Eglises d'Asie

Deux ans après l’accession à l’indépendance du pays, l’Eglise catholique est un des acteurs majeurs de la réconciliation entre Timorais de l’Est

Publié le 18/03/2010




Le 20 mai dernier, le gouvernement et la population du Timor-Oriental ont célébré le deuxième anniversaire de l’accession à l’indépendance de leur nation. Vingt-quatre mois après le 20 mai 2002, le thème de la réconciliation entre les habitants du Timor-Oriental occupait une place centrale dans l’esprit des gens. Dans son discours, le Premier ministre Mari Bin Arnude Alkatiri a souligné combien, à côté des préoccupations liées à la question de la sécurité, la paix et la réconciliation étaient au cour de l’action de son gouvernement. Pour nombre d’acteurs de la société locale, dans un pays à 95 % catholique, le succès du gouvernement en ces domaines dépend en grande partie de l’action de l’Eglise catholique.

Invité aux cérémonies anniversaires par ‘Xanana’ Gusmao, président du Timor-Oriental, le gouverneur de la province indonésienne voisine du Timor-Oriental a déclaré que, si le gouvernement indonésien souhaitait la réconciliation entre les Timorais de l’Est du Timor-Oriental et les Timorais de l’Est qui sont encore aujourd’hui réfugiés dans sa province, c’était bien l’Eglise et les responsables religieux qui étaient le plus à même de jouer un rôle efficace dans ce domaine. On se souvient qu’après la mise à sac du Timor-Oriental par les milices pro-indonésiennes, 250 000 Timorais de l’Est avaient fui ou avaient été contraints de fuir dans la province de Nusa Tenggara Est. Près de cinq ans après ces événements, environ 17 000 de ces réfugiés sont toujours présents dans la province indonésienne et, selon le gouverneur indonésien Piet Alexander Tallo, une grande partie d’entre eux souhaitent revenir au Timor-Oriental mais attendent « le bon moment » pour le faire. Pour ceux qui ne désirent pas retourner dans leur patrie, le gouvernement indonésien travaille à leur réinstallation dans d’autres parties de l’archipel indonésien. Dans tout ce processus de réconciliation, le gouverneur a insisté sur le rôle de l’Eglise catholique, les autorités civiles ne pouvant seules mener cette tâche à bien. « L’approche culturelle et religieuse de l’Eglise est plus que nécessaire a-t-il affirmé, ajoutant : « Quand l’Eglise prêche l’Evangile de la réconciliation, les gens s’unissent et construisent une vraie et solide réconciliation. »

Pour Valentim Ximenes, doyen du Département de Sciences politiques et sociales de l’Université d’Etat de Timor Lorosae (nom du Timor-Oriental en tetum, l’idiome local), l’Eglise est d’ores et déjà profondément engagée dans le travail de réconciliation entre Timorais de l’Est. Elle agit en ce sens « en demandant aux groupes antagonistes de s’asseoir à une même table, de confesser les fautes commises les uns envers les autres et de se pardonner les uns les autres ». L’universitaire ajoute que l’Eglise a apporté son soutien à l’officielle Commission nationale pour l’acceptation de la vérité et pour la réconciliation, notamment en y déléguant le P. Jovito Rego de Jesus Araujo. La commission a pour mandat d’enquêter sur les violations des droits de l’homme perpétrées entre 1974 et 1999 ; sa mission consiste également à promouvoir la réconciliation entre les victimes et leurs bourreaux.

Rappelant que, le 2 mai dernier (1), lors de sa consécration épiscopale, le nouvel évêque de Dili, Mgr Alberto Ricardo da Silva, a promis de travailler à la réconciliation de tous les Timorais de l’Est, Valentim Ximenes ajoute encore que l’Eglise, par son enseignement, ouvre chaque jour concrètement à la réconciliation. « Nous devons sans relâche aider l’Eglise dans sa tâche afin que la réconciliation que chacun appelle de ses voux prenne réellement racine dans le cour de chacun précise-t-il.

A l’occasion des cérémonies du 20 mai dernier, ‘Xanana’ Gusmao a réduit la peine de prison de trois miliciens pro-indonésiens condamnés par le tribunal spécial de Dili formé pour juger les auteurs des massacres de 1999. Par ce « geste symbolique le président du Timor-Oriental a déclaré vouloir renforcer la cohésion nationale. Lors du massacre de Los Palos, dont sont accusés les trois miliciens, sont morts huit personnes, dont trois prêtres et deux religieuses catholiques (2). Le Tribunal spécial pour crimes graves, placé sous l’égide des Nations Unies, a mis en accusation plus de 380 personnes mais la plupart d’entre elles, dont le général Wiranto, à présent candidat à la présidence de l’Indonésie, sont réfugiées en Indonésie ou y résident, Djakarta se refusant à les extrader.