Eglises d'Asie

L’incertitude règne encore sur l’ampleur de la manifestation du week-end pascal sur les Hauts Plateaux du Centre-Vietnam et de sa répression

Publié le 18/03/2010




Les manifestations de Montagnards ont eu lieu, le 10 et 11 avril dans les provinces de Dak Lak, Gia Lai et Dak Nông (une province nouvellement créée) (1). La version officielle des faits a commencé à être diffusée trois ou quatre jours après l’insurrection, surtout dans l’intention de démentir les affirmations – sans doute exagérées – du groupe Montagnard Foundation dont le président est Ksor Kok, un ancien responsable du Front uni de libération des races opprimées (FULRO). Le groupe de Ksor Kok accusait la police vietnamienne d’avoir tué des centaines de manifestants, une accusation immédiatement reprise à Rome par le Parti radical transnational. Depuis leurs premières déclarations, les autorités ont observé une grande discrétion et n’ont guère varié sur l’interprétation donnée par elles aux événements. Un seul élément nouveau a été apporté par une déclaration du vice-ministre des Affaires étrangères, Lê Van Bang, le 20 avril dernier. Lors d’une rencontre avec un groupe d’hommes d’affaires (2), il a indiqué que deux manifestants montagnards avaient été tués lors des affrontements, précisant que l’un d’entre eux avait été écrasé par un tracteur et que l’autre avait été atteint par une pierre. Pour le reste, il a soigneusement repris la version des faits soutenue par le gouvernement vietnamien depuis le début. Il a rejeté les accusations lancées par la Montagnard Foundation depuis les Etats-Unis accusant la police vietnamienne d’avoir tué des centaines de manifestants. Le responsable vietnamien a également déclaré que c’était ce groupe d’exilés qui avait organisé les manifestations.

L’explication qui a été fournie, le 27 avril, à un petit groupe de journalistes étrangers et de diplomates américains admis à visiter les lieux de la manifestation dans la province de Dak Lak (3) est restée fidèle à la première version des faits. Un commissariat de police saccagé leur a été montré à Buôn Ma Thuôt où trois cents Montagnards se seraient affrontés à vingt-cinq agents de police qui les auraient repoussés en usant uniquement de matraques en caoutchouc. C’est la même version des faits qui avait été présentée à deux diplomates américains par le président du Comité populaire de la province de Dak Lak, Nguyên Van Lang. A l’occasion de ces récentes visites de journalistes et de diplomates américains sur les lieux des événements, des estimations officielles ont été présentées. Les représentants du gouvernement ont parlé de 3 000 protestataires dans la province de Gia Lai et de 2 500 dans celle de Dak Lak. Ils ont ajouté que trois manifestants de Gia lai et une dizaine de Dak Lak seraient traduits en justice.

Cependant, dès le début, des rapports émanant de diverses associations de défense des droits de l’homme, en particulier du groupe américain Human Rights Watch (HRW) et International, sont venus mettre en question la version édulcorée des faits diffusée par le pouvoir vietnamien. Dès le 14 avril, un rapport de dix pages de HRW (4) soulignait la violence de la répression policière. Une déclaration subséquente de Dinah Pokempner, conseillère de l’organisation, prononcée le 22 avril suivant, mettait en relief le sérieux de l’enquête menée grâce aux informations reçues de dizaines de témoins oculaires, présents dans six lieux différents. Selon HRW, le nombre des manifestants dans les trois provinces se situait entre 10 et 30 000 personnes non armées. Les forces de l’ordre, composées d’agents de la Sécurité et de personnes habillées en civil, étaient, par contre, armées de barre de métal, de pelles, de bâtons à clous, etc. La répression a été féroce et la porte-parole du HRW a estimé qu’au moins dix manifestants avaient péri les 10 et 11 avril. L’un d’entre eux a été touché à la tête par une balle, les autres ont succombé aux coups assenés par les forces de l’ordre. Les blessés sont au nombre de plusieurs centaines. Dinah Pokempner a également déclaré que la police semblait être préparée à cet événement et que, en beaucoup d’endroits, les insurgés sont tombés dans des embuscades tendues par la police sur les chemins menant à Buôn Ma Thuôt et à Pleiku.

Plus récemment, un rapport International, daté du 28 avril 2004, considère que le nombre de morts est beaucoup plus important que celui qui a été annoncé. Une liste de huit victimes est publiée, comportant pour chacune de celles-ci, le nom, la domiciliation, la date et le lieu de la mort. Le rapport souligne également la disproportion existant entre la férocité de la répression policière et le caractère pacifique d’une manifestation protestant contre l’absence de liberté religieuse et la confiscation des terres.