hilario M, 2000, The Moro Rebellion and the Search for Peace, A Study of Christian-Muslim Relations in the Philippines, Zamboanga City, Silsilah Publications.

LaRousse, Williams, 2001, Walking Together, Seeking Peace: The Local Church of Mindanao-Sulu with the Muslim Community, 1965-2000, Quezon City, Claretian Publications Inc.

Conseil pontifical pour le Dialogue interreligieux et Congrégation pour l’Evangélisation des peuples, 1991, Dialogue and Proclamation, Reflections and Orientations on Inter-Religious Dialogue and the Proclamation of the Gospel of Jesus Christ, Manille, Catholic Bishops’ Conference of the Philippines.