Eglises d'Asie

A Manille, les musulmans disent être obligés de raser les murs, la police les harcelant plus souvent qu’à leur tour

Publié le 18/03/2010




Les musulmans de Manille, au nombre d’environ 400 000, ont l’habitude d’être harcelés par la police qui, selon eux, les soupçonnent en permanence, voire les harcèlent sans raison apparente. Depuis l’arrestation à la fin du mois de mars dernier de six musulmans soupçonnés de visées terroristes (1), les musulmans disent éviter de sortir la nuit et prennent systématiquement des précautions pour regagner leur domicile avant la tombée de la nuit. “Si nous ne sommes pas accusés de faire du trafic de drogues, on nous soupçonne de prendre part à des enlèvements contre rançon s’indigne Charlie De Makuta, membre du Centre islamique de Quiapo, le quartier musulman de Manille situé non loin du palais de Malacanang, siège de la présidence de la République. “Depuis l’arrestation des soi-disant terroristes d’Abu Sayyaf, le harcèlement a pris des proportions jusqu’ici inédites. Les gens ont peur, peur tout simplement de sortir de chez eux ajoute-t-il.

Balilis Buleg, vice-président du Conseil musulman de coordination pour l’ordre et la paix dans la métropole de Manille, fait le même constat mais ajoute que les arrestations de la fin mars obéissent à des motifs cachés. “Il y a des gens au gouvernement et au sein des forces de l’ordre qui soufflent sur les braises. Chez les musulmans dans cette ville, la colère monte, particulièrement chez les jeunes qui en ont assez d’être la cible constante de la police déclare-t-il. Selon lui, la communauté musulmane de Manille, comme toutes les composantes de la société, connaît des problèmes mais “les musulmans sont des cibles faciles”.

Formant un ensemble de 1,5 hectares, le quartier de Quiapo abrite environ 80 000 musulmans et est un des quartiers les plus peuplés de Manille. Son centre est formé par la Mosquée dorée, la plus importante mosquée de Manille avec une capacité de 3 000 fidèles. Bâtie en 1976, sa construction avait été supervisée par Imelda Marcos. Pour Yussuff Usman, employé par la mosquée, la question que tous les musulmans se posent est de savoir “qui est derrière la présente campagne d’intimidation”. Rakman Ali, administrateur de la mosquée, va dans le même sens, déclarant : “Nous devons gérer cette situation maintenant. Les gens deviennent très réactifs. Le point central est que certains de ceux qui ont été arrêtés ne sont pas coupables. Il n’y a pas de preuve de leur appartenance à un réseau terroriste et nous, en tant que communauté, voulons savoir pourquoi tout ceci se produit.”

Pour Balilis Buleg, les musulmans de Manille veulent la paix. “Si nous voulions nous battre, nous retournerions à Mindanao dit-il, ajoutant que près des deux tiers des musulmans de la capitale sont favorables à la présidente Arroyo. “Si la tendance à ostraciser la communauté musulmane de Manille persiste, les électeurs musulmans se détourneront [de la présidente] », conclut-il.

Le 7 avril dernier, au lendemain d’un dîner au palais de Malacanang qui a réuni, outre la présidente Arroyo, des responsables civils et religieux de la communauté musulmane du pays, la présidence a annoncé la formation prochaine d’une force de police spéciale, la “Salaam Task Force”. Chargée de superviser la lutte anti-terroriste dans la région de Manille, elle comprendra des musulmans et veillera à la protection des droits des musulmans. ‘Salaam’ en arabe signifie ‘la paix’.