Eglises d'Asie

Le P. Joachim Kang a été condamné à sept ans et demi de prison ferme pour détournement de fonds et abus de confiance au détriment de l’Eglise catholique

Publié le 18/03/2010




A la suite d’un procès très médiatisé par la presse locale, le P. Joachim Kang Hock Chai, âgé de 55 ans, ancien curé de la paroisse Ste Thérèse, a été condamné, le 23 avril dernier, à sept ans et demi de prison ferme pour détournement de fonds et abus de confiance au détriment de l’Eglise catholique. La somme d’argent qu’il est accusé de s’être approprié avoisine les trois millions d’euros.

L’affaire avait été découverte en 2003 par le département des Affaires commerciales de la police nationale (1) sans que l’on ait jamais su exactement ce qui avait éveillé les soupçons. Des observateurs interrogés par Eglises d’Asie estiment que, depuis les attentats du 11 septembre 2001, les services de police de Singapour sont devenus très attentifs aux circulations d’argent dans la cité-Etat aussi bien que vers l’étranger. Ils jugent plausible l’hypothèse selon laquelle l’acquisition à Singapour, en Malaisie et en Angleterre de plusieurs propriétés immobilières par un prêtre aux faibles revenus ainsi que l’existence de plusieurs comptes en banque assez importants à son nom aient suffi pour alerter les services de police. Il est apparu avec certitude au cours du procès que les divers responsables de l’Eglise catholique à Singapour, à commencer par l’archevêque lui-même ainsi que le successeur du P. Kang à la paroisse Ste Thérèse, sont tombés des nues quand le prêtre a été arrêté et placé en garde à vue au début de l’enquête. Ceci rend tout à fait improbable l’hypothèse selon laquelle le P. Kang aurait été dénoncé par sa propre hiérarchie ecclésiastique, comme l’affirmait la rumeur publique.

Les attendus du jugement lu par la juge Jasvender Kaur sont d’une particulière sévérité pour le prêtre. Elle a pratiquement rejeté toutes les circonstances atténuantes présentées par la défense. Elle a déclaré cependant que les témoignages de paroissiens et de l’archevêque lui-même le décrivant comme « un prêtre ayant un vrai souci des fidèles et les servant de son mieux » étaient les seuls éléments en sa faveur. Pour le reste, a-t-elle ajouté, « l’affaire se résume juste au cas d’un prêtre qui s’est approprié l’argent de l’Eglise par abus de confiance sur une certaine période de temps ». Le fait que l’accusé ait finalement décidé de plaider coupable n’a pas joué en sa faveur parce que « ce changement d’attitude s’est produit un peu tard et le prêtre n’a manifesté aucun signe de regret concernant ses actes ». Par ailleurs, estime la juge, la proposition de restituer à l’Eglise les sommes détournées n’est pas non plus une circonstance atténuante puisque « l’accusé, de toute façon, n’a pas d’autre choix ». En ce qui concerne la sévérité de la sentence, Jasvender Kaur la justifie par la position importante du P. Kang dans l’Eglise : « Plus la confiance placée en une personne est grande et plus la sanction doit être sévère quand cette confiance est abusée. »

Au cours des premières semaines du procès, le P. Joachim Kang avait plaidé l’innocence et le droit d’un curé d’utiliser les fonds de sa paroisse pour les faire fructifier. Sa ligne de défense n’étant pas très convaincante, du fait même que le directoire du clergé de Singapour interdit formellement ces pratiques, il avait finalement décidé de plaider coupable au moment où le procureur allait s’intéresser à ses relations personnelles avec deux jeunes femmes qui avaient apparemment profité de ses largesses.