LE GOUVERNEMENT OUZBEK ENTEND CONTROLER DE PRES LES NOUVELLES EGLISES CHRETIENNES PROTESTANTES

Publié le 18/03/2010




“Vous, les chrétiens, allez tous être fusillés !” C’est ce qu’a lancé le procureur Arzymbetov aux onze croyants de du Christ qu’il avait convoqués pour un interrogatoire, le 21 avril dernier.

Une façon expéditive de leur faire subir un maximum de pression pour les obliger à renoncer à leur foi et à se convertir à l’Islam alors qu’ils refusaient de signer un document où ils reconnaissaient avoir participé “à des activités religieuses illégales”. Tous encourent d’énormes amendes puisque les autorités refusent leurs dépositions sous prétexte que “tous sont membres d’une organisation religieuses non déclarée”. “Les activités d’organisations non enregistrées sont interdites par la loi”, a rappelé Arzymbetov devant la presse.

Partout, depuis quelques temps, harcèlements, menaces et interrogatoires se multiplient contre les chrétiens protestants. A Tachkent, le 10 mars, six ont comparu en cour d’assises et ont été condamnés à des amendes pour avoir organiser des séances de prières dans un appartement privé. La veille, la police était intervenue dans une rencontre d’une dizaine d’Ouzbeks et de sud coréens chrétiens. Les ouzbeks ont été punis d’une amende cinq fois supérieure au salaire minimum d’un ouzbek et les coréens “priés” de quitter le pays pour s’être livrés “à des activités religieuses illégales”.

Les communautés chrétiennes qui essaient de se faire enregistrer légalement sont le plus souvent noyées dans la bureaucratie et acculées à l’impasse. “Chaque fois, l’administration du département de la justice relève les fautes de grammaire qu’elle décèle dans nos dossiers d’inscription. Ce qui lui permet de les refuser une nouvelle fois pour de soi-disant raisons d’objectivité” raconte à des journalistes un protestant qui veut garder l’anonymat. “En fait, dit-il, “l’administration traîne les pieds pour nous empêcher d’exister”.

L’intensification de cette campagne de restriction des activités religieuses, particulièrement à l’encontre des chrétiens protestants, a commencé à Nukus, la capitale la république Karakalpakstan, le 1er avril de cette année. Malgré une constitution qui reconnaît la liberté de religion et la séparation des Eglises et de l’état, le gouvernement ouzbek maintient un strict contrôle de l’expansion protestante et de tous les groupes religieux non traditionnels.

En revanche, pour sa part, l’Eglise luthérienne allemande de Tachkent jouit d’une relative liberté. Le Pasteur Cornelius Wiebe et sa petite communauté ont accueilli pour Pâques sept nouveaux baptisés et treize confirmés. Il est vrai que cette communauté est née en 1887 pour servir les citoyens allemands venus s’installer dans la région après son annexion par la Russie impériale qui entendait développer la région. Le gouvernement offrait de grands avantages aux nouveau venus en promettant la liberté de construire des églises et de suivre la religion de leur choix. La première église luthérienne fut dédicacée en 1896.

Au début du XXe siècle, les églises luthériennes et les communautés protestantes proliférèrent en Ouzbékistan jusqu’à ce que l’Union soviétique interdisent la religion. Avec la désintégration de l’empire soviétique au début des années 1990, la liberté religieuse fut rétablie et l’Eglise luthérienne récupéra son église centenaire transformée en école de musique par les communistes.

La communauté allemande en Ouzbékistan est évaluée à 24 000 personnes, 600 sont de confession luthérienne et les sept paroisses sont desservies par deux pasteurs ordonnés et douze catéchistes. Dans l’église de Tachkent, le Service du dimanche en germano-russe ne regroupe que 60 personnes et le Pasteur s’inquiète. Déjà, en 1991, avec l’indépendance de l’Ouzbékistan, sa communauté avait diminué de façon drastique à cause des nombreux retours en Allemagne. L’exode semble s’être stabilisé à cause des nouvelles lois du gouvernement allemand sur l’immigration mais aussi parce qu’une ‘évasion’ exige un minimum d’argent et la maîtrise de la langue.

Pour cette petite communauté perdue au milieu d’une nation à majorité musulmane de 25 millions d’habitants dont la moitié vivent sous le seuil de la pauvreté, les finances sont un problème. “Avec notre budget très limité, nous ne pouvons guères nous permettre de faire de l’entraide” reconnaît le Pasteur Wiebe qui affirme que la pauvreté est la première des maladies de la société ouzbek et que c’est elle qui génère les protestations antigouvernementales et les débordements récents violemment réprimés par la police.

L’Eglise catholique quant à elle, jouit elle aussi du privilège de l’ancienneté, à Tachkent comme à Boukhara (1) La rénovation de son église, par exemple, commencée depuis des décennies progresse et vient de franchir une nouvelle étape avec le dévoilement, pendant la vigile pascale, d’une grande statue du Christ ressuscité.

Le P. Kukulka, curé de la paroisse du Sacré Cour de Jésus, et responsable de la mission sui juris de l’Ouzbékistan, a dévoilé le 10 avril, pendant la veillée pascale du Samedi Saint, une statue en cuivre de près de trois mètres de haut représentant le Christ ressuscité qui, derrière l’autel, les bras levés, “s’élève” au dessus du tabernacle.

Biata Smith, un professeur d’anglais, présent ce soir là, a confié : “L’ensemble de la composition est très impressionnant, surtout quand vous pénétrez dans l’église par le porche central”. Sergez Adamov, un architecte de 37 ans, a travaillé à cette ouvre avec cinq assistants pendant plus de six mois. Russe orthodoxe, il a déjà sculpté la statue de St Antoine de cette même église. Sa toute dernière “création fait partie d’un ensemble non encore terminé qui parachèvera l’aménagement du chour : un ambon en cuivre, des banquettes et une cathèdre pour le célébrant sont en préparation.

La construction de l’Eglise du Sacré Cour (2) commencée en 1912 s’arrêta en 1917 avec la révolution communiste russe et la mort du prêtre responsable du Turkestan et de l’Asie centrale, y compris l’Ouzbékistan moderne annexé par la Russie. En 1925, toutes les propriétés de l’Eglise furent confisquées. Après la déclaration de l’indépendance du pays en 1991, un traité qui reconnaissait l’existence officielle de l’Eglise catholique en Ouzbékistan fut signé avec le Vatican.

Chaque dimanche quelque cinq cents fidèles participent à l’Eucharistie célébrée en anglais, coréen et russe. Parmi eux un bon nombre d’étrangers en résidence à Tachkent alors qu’on ne compte que cinq cents Ouzbeks catholiques pratiquants en Ouzbékistan. Il n’existe qu’une seule autre église catholique officiellement reconnue dans le pays, celle de St Jean Baptiste de Samarkand bâtie en 1917 puis confisquée jusqu’en 1995.

En 1997, le pape Jean-Paul II déclarait l’Ouzbékistan mission sui juris, c’est à dire directement sous la juridiction du Saint-Siège. Neuf prêtres et trois frères religieux, tous franciscains conventuels, desservent les cinq paroisses et les deux postes de mission assistés des Sours Missionnaires de la Charité qui travaillent également dans le pays (3).