Eglises d'Asie

Gujarat : une décision de la Cour suprême concernant une affaire liée aux émeutes de 2002 irrite les groupes hindouistes qui s’en prennent à un centre catholique

Publié le 18/03/2010




La police du Gujarat vient d’accorder une protection officielle au Centre Prashant (‘Tranquillité’) tenu par le P. Cedric Pradash, à Ahmedabad, capitale commerciale de l’Etat. Cette mesure a été prise à la suite de menaces que font peser sur le centre un certain nombre de militants hindouistes dépités par la sentence prise, le 12 avril dernier, par la Cour suprême. La plus haute juridiction indienne avait ce jour-là invalidé l’acquittement obtenu par 21 personnes dans un procès en liaison avec les émeutes du Gujarat qui, en 2002, avaient fait plus de mille morts, en particulier chez les musulmans. Le même jugement ordonnait aussi la tenue d’un nouveau procès devant la juridiction de l’Etat du Gujarat.

Aussitôt que les médias eurent publié le contenu du jugement de la Cour suprême, des militants hindouistes se sont précipités devant le Centre, hurlant des slogans contre le P. Prakash et une militante des droits de l’homme, Teesta Setlavad, qui à ce moment-là se trouvait avec le prêtre. Le groupe de manifestants sommait les deux membres du Centre de mettre un terme à leurs activités anti-hindoues, ou alors de faire face aux conséquences de leurs actes. La manifestation a duré quelque trente minutes jusqu’à ce que le prêtre appelle la police. En réalité, les protestataires reprochaient surtout au prêtre et à la militante des droits de l’homme d’avoir prêté assistance au principal témoin du procès des assaillants de la boulangerie Best Bakery, Zahira Sheik (1).

L’affaire de Best Bakery fut une des premières représailles menées par les hindous après l’incendie du train de Godhra où 59 militants hindouistes revenant d’Ayodhya avaient trouvé la mort, le 27 mars 2002 (2). Trois jours plus tard, une boulangerie appelée Best bakery, située à Vadodara, avait été incendiée par des groupes hindouistes en effervescence depuis l’événement de Godhra. Quatorze musulmans qui y étaient réfugiés y avaient péri, brûlés vifs (3). Après les troubles, une plainte avait été déposée contre les principaux responsables de cette attaque, au nombre de 21. Un premier verdict, prononcé le 27 juin 2003, par un tribunal de l’Etat de Gujarat, à l’issue d’un procès mené à une allure record, avait fait l’effet d’un coup de tonnerre. Les 21 accusés cités devant les juges pour l’affaire de Best Bakery étaient sortis libres, faute de preuve. Trente-cinq des 73 témoins cités devant le tribunal pour identifier les coupables avaient refusé de le faire.

Le principal témoin, Zahira Sheik, la propre fille du propriétaire de la boulangerie, avec l’aide des “Citoyens pour la Justice et la paix association dont font partie le P. Prakash et Setalvad, déposa alors une plainte devant la Cour suprême demandant la réouverture du procès, affirmant que des membres du Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP) avaient menacé les témoins et que le gouvernement du Gujarat avait failli à son devoir d’assurer leur protection. C’est à la suite de cette plainte que la Cour suprême a, le 12 avril dernier, prononcé sa sentence.

Interrogé après les faits, le P. Pradesh a fait état d’autres menaces proférées contre lui et contre Setalvad par deux personnes ayant pénétré à l’intérieur de son centre. Setalvad, pour sa part, a déclaré que l’intimidation exercée contre elle et le P. Prakash est conforme à la mentalité acquise par une partie de la population sous l’influence du BJP. Les observateurs et la presse nationale – qui a prêté une grande attention aux derniers rebondissements de l’affaire de Best Bakery – considèrent le nouveau procès comme un test qui indiquera si, oui ou non, justice sera rendue aux victimes des émeutes de mars-avril 2002 au Gujarat.