Eglises d'Asie

Une tournée de l’équipe indienne de cricket au Pakistan contribue grandement au réchauffement entre les deux pays

Publié le 18/03/2010




Le 24 mars dernier, dans tout le pays, les Indiens étaient massés devant le petit écran, certains pendant neuf heures d’affilée sans bouger, pour assister à une rencontre de cricket opposant l’Inde à son voisin le Pakistan. Partout, les spectateurs manifestaient la même passion, dans les bureaux, sur les routes, dans les demeures privées. Même le Parlement à New Delhi avait déplacé une de ses séances afin de permettre aux parlementaires de ne pas manquer un instant du match. Il faut dire que les rencontres sportives entre les deux nations avaient été interrompues depuis longtemps. En ce qui concerne le cricket, voilà quatorze ans que l’on n’avait pas vu l’Inde et le Pakistan se mesurer pacifiquement.

Le même enthousiasme chez les habitants des deux pays a entouré l’ensemble de la tournée indienne au Pakistan qui a commencé le 10 mars et ne s’achèvera que le 17 avril, une tournée pour laquelle avaient été prévus cinq parties d’une journée et trois “test-match” dont on sait qu’ils durent cinq jours. Tel est l’impact médiatique de cet événement que certains commentateurs politiques ont suggéré que l’on choisisse désormais le cricket comme moyen de régler les différends entre ces deux pays qui étaient à la veille de s’engager dans une guerre nucléaire il y a simplement trois ans, et qui, depuis 1947, se sont affrontés en quatre guerres, le Cachemire contrôlé en partie par les deux pays étant le principal sujet de conflit. “Le pouvoir du cricket sur l’imagination populaire défie toute explication rationnelle a écrit un rédacteur de l’hebdomadaire Outlook.

Les reportages des journalistes indiens partis au Pakistan pour y couvrir les performances de l’équipe indienne en tournée ne tarissaient pas sur la qualité de l’hospitalité de leurs hôtes. Dans The Hindustan Times, le commentateur sportif écrivait le 28 mars dernier : “Quand nous sommes arrivés au Pakistan, nous pensions rencontrer des fondamentalistes bornés, hostiles à l’Inde. Après tout, nous avions toutes raisons de le croire. Or, ce que nous avons trouvé, ce sont des personnes ouvertes, amicales, libérales et hospitalières, des personnes exactement comme nous.” Le même journaliste concluait en remarquant que les Indiens et les Pakistanais n’étaient peut-être pas pareils en toutes choses mais qu’ils n’étaient pas non plus très différents. En fait, ce qui les rassemblait était beaucoup plus important que ce qui les séparait.

Des milliers de supporters venus des deux pays se sont, en effet, côtoyés, mélangés et ont acclamé leur équipe nationale respective à travers les terrains de cricket du Pakistan. Pour les supporters indiens, le Pakistan avait établi des campings spéciaux. A cette occasion, un train spécial était parti de la gare de Delhi, transportant également un certain nombre de voyageurs parmi lesquels de nombreux religieux hindous, venant visiter le Pakistan pour la première fois depuis la partition des deux pays. L’accueil reçu a dépassé les espérances de la plupart. Un peu partout, ils ont circulé en toute liberté. Des menus végétariens pour hindous avaient même été préparés pour eux.

Cette commune passion pour le cricket qui, temporairement, a réconcilié les deux nations a fait dire à un observateur de l’Asie du Sud, Sudhir Kumar Singh, de l’université Jawaharlal Nehru de New Delhi, que, dans cette région du monde, le cricket était devenu presque l’équivalent d’une religion, tout en restant exempt de certains inconvénients de celle-ci comme les castes ou les divisions. Selon lui, le cricket est même beaucoup plus efficace que toutes les tentatives politiques et religieuses pour forger l’unité. Le député Rajv Shukla s’est exprimé d’une manière analogue : “Je n’ai jamais constaté, a-t-il confié, de sentiments aussi positifs entre les peuples des deux pays.” Une ambiance et un climat de fête, expliquait-il encore.

Au départ de l’équipe indienne, à Delhi, le Premier ministre Vajpayee avait demandé aux sportifs de s’efforcer de non seulement gagner la compétition, mais surtout de gagner les cours des Pakistanais. En fait, a-t-il été dit à la télévision de New Delhi, c’est le Pakistan qui a gagné le cour de l’Inde.