Eglises d'Asie

Malgré les efforts conjugués des polices cambodgienne et vietnamienne, certains Montagnards se sont déjà présentés au Haut Commissariat aux Réfugiés à Phnom Penh

Publié le 18/03/2010




Un certain nombre d’informations donnaient à penser que, même si leur exode n’est pas de la même ampleur que celui qui avait suivi les troubles de février 2001, de nombreux Montagnards, à la suite des événements du 10 et 11 avril dernier dans la province de Dak Lak et Gia Lai (1), tentaient de passer la frontière du Cambodge, particulièrement verrouillée par les forces policières vietnamiennes et cambodgiennes qui, semble-t-il, collaborent étroitement en ce domaine. C’est aujourd’hui chose sûre. Le ministre cambodgien de l’Intérieur a reconnu le 27 avril dernier (2) que six Montagnards étaient arrivés, le samedi 24 avril, au bureau du Haut Commissariat aux Réfugiés de l’ONU (UNHCR) où l’on examinait leur cas. Il a ajouté, sans donner d’autres renseignements, qu’à l’heure actuelle quatre-vingt Montagnards avaient pénétré au Cambodge, cherchant un refuge. Il a affirmé qu’au moins quelques-uns d’entre eux étaient des fraudeurs contre lesquels il fallait lutter. Il est encore trop tôt pour savoir si ces dernières déclarations laissent présager un changement de politique ou non.

Dès avant les événements du 10 et 11 avril, les autorités cambodgiennes avaient marqué leur volonté de rendre imperméable leur frontière avec le Vietnam et de renvoyer dans leur pays, les Montagnards qui s’aventuraient à la franchir. Le 8 avril, une quarantaine de Montagnards, venus chercher refuge au Cambodge avaient demandé l’assistance du Haut Commissariat aux Réfugiés à Phnom Penh (3). Le lendemain, 9 avril, l’organisation des Nations Unies recevait une plainte du ministre de l’Intérieur cambodgien l’accusant de prospecter et de manouvrer le long de la frontière du Vietnam pour attirer les Montagnards et de violer ainsi la souveraineté de son pays. Le ministre rappelait qu’en 2002 après que quelque mille Montagnards réfugiés dans des camps du Cambodge eurent été admis comme réfugiés aux Etats-Unis, les camps avaient été fermés et que le gouvernement avait annoncé que tout Montagnard qui arriverait dans le pays serait considéré comme un immigré clandestin et refoulé. On apprenait plus tard que les autorités cambodgiennes avaient forcé le HCR à fermer son bureau de la province frontalière de Ratanakiri.

Le 16 avril suivant, le porte-parole du HCR exprimait à nouveau son inquiétude et appelait les autorités cambodgiennes “à faire en sorte que tout Montagnard fuyant les Hauts Plateaux reçoive une protection” (4). Le 19 avril, certains journaux cambodgiens affirmaient, sans que l’on puisse le vérifier, que 160 Montagnards avaient été arrêtés dans la province de Mondolkiri. Le lendemain, 20 avril 2004, les agences de presse rapportaient une déclaration d’un membre d’une organisation humanitaire indiquant que des Montagnards ayant pénétré dans la province de Mondolkiri avaient été renvoyés à deux reprises au Vietnam par la police cambodgienne en accord avec la police vietnamienne, ce qui a été démenti immédiatement par le chef de la police provinciale (5).

Cependant, les informations les plus substantielles sur la collaboration étroite entre les polices vietnamienne et cambodgienne ont été fournies par le journal cambodgien de langue anglaise Cambodia Daily qui le 22 avril a publié un long reportage sur ce sujet (6). Il y est dit en particulier que tout au long de la route nationale 19, qui relie la ville de Ban Lung dans la province de Ratanakiri au district de Duc Co dans la province de Gia Lai au Vietnam, on peut voir patrouiller en permanence des policiers et des militaires cambodgiens, circulant sur des motos Honda. Les touristes traversant cette région doivent se faire enregistrer auprès de la police. Selon le journal cambodgien, dans une localité nommé Phum Lum, cinq fonctionnaires de la Sécurité sont en poste depuis un an avec mission de surveiller les Montagnards qui se présentent à la frontière. Le journal fait également mention de réunions dites “amicales” où les policiers cambodgiens rencontrent leurs collègues vietnamiens. Au cours de ces réunions, les policiers cambodgiens sont invités à arrêter les Montagnards qualifiés de fauteurs de trouble et de traîtres à la patrie. Selon le reportage du journal cambodgien, une récompense de 500 000 riels (100 euros) est promise à tout Cambodgien qui arrêterait un Montagnard.