Eglises d'Asie

Deux responsables religieux catholique et bouddhiste appellent au calme et à la raison pour sortir de la crise née de l’issue incertaine de l’élection présidentielle du 20 mars

Publié le 18/03/2010




Le cardinal Paul Shan Kuo-hsi, évêque de Kaohsiung et président de la Conférence des évêques catholiques à Taiwan, et le maître Sheng Yen, moine bouddhiste très respecté, ont publié un communiqué commun le 26 mars dernier par lequel ils appellent à une issue juste et pacifique à la crise qui s’est ouverte sur la scène politique nationale. A l’issue des élections présidentielles du 20 mars, le président sortant Chen Shui-bian et la vice-présidente Annette Lu, du Democratic Progressive Party, sont arrivés en tête du ticket formé par Lien Chan, du Kouomintang (KMT), et James Soong, du People First Party, avec une avance de seulement 30 600 voix, soit 0,22 % des quelque treize millions de suffrages exprimés. Aussitôt les résultats connus, l’opposition emmenée par le KMT a fait descendre dans les rues des centaines de milliers de personnes pour demander un recompte des bulletins de vote et la formation d’une commission d’enquête sur les circonstances non élucidées de l’attentat ayant superficiellement blessé Chen Shui-bian la veille du scrutin. Selon l’opposition, cette agression a suscité un courant de sympathie décisif en faveur du président sortant. Dans ce contexte relativement volatile, les deux responsables religieux ont dit aux Taiwanais que leur diversité était un trésor à préserver et que la prospérité et la stabilité durement acquises de l’île représentaient des priorités à défendre.

Les différentes composantes religieuses et communautaires de Taiwan partagent une même exigence de justice et de paix pour que les 23 millions d’habitants de l’île fassent en sorte de préserver les bénéfices d’une démocratie durement conquise, ont dit en substance le responsable catholique et son pair bouddhiste. Maître Sheng Yen est connu à Taiwan pour son enseignement de la doctrine bouddhiste, des sondages récents l’ont placé parmi « les cinquante personnalités les plus influentes de Taiwan de ces 400 dernières années ».

Le 25 mars dernier, dans un entretien à l’agence Ucanews, le cardinal Shan avait souligné que les catholiques étaient une minorité à Taiwan et que l’Eglise catholique ne représentait pas une force importante dans la société. L’Eglise se montre neutre sur la scène politique et ne soutient aucun des camps en présence, avait-il dit, ajoutant qu’elle ne tenait pas à s’afficher avec d’autres responsables religieux qui, eux, ont pu prendre parti dans la crise en cours (1). Pour Bernard Li Chien-ch’iu, président de l’université catholique Fu Jen, l’Eglise a raison d’agir ainsi. Respectée par l’ensemble des acteurs de la société, elle doit agir comme la conscience de la société et ne prendre position que si il lui semble que les événements ou les politiques mises en place ou préconisées vont à l’encontre de la morale et de la doctrine catholiques, a-t-il expliqué.

Selon plusieurs catholiques de Taiwan, l’attitude présente de l’Eglise contraste quelque peu avec celle des années passées où l’Eglise pouvait être légitimement perçue comme proche du KMT. De nombreux responsables de l’Eglise étant arrivés dans l’île en 1949 en même temps que le KMT, l’Eglise a été à même de faire beaucoup dans le domaine des services sociaux mais, étant proche du KMT – au pouvoir jusqu’en 2000 -, sa hiérarchie n’élevait pas la voix pour dénoncer les injustices. Pour Chen Hsing-yu, du mouvement des Communautés de vie chrétienne, les choses ont changé en l’espace de dix ans et l’Eglise est devenue plus neutre, ainsi qu’on a pu le constater à l’occasion de ces élections présidentielles. L’Eglise ne peut que retirer des bénéfices si les évêques prennent la parole pour défendre la doctrine sociale de l’Eglise tout en se gardant d’intervenir directement dans le jeu politique, estime Chen Hsing-yu.