Eglises d'Asie

Moluques : en visite à Amboine, la présidente Megawati a déclaré que le séparatisme aux Moluques est une question politique, n’ayant rien à voir avec la communauté chrétienne

Publié le 18/03/2010




Dans un climat toujours très tendu, caractérisé par des explosions et des barrages au cour de la ville d’Amboine (1), la présidente Megawati Sukarnoputri a effectué une visite éclair le 22 mai dernier aux Moluques. A Amboine, elle s’est déclarée résolue à éradiquer “toutes les formes de séparatisme” visant à affaiblir “la République unitaire d’Indonésie”. Elle a précisé que la communauté chrétienne des Moluques ne devait pas être assimilée aux partisans de la République des Moluques du Sud (RMS), revendiquée par les militants du Front de souveraineté des Moluques (FKM). “Pour éviter d’autres conflits religieux aux Moluques, l’étiquette ‘chrétienne’ ne doit pas être associée au FKM/RMS a-t-elle insisté, ajoutant que “la RMS n’a rien à voir avec la religion : c’est une question purement politique”.

Après avoir atterri à l’aéroport d’Amboine, la présidente s’est rendue en hélicoptère au centre de la ville, place Merdeka. Accompagné par son mari Taufik Kiemas, elle est restée à Amboine deux heures et demi, le temps de rencontrer les dirigeants religieux locaux ainsi que les responsables de l’administration publique et des forces de l’ordre. Dans son discours, elle a cité le décret présidentiel signé par son père, le président Sukarno, en 1950 par lequel le mouvement pour l’indépendance des Moluques avait été mis hors-la-loi.

Selon les observateurs, la courte visite de la présidente à Amboine et l’insistance mise sur la défense de l’unité de la République d’Indonésie confirment le lien étroit qui existe entre la situation aux Moluques et la campagne électorale en cours à Djakarta et dans tout le pays pour les élections présidentielles du 5 juillet prochain. Par son voyage et ses déclarations à Amboine, la présidente rappelle qu’elle se pose en défenseur d’une République indonésienne unie et laïque. Elle a toutefois pris soin de ne pas dénoncer les agissements de “tierces parties” dans ce regain de conflit aux Moluques, tierces parties pourtant dénoncées à plusieurs reprises par différents responsables religieux, tant chrétiens que musulmans, à Djakarta comme à Amboine (2).

Dans un rapport daté du 17 mai, Sidney Jones, responsable du bureau indonésien Crisis Group (3), estime que le retour au calme passe par l’arrestation et le jugement des tireurs isolés qui ont semé la terreur ces dernières semaines à Amboine. Selon elle, au-delà des erreurs tactiques de la police et des autorités locales, ce sont ces tireurs isolés qui sont les premiers responsables des troubles. Bien que, selon les témoins, les coups de feu meurtriers ont été tirés de loin, les victimes ont été tuées par des tirs très précis, révélant une maîtrise des armes à feu peu commune. Sidney Jones poursuit en expliquant que les théories relatives à différents complots ou aux intrigues politiques liées à l’élection présidentielle ne peuvent être étayées par aucun fait précis. Selon elle, les seuls éléments concrets sont de “mauvaises décisions telle la promotion le 8 avril dernier du commandant militaire d’Amboine, transféré le 8 avril dernier à Ternate, dans la province des Moluques-Nord. Pour Sidney Jones, ce transfert indique que les autorités ne percevaient pas le FKM comme une menace sérieuse.

En attendant l’arrestation éventuelle des fauteurs de troubles, depuis que les affrontements ont éclaté à Amboine le 25 avril dernier, on décompte 39 morts et la tension reste vive dans la ville. Le chef-lieu des Moluques où la vie avait retrouvé un début de normalité économique et sociale après les trois années de guerre civile de 1999 à 2002 connaît à nouveau un climat incertain. Des barricades apparaissent et disparaissent, des engins explosifs rudimentaires font régulièrement des victimes, des rumeurs à propos de la présence de milices armées courent, des fausses nouvelles relatives à tel mot d’ordre ou à tel massacre sont répandues. Selon un témoin local, “le calme est apparent et la tension explosive” et les deux communautés, chrétienne et musulmane, sont à nouveau profondément divisées. Le 25 mai, une bombe, cachée dans une boîte à biscuits, a explosé sur un marché de la ville, faisant un mort et treize blessés. Le même jour, la police a pu désamorcer un engin explosif caché dans un pot de fleur placé devant une église protestante.