Eglises d'Asie

Aceh : la levée de la loi martiale, remplacée par “l’état d’urgence civile ne change pas la situation sur le terrain

Publié le 18/03/2010




Le 19 mai dernier, la présidente Megawati Sukarnoputri a annoncé que la loi martiale en vigueur depuis exactement un an à Aceh était levée (1) et laissait la place à “l’état d’urgence civile”. La présidente a justifié sa décision en déclarant que la province, située à la pointe nord-ouest de l’île de Sumatra, était désormais plus “sûre la menace représentée par le mouvement séparatiste à l’ouvre à Aceh étant amoindrie.

Nominalement, le changement de statut signifie que les quelque quatre millions d’habitants d’Aceh, musulmans à 98 %, ne seront plus placés sous la tutelle directe de l’armée mais sous celle du gouverneur, un civil. La présidente a nommé le gouverneur d’Aceh, Abdullah Puteh, administrateur de l’état d’urgence civile. Ce dernier est controversé car soupçonné de corruption. Concrètement, la situation ne change pas radicalement, l’état d’urgence civile prévoyant que l’administrateur doit faire approuver l’essentiel de ses décisions à la fois par Djakarta et par le commandement militaire local. De plus, les forces de l’ordre, massivement présentes dans la province (40 000 hommes pour l’armée et 14 000 pour la police), gardent leurs prérogatives, telles la possibilité d’imposer un couvre-feu, de détenir sans limitation de durée des suspects ou encore de censurer la presse.

Selon les analystes de la scène politique à Djakarta, la présidente, qui est distancée dans les sondages par son ancien ministre de la Sécurité, Susilo Bambang Yudhoyono, s’apprête, lors de la campagne électorale pour les élections présidentielles du 5 juillet prochain, à présenter l’offensive militaire lancée à Aceh il y a un an comme un succès. Le 19 mai, elle déclarait : “Aujourd’hui, nous pouvons voir que la situation est différente de celle prévalant il y a un an. La menace présentée par le groupe séparatiste armé a été réduite par l’armée et la police.”

Selon des informations fournies par l’armée, plus de 2 000 membres du GAM (Mouvement pour Aceh libre), le groupe séparatiste à l’ouvre à Aceh, ont été tués durant ces douze derniers mois, 2 100 autres ont été arrêtés ; enfin, 1 276 autres membres se sont rendus.

De son côté, le GAM, qui, selon certaines estimations, compterait encore 3 000 hommes en armes, a dénoncé le changement annoncé par Djakarta, déclarant qu’il était prévisible que les forces de l’ordre continuent à tuer indistinctement civils et militants séparatistes. Selon le GAM et nombre d’organisations internationales de défense des droits de l’homme, les soldats et les policiers n’hésitent pas à tuer des civils, les comptant ensuite au nombre des partisans du GAM. Du fait des combats, plus de 40 000 habitants ont dû quitter leurs villages et ont été regroupés dans quatorze camps de déplacés, situés à l’intérieur de la province (2).

A Banda Aceh, chef lieu de la province, le missionnaire franciscain Ferdinando Severi, présent dans la province depuis dix ans, a précisé que, selon lui, la levée de la loi martiale était une opération “purement cosmétique les opérations militaires se poursuivant comme avant. Responsable d’une petite communauté catholique de 3 000 personnes, il dit craindre une guerre civile entre partisans du GAM et Acehnais loyaux à la République d’Indonésie.