Eglises d'Asie

A la suite de résultats électoraux désastreux, le ministre-président du Tamil Nadu annonce la révocation de la récente loi sur les conversions

Publié le 18/03/2010




Mme Jayalalithaa Jayaram, ministre-président du Tamil Nadu, a rapidement tiré les leçons de la déroute électorale subie par son parti, The All India Anna Dravida Munnetra Kazakham (AIADMK), aux dernières élections législative au cours desquelles il n’a pu obtenir aucun siège. Dès le 18 mai, dans une déclaration publique (1), elle annonçait qu’elle retirerait une série de mesures qui, selon elle, lui avaient enlevé la faveur de la population de l’Etat. Ce retrait était même présenté comme “une victoire du peuple Dans ce train de mesures, l’abrogation la plus spectaculaire est celle de la loi anti-conversion qui avait été adoptée le 30 octobre 2002 par l’Assemblée de l’Etat du Tamil Nadu et promulguée le 3 décembre 2002 par son gouverneur (2).

La loi en question dont l’intitulé affirmait qu’elle était destinée à prohiber les conversions forcées prévoyait une peine de quatre ans d’emprisonnement et une amende de 100 000 roupies pour ceux qui convertiraient une personne appartenant à une basse caste ou à une ethnie minoritaire, ou encore une personne mineure ou de sexe féminin, en utilisant la contrainte ou la séduction. La loi exigeait également des ecclésiastiques des diverses religions qu’ils informent les fonctionnaires du district de tous ceux qui étaient introduits à une nouvelle religion par leurs soins. La loi prévoyait également un an d’emprisonnement pour ceux qui ne se conformeraient pas à cette formalité.

Dans le dernier paragraphe de sa déclaration du 18 mai, Jayalalithaa Jayaram annonce ainsi la future abrogation de la loi sur les conversions : “C’est avec l’intention de promouvoir l’harmonie religieuse entre les religions que mon gouvernement a fait paraître en 2002 le décret de prohibition des conversions forcées dans le Tamil Nadu. Ce décret n’était pas destiné à être utilisé contre les minorités. Cependant, puisque les dirigeants de quelques minorités ont demandé le retrait de cette loi, dans le but d’éliminer tout malentendu concernant cette loi, j’ordonne que le décret de prohibition des conversions forcées soit immédiatement abrogé. Une ordonnance à cet effet sera publiée sous peu. Ce gouvernement sera toujours un vrai ami des minorités et un champion de leur cause.”

Lors de son adoption en 1992 la loi anti-conversion avait été très mal accueillie par les diverses minorités religieuses du Tamil Nadu, qui l’avaient vigoureusement combattue. L’archevêque de Madras, Mgr Arul Das James, responsable du Conseil épiscopal du Tamil Nadu, en compagnie de dirigeants religieux musulmans et de responsables hindous dalits, avait mené campagne contre le projet de loi dès que celui-ci avait été présenté au parlement du Tamil Nadu en octobre 2002. Le 11 novembre 2002, avec une délégation de seize membres (3), il avait rencontré le gouverneur de l’Etat pour lui demander de ne pas signer le projet de loi. Beaucoup d’autres groupes d’origines diverses avaient également demandé au gouvernement le retrait de cette loi ambiguë où les termes “par force” ou “par séduction” pouvaient être interprétés de façon à empêcher tout développement des religions minoritaires. Les implications politiques de la loi avaient été soulignées : “Par cette loi qui se veut menaçante, a déclaré Mgr Arul Das James, l’Etat se déclare ouvertement le protecteur de la religion majoritaire…”

Après l’annonce de la révocation de la loi, les divers responsables chrétiens se sont réjouis sans réserve. Le secrétaire de la Conférence épiscopale, le P. Donald De Souza, a déclaré : “C’est une bonne nouvelle pour l’Eglise.» Il a ajouté que cette révocation montrait que, finalement, Jayalalithaa Jayaram avait senti combien la loi anti-conversion déplaisait aux minorités et avait répondu à leur attente. Le P. Babu Joseph, porte-parole de l’épiscopat, a commenté l’événement en disant que, lors de la proclamation de la loi, le sentiment populaire n’avait pas été pris en considération. La réponse électorale de la population a forcé la responsable de l’Etat à reconsidérer une loi qui mettait en cause les droits et les privilèges des minorités, garantis par la Constitution. Le président du Conseil des laïcs de Tamilnadu-Pondichéry considère, lui aussi, que la révocation est en accord avec les sentiments exprimés par les électeurs qui ont appelé au pouvoir des partis et des hommes animés par des valeurs démocratiques et laïques (4).