Eglises d'Asie

Cân Tho : les pèlerins affluent pour vénérer la tombe d’un prêtre catholique tué par les forces vietminh en 1946

Publié le 18/03/2010




De tout le Vietnam, des dizaines de milliers de personnes ont convergé le 12 mars dernier vers une paroisse du Sud-Vietnam, Tac Say, dans la province de Bac Liêu, pour vénérer la tombe d’un prêtre catholique décédé il y a maintenant cinquante-huit ans. Mort au service de ses paroissiens, il est aujourd’hui vénéré comme un martyr par les fidèles catholiques de tout le Vietnam et de nombreux non chrétiens. Ce pèlerinage a, cette année, rassemblé plus de 30 000 pèlerins qui ont, ce jour-là, participé à une messe concélébrée par dix-neuf prêtres du diocèse. Le site a été officiellement reconnu en 1996 par les autorités religieuses du diocèse de Can Tho, malgré une certaine réticence des autorités civiles lorsque les pèlerins ont commencé à affluer.

Le P. François Xavier Truong Buu Diêp qui est aujourd’hui l’objet de ce culte était le curé de la paroisse lors de sa mort. Né en 1897, il avait suivi ses études secondaires au petit séminaire de Phnom Penh et avait été ordonné prêtre en 1924. Il accomplissait alors son ministère pastoral au Vietnam. A partir de 1944, les troubles dus à la guerre se multiplièrent. Il était en 1946 curé de Tac Say et ses supérieurs lui avaient conseillé d’aller chercher refuge dans un endroit moins isolé. Il leur avait fait répondre qu’il voulait vivre et mourir avec son troupeau et ne souhaitait pas s’enfuir ailleurs. Lui et soixante-dix de ses paroissiens furent capturés le 12 mars 1946 par les troupes vietminh et enfermés dans un grenier à riz. Son corps fut retrouvé plus tard auprès d’un étang.

Les pèlerins, cette année comme d’habitude, se sont pressés autour de la tombe et de la statue du P. Diêp où ils ont prié et offert des baguettes d’encens, des bougies, de l’argent et des aliments. Les pèlerins non catholiques ont aussi apporté des cochons de lait, du porc rôti, des gâteaux, des fleurs et des fruits qu’ils ont déposés sur des tables placées devant la tombe. Les chambres et les appartements de la localité, mis en location à un prix trois fois supérieur à la normale, ont été rapidement occupés et une bonne partie de la foule a dormi à la belle étoile sur le parvis de l’église.

Une catholique de Hô Chi Minh-Ville, âgée de 60 ans, ayant eu la chance, avec son groupe de cinquante personnes, de pouvoir dormir dans le hall du presbytère, a raconté qu’elle souffrait d’une arthrite grave l’empêchant de marcher et qu’elle a été guérie très rapidement après avoir prié sur la tombe du P. Diêp. Depuis lors, elle revient chaque année, entraînant ses amies qui, physiquement ou moralement, ont besoin de l’intercession du martyr de Tac Say. D’autres viennent simplement auprès de lui, pour le prier de leur conserver une bonne santé et de leur garder leur emploi.

De nombreux pèlerins apportent avec eux des ex-voto de pierre où ils ont inscrits une phrase marquant leur reconnaissance vis-à-vis du saint et qu’ils accrochent aux murs de l’église. Par ailleurs, le portrait du P. Diêp est exposé un peu partout dans la région, sur les autels des ancêtres familiaux, dans les bateaux, les magasins, ou encore suspendu à une chaîne portée autour du cou.

Selon la population de la paroisse, c’est après le changement de régime de 1975, surtout au cours des années 1980, que s’est développé l’engouement populaire pour le P. Diêp. C’est alors que l’on a commencé à entendre parler de personnes ayant échappé à de graves maladies ou ayant réussi certaines entreprises grâce au “saint”. L’afflux des pèlerins n’a fait qu’augmenter depuis, à tel point que, le 2 février dernier, Mgr Lê Phong Thuân, évêque de Cân Tho, a inauguré le début de la construction d’une nouvelle église de 2 000 places pour remplacer l’actuelle, construite en 1963 et désormais trop petite.