Eglises d'Asie

Au cours du week-end de Pâques, la police vietnamienne a violemment réprimé une insurrection sur les Hauts Plateaux du Centre-Vietnam

Publié le 18/03/2010




Un peu plus de trois ans après le soulèvement de février 2001 au cours duquel 20 000 personnes avaient manifesté pour réclamer la liberté religieuse et la récupération de leurs terres ancestrales, durant le week-end pascal du 8-11 avril 2004, plusieurs milliers de Montagnards des provinces de Dak Lak et de Gia lai sont à nouveau venus protester dans les chefs-lieux des deux provinces et ont été férocement réprimés par les forces de l’ordre. Les informations parvenues à ce jour sont extrêmement abondantes mais souvent non concordantes, selon qu’elles reflètent un point de vue militant ou encore la version officielle extrêmement discrète du gouvernement vietnamien.

Selon un compte-rendu des faits diffusé par Human Rights Watch (1), le samedi 10 avril, veille de Pâques, des milliers de Montagnards ont essayé d’entrer à Buôn Ma Thuôt, chef-lieu de la province de Dak Lak, pour y conduire un mouvement de protestation. Des heurts très graves avec la police ont eu lieu. Pour empêcher les manifestants de pénétrer dans la ville, les policiers ont utilisé des gaz lacrymogènes, des matraques électriques et des canons à eau. Selon un témoin direct, des centaines d’arrestations ont eu lieu. De nombreux rapports parvenus en Occident par voie électronique informent qu’un certain nombre de protestataires ont été battus à mort. Dans la journée du dimanche de Pâques, les manifestations ont gagné la province voisine de Gia Lai. Les forces de l’ordre ayant bloqué l’accès au chef-lieu de province, Pleiku, les défilés des protestataires et les heurts avec la police ont eu lieu dans un certain nombre de districts de la province.

Les mêmes rapports donnent à connaître que, depuis Pâques, des centaines de Montagnards ont disparu de leurs villages après les manifestations. Beaucoup ont été arrêtés sans que l’on connaisse le lieu de leur détention. D’autres ont été blessés. D’autres encore sont morts. Beaucoup, craignant que la police ne procède à leur arrestation à leur retour au village, n’y sont pas revenus. Cependant, les données chiffrées à ce sujet sont particulièrement discordantes.

Dès le 8 février, certains signes laissaient pressentir que des événements graves se préparaient sur les Hauts Plateaux du Centre-Vietnam. Ce jour-là, une quarantaine de Montagnards, venus chercher refu-ge au Cambodge, ont demandé l’assistance du Haut Commissariat aux Réfugiés de l’ONU à Phnom Penh (2). Le lendemain 9 avril, l’organisation des Nations Unies recevait une plainte du ministre de l’Intérieur cambodgien l’accusant de prospecter et de manouvrer le long de la frontière du Vietnam pour attirer les Montagnards et de violer ainsi la souveraineté de son pays. Le ministre rappelait qu’en 2002, après que quelque mille Montagnards réfugiés dans des camps du Cambodge eurent été admis comme réfugiés aux Etats-Unis, les camps avaient été fermés et que le gouvernement avait annoncé que tout Montagnard qui arriverait dans le pays serait considéré comme immigré clandestin et refoulé.

Selon les agences de presse étrangères, dans les premières heures de l’insurrection, les autorités locales ont tout fait pour minimiser l’ampleur des événements. Un policier parlait d’une centaine de manifestants. Un médecin de l’hôpital de Buôn Ma Thuôt mentionnait une quarantaine de policiers et soldats blessés sans gravité au cours des affrontements. Il a fallu attendre trois jours, le lundi 12 avril, pour que les autorités vietnamiennes, par l’intermédiaire du porte-parole des Affaires étrangères, reconnaissent l’existence de troubles sur les Hauts Plateaux : “Certains extrémistes de quelques localités des provinces de Dak Lak et de Gia Lai, incités par des forces de l’extérieur, ont provoqué des troubles, voire des outrages aux agents de la force publique et la destruction d’ouvrages d’usage public et de biens publics dans certaines communes” (3). La presse officielle du 13 avril rapportait que certaines personnalités du Parti s’étaient déplacées dans les deux provinces concernées par l’insurrection (4). Dans la matinée du 13 avril, le Vice-Premier ministre Nguyên Tân Dung a rencontré la section du Parti de la province de Dak Lak. Au chapitre des questions sociales, il a été décidé lors de la rencontre, qu’en 2004, les besoins des Montagnards en terres seraient satisfaits à 80 %. D’autres questions, en particulier celles de la sécurité et de la mobilisation des Montagnards, ont été abordées. A l’occasion de ce voyage, le Vice-Premier ministre a rendu visite à l’évêché de Buôn Ma Thuôt ainsi qu’au principal pasteur protestant de la ville pour leur offrir ses voux de Pâques.

Dès le premier jour des troubles sur les Hauts Plateaux, une version militante des événements a été largement diffusée dans les médias internationaux par l’organisation Montagnard Foundation aux Etats-Unis, qui regroupe un certain nombre de Montagnards exilés aux Etatsunis. Cette version des faits a été ensuite relayée par le Parti radical italien qui a envoyé de Rome un certain nombre de dépêches à ce sujet. Selon Montagnard Foundation, les manifestants de Buôn Ma Thuôt auraient été au nombre de 150 000. La répression policière aurait été d’une férocité extrême. On aurait relevé environ deux cents cadavres dans les rues de la ville ou dans les plantations de café environnantes. Les dépêches issues de Montagnard Foundation font aussi état de manifestations qui seraient survenues dans les villes de Kontum, de Dalat et de Phuoc Long.