Eglises d'Asie

L’affaire Kang met l’Eglise catholique dans un grand embarras

Publié le 18/03/2010




Le procès très médiatisé du P. Joachim Kang (1) a mis l’Eglise catholique dans un grand embarras. Il est encore trop tôt pour juger des conséquences à long terme de l’affaire sur le moral des fidèles mais, dès à présent, on peut dire que l’image de l’Eglise catholique dans la société singapourienne s’en trouve quelque peu ternie et que la confiance des catholiques dans leurs prêtres est moins absolue qu’elle ne l’était jusqu’à présent.

S’exprimant après la lecture du jugement, le 23 avril dernier, Mgr Nicholas Chia, archevêque de Singapour, avouait être « très mortifié » par toute l’affaire. Il s’est dit triste pour le prêtre, sa famille et ses paroissiens qui attendent de leurs leaders « qu’ils leur montrent la voie et leur donnent l’exemple Il ajoutait que « d’une certaine manière, la confiance placée par les fidèles dans leur Eglise a été ébranlée par ce procès. Certains estiment avoir perdu leurs illusions, d’autres cherchent des responsables sur qui jeter l’opprobre. D’autres enfin recherchent une manière concrète d’améliorer la situation ainsi créée ». Admettant implicitement que les manières de faire de l’Eglise catholique dans le domaine des finances étaient sans doute trop laxistes, eu égard aux fortes sommes d’argent en jeu, particulièrement dans la construction ou la rénovation des églises (2), l’archevêque a déclaré que, dorénavant, les comptes de chaque paroisse seront gérés par un comptable qualifié et qu’un système comptable informatique avait déjà été mis en place partout. Par ailleurs, pour ce qui concerne la gestion de tous les fonds paroissiaux, les banques et les institutions financières n’accepteront d’instructions que contresignées par l’archevêque. Enfin, tous les chèques pour une somme dépassant 5 000 dollars de Singapour (environ deux mille euros) devront obligatoirement porter deux signatures.

Selon une enquête conduite par le quotidien de Singapour, The Straits Times, dans les heures qui ont suivi le jugement du P. Kang, beaucoup de catholiques singapouriens manifestent un profond embarras à propos de toute l’affaire. La plupart des fidèles interrogés ont refusé de s’exprimer en arguant du fait que tout cela était une affaire entre le P. Kang et Dieu. Comme dit Lionel De Souza, âgé de 61 ans, « l’expression publique du remords n’est pas très importante, il est préférable qu’il demande le pardon de Dieu ». D’autres, tout en étant très critiques en privé, estiment qu’en tant que catholiques ils ne peuvent pas condamner publiquement le comportement du prêtre.

Certains catholiques sont pourtant plus durs. Florence Fong, âgée d’une trentaine d’années, se dit « écoeurée et scandalisée par le sourire arboré par le prêtre pendant le procès. J’aurais préféré qu’il ne se montre pas en soutane blanche mais qu’il porte des vêtements civils pendant les délibérations ». Jessica Goh, enseignante de 28 ans, se dit « blessée que le P. Kang n’ait pas songé à demander pardon et qu’il continue de ne pas admettre sa faute ».

D’autres enfin se montrent plus constructifs et pensent à l’avenir. Ainsi Daniel Chua, enseignant, qui espère qu’« après cette dure leçon, l’Eglise va remédier aux failles du système particulièrement en ce qui concerne les donations aux paroisses ».

Jusqu’à présent, selon une autre enquête de The Straits Times, le procès du P. Kang n’a pas affecté les quêtes du dimanche dans les paroisses. Il est trop tôt pour savoir ce qu’il en sera des donations plus importantes effectuées habituellement au moment de travaux de construction ou de rénovation.