Eglises d'Asie

Le président de la Conférence des évêques catholiques appelle à la réconciliation dans un climat marqué par la montée du sentiment anti-musulman

Publié le 18/03/2010




Le 9 avril dernier, Mgr Fernando Capalla, président de la Conférence des évêques catholiques des Philippines, a publié une Lettre pastorale dans laquelle il appelle à “une restauration authentique des relations entre les chrétiens et les musulmans”. Intitulée : “Pas d’avenir sans pardon cette lettre, a-t-il rapporté, lui a été inspirée par les récentes controverses qui ont vu le jour aux Philippines après l’arrestation à Manille de six individus soupçonnés d’appartenir à un groupe terroriste islamiste. Selon l’évêque, “le climat actuel qui prévaut dans le pays est dangereux” et les responsables de l’Eglise catholique se rassembleront les 20 et 21 avril prochain à Manille, à la demande du cardinal Vidal, archevêque de Cebu, afin de débattre de l’impact des activités anti-terroristes du gouvernement. Les élections présidentielles ayant lieu le 10 mai prochain, les évêques craignent une montée du sentiment anti-musulman au sein d’une partie de la population et sa possible instrumentalisation par les acteurs de la scène politique.

Soumise à une forte pression des Etats-Unis pour faire la chasse aux éventuels militants soupçonnés de visées terroristes et actifs aux Philippines, la présidente Arroyo a annoncé le 30 mars dernier l’arrestation de six individus. Aux médias, elle a déclaré : “Nous avons empêché une attaque de l’ampleur de celle commise à Madrid.” Le 11 mars, plusieurs explosions dans des trains de banlieue à Madrid avaient fait près de 200 morts. Elle a ajouté que “les cellules les plus dangereuses d’Abu Sayyaf avaient été démantelées” et affirmé sa détermination “d’en finir” avec ce groupe terroriste ainsi qu’avec les cellules de la Jemaah Islamiyah et -Qaida basées aux Philippines.

Selon la police philippine, l’arrestation des six suspects a eu lieu à l’occasion de raids menés simultanément dans des madrasah (écoles coraniques) de Quezon City et auprès des bureaux de Fi Sabilillah, une organisation de “Balik-Islam” (‘retour à l’islam’), à Novaliches. Les “Balik-Islam” regroupent des chrétiens convertis à l’islam qui se désignent sous ce nom car, selon eux, ils ne font que “revenir” à l’islam, eux-mêmes ou leurs ancêtres étant nés musulmans.

Lors d’une conférence de presse le 3 avril à Manille, Mgr Fernando Capalla avait déclaré que les évêques et les oulémas de Mindanao s’inquiétaient depuis deux ans déjà de la possibilité que des extrémistes musulmans venus de l’étranger infiltrent les madrasah du pays en tant que missionnaires et utilisent les milieux de “Balik-Islam” pour élargir leur audience, voire pour exercer des pressions sur les chrétiens pour les convertir à l’islam. Prenant la parole en tant que co-responsable de la Conférence des évêques et des oulémas, une organisation de dialogue interreligieux de Mindanao, Mgr Capalla précisait que les oulémas autant que les évêques s’inquiétaient de ces questions.

A Manille, des prêtres ont critiqué Mgr Capalla pour ses propos. Le P. Jose Allan Arcebuche, porte-parole d’une organisation catholique ouvrant pour le développement et le dialogue interreligieux, a demandé aux responsables de l’Eglise d’“aller au-delà de ce que le gouvernement et la police disent” et d’éviter de nourrir les sentiments anti-musulmans d’une partie de la population. Ce à quoi Mgr Capalla a répondu que ses remarques au sujet de l’arrestation des six suspects pouvaient être facteurs de division seulement si elles étaient sorties de leur contexte. Il a remarqué que, s’il avait été critiqué à Manille, aucun responsable musulman dans le sud philippin n’avait réagi négativement à ses propos.