Eglises d'Asie

Lors des opérations de dépouillement des élections du 10 mai dernier, l’Eglise s’efforce de rester neutre et appelle au respect des procédures

Publié le 18/03/2010




Le 24 mai dernier, des fuites en provenance de la Commission nationale pour les élections ont donné la présidente sortante, Gloria Macapagal-Arroyo, en tête, avec une avance de 900 000 voix, sur son principal adversaire, l’acteur de cinéma Fernando Poe Jr. Sur environ 60 % des scrutins exprimés, Gloria Arroyo aurait rassemblé 39,5 % des suffrages contre 36,6 % pour Fernando Poe Jr. Le décompte des bulletins de vote n’étant pas informatisé, les résultats définitifs des élections du 10 mai ne devraient pas être proclamés avant les premiers jours de juin mais, dans l’intervalle, les rumeurs de fraudes et de manipulations sont allées bon train.

Les partisans de Fernando Poe Jr. ont dénoncé les fuites de la Commission nationale pour les élections comme une manouvre visant à donner l’impression que la victoire de Gloria Arroyo était inéluctable et acquise. Ils ont menacé de décréter un nouveau « People Power référence aux grandes manifestations de rue qui ont abouti à la chute, en 1986, de Ferdinand Marcos et qui ont contraint à la démission, en 2001, le président Joseph Estrada. Dans ce contexte agité, potentiellement volatile, Fernando Poe Jr. peut compter sur sa popularité personnelle ainsi que sur l’appui politique de Joseph Estrada, toujours emprisonné, et d’une partie de l’électorat qui lui est proche, qui comprend les couches les plus pauvres et les classes les plus défavorisées. Un soutien financier lui est acquis par ses liens avec le magnat Eduardo Cojuango, étroitement lié et compromis avec la dictature de Marcos, et qui figure parmi les personnages philippins les plus puissants et les plus contestés.

Dans ce contexte, l’Eglise catholique a appelé au calme. Le 23 mai, Mgr Fernando Capalla, archevêque de Davao et président de la Conférence épiscopale, a lancé un appel, dénonçant à l’avance tout recours à la force ou manouvre visant à contester dans la rue le résultat des urnes. “Chaque recours pour des fraudes électorales doit être présenté auprès des instances légales, et non pas par des manifestations dans les rues a-t-il déclaré, ajoutant : “S’il y a des irrégularités ou des violations de la loi, quel que soit leur genre ou leur niveau, la manière pour demander justice, dans un système démocratique, consiste à suivre les procédures prévues par la loi, et ne pas descendre dans la rue.” Allant dans le même sens, Mgr Teodoro Bacani, conseiller spirituel du puissant mouvement charismatique catholique El Shaddai, a demandé que ceux qui affirment que des fraudes ont été commises “produisent les preuves de ce qu’ils affirment Selon lui, ce qui est important n’est pas tant le nom de celui ou celle qui sortira vainqueur des urnes que “le degré de crédibilité” qui pourra être attaché à ces élections.

Tout au long de la campagne électorale, l’Eglise catholique, aux côtés de nombreuses autres organisations de la société civile, a appelé à la vigilance (1). Très engagée dans le NAMFREL (National Movement for Free Elections), mouvement créé il y a dix-huit ans, elle s’est à nouveau investie dans la surveillance des opérations de vote et le dépouillement des suffrages. S’adressant aux fidèles et à tous les citoyens, Mgr Capalla a déclaré : “J’invite chacun de vous à continuer à prier humblement et à faire des sacrifices nécessaires, pour un dépouillement des bulletins légalement honnête, correct, pacifique, transparent et rapide.”

Des partisans de Fernando Poe Jr. ont toutefois mis en cause l’indépendance de NAMFREL, son secrétaire exécutif, Guillermo Luz, appartenant à un club d’hommes d’affaires qui se sont prononcés en faveur de Gloria Arroyo. Des membres de la Coalition for Hope (Coalition for Honest and Peaceful Elections), ont demandé des éclaircissements à ce propos, exigeant que NAMFREL dissipe tout éventuel soupçon de partialité. Coalition for Hope est une organisation parrainée par le cardinal Vidal, de Cebu, Mgr Capalla et Mgr Rosales, de Manille pour promouvoir des élections libres et honnêtes.

Commentant “les échanges hostiles” entre NAMFREL et Coalition for Hope, Mgr Bacani a dit que ces tensions “ne faisaient que refléter l’état de l’Eglise et la division des catholiques quant à leurs préférences politiques”.