Eglises d'Asie

COMPTE-RENDU DU VOYAGE D’UNE DELEGATION DU SAINT-SIEGE AU VIETNAM

Publié le 18/03/2010




1 – En raison de la situation spéciale de l’Eglise catholique au Vietnam et des difficultés rencontrées par elle au cours des quinze dernières années, le Saint-Siège a envoyé à treize reprises une délégation au Vietnam pour montrer à la communauté catholique l’attention qu’il lui porte et aussi pour débattre avec l’Etat de la question de la liberté religieuse, de la nomination des évêques et d’autres questions en rapport avec l’Eglise du Vietnam.

Le premier voyage d’une délégation du Saint-Siège au Vietnam a eu lieu du 1er au 13 juillet 1989. Celle-ci était dirigée par le cardinal Roger Etchegaray, à l’époque président du Conseil pontifical ‘Justice et paix’ et du Conseil pontifical Cor Unum, mandaté par le Saint Père et invité par la Conférence épiscopale du Vietnam. La délégation avait rendu visite à de nombreuses régions du pays : Thach Bich, Phat Diêm, So Kiên, Nam Dinh, Bui Chu, Hai Phong, Huê, Da Nang, Saigon, Vinh Long, Long Xuyên, Cân Tho, My Tho. Bien qu’il n’ait pas revêtu un caractère diplomatique, ce premier voyage a ouvert la voie aux futures visites d’une délégation romaine d’habitude conduite par un haut fonctionnaire de la secrétairerie d’Etat, d’abord par Mgr Claudio Celli, puis par Mgr Celestino Migliore, et aujourd’hui par Mgr Pietro Parolin. Un seul a fait partie des treize voyages successifs, Mgr Barnabé Nguyên Van Phuong, responsable des affaires du Vietnam, mais aussi du Japon, de la Corée, du Pakistan, de la Birmanie et du Cambodge, à la Congrégation pour l’évangélisation des peuples. La 13e délégation comprenait un troisième membre, Mgr Luis Mariano Montemayor, appartenant au personnel diplomatique du Saint-Siège depuis 1991, actuellement chargé des affaires de l’Asie du Sud-Est. Avant de revenir en 2000, à la Secrétairerie d’Etat à Rome, il avait été en poste diplomatique en Ethiopie, au Brésil et en Thaïlande.

2 – Comme de nombreuses fois auparavant, dès son arrivée au Vietnam, la délégation a rencontré le bureau permanent de la Conférence épiscopale, à savoir son président, Mgr Paul Nguyên Van Hoa, le cardinal Pham Minh Mân, vice-président, Mgr Pierre Nguyên Soan, secrétaire, les divers présidents des Commissions épiscopales. Les évêques de la province ecclésiastiques de Hanoi étaient aussi venus rencontrer la délégation.

Le lendemain 28 avril, la délégation a participé à deux séances de négociations avec le bureau des Affaires religieuses du gouvernement, représenté par son président M. Ngô Yên Thi et l’adjoint de celui-ci, M. Nguyên Thê Doanh, autrefois chargé de mission à l’étranger. Bien que les deux chefs de délégation soient des nouveaux venus, les entretiens se sont déroulés dans un climat d’ouverture et de respect mutuel. Le principal objet des débats a été comme d’habitude les nominations épiscopales. Selon une source digne de foi, seule la nomination d’un évêque pour le diocèse de Thanh Hoa a reçu l’accord de l’Etat vietnamien. Comme les fois précédentes, Mgr Crescenzio devait en informer le Saint Père. Ensuite, le prêtre pressenti devait en être informé et accepter sa nomination. Ce n’est qu’alors que celle-ci sera rendue publique.

Il y a longtemps qu’il est question de la division du diocèse de Xuân Lôc, un diocèse aujourd’hui trop grand, avec environ un million de fidèles. Lors du récent voyage, il n’y a pas eu encore de réponse concrète de l’Etat à ce sujet. Par ailleurs, Mgr Paul Nguyên Minh Nhât, à cause de son âge et de son mauvais état de santé a demandé un successeur. La délégation en a proposé un. Mais l’Etat a fait savoir que, dans de brefs délais après le retour à Rome de la délégation, il donnerait une réponse à cette question. D’autres propositions de la délégation devront, elles aussi, attendre la réponse de l’Etat.

Au sujet de l’élargissement du recrutement des séminaires et des congrégations religieuses, l’Etat a informé la délégation qu’il y aurait une ordonnance nouvelle où ces questions trouveront une solution de caractère plus libéral. Cette ordonnance a été donnée en consultation aux divers représentants des religions. Elle en est à son 20e projet et l’on ne sait pas quand elle sera finalement promulguée.

Du côté de l’Etat vietnamien, on s’est plaint à la délégation que lors de la nomination au cardinalat de Mgr Pham Minh Mân, en octobre dernier, il n’y a pas eu d’avertissement préalable aux autorités vietnamiennes. L’Etat s’est également montré irrité par l’agence de nouvelles Vietcatholic.News qui diffuse sur Internet de nombreuses dépêches “opposées à l’Etat et déformant la vérité” (1). De son côté, la délégation a fait part à ses interlocuteurs de la position du Saint-Siège qui est prêt à établir des relations diplomatiques avec le Vietnam à n’importe quel niveau. Cependant, l’Etat vietnamien n’a pas montré les mêmes dispositions en ce domaine et considère qu’il est encore trop tôt. Tout compte fait, selon lui, le Saint-Siège n’a d’entretiens avec l’Etat vietnamien que depuis 1990 jusqu’à aujourd’hui. C’est pourquoi l’Etat vietnamien propose d’intensifier les contacts avec l’ambassade du Vietnam en Italie et progressivement les deux parties progresseront vers des relations plus intimes. Pour le Saint-Siège, la raison profonde de son désir de relations diplomatiques avec le Vietnam, c’est en dernier lieu sa volonté d’être présent d’une façon permanente auprès de l’Eglise catholique au Vietnam.

3 – Après la journée consacrée aux négociations avec le Bureau des Affaires religieuses, la délégation du Saint-Siège est allée visiter les deux diocèses de Xuân Lôc et de Buôn Ma Thuôt. Lors du voyage de la délégation en 2002, celle-ci avait demandé à l’Etat de se rendre à Xuân Lôc, Buôn Ma Thuôt et Kontum, mais cette demande avait été refusée et les représentants du Saint-Siège avaient visité Thai Binh et Da Nang. Cette fois-ci, la délégation a fait la même demande qu’en 2002 et a obtenu une réponse favorable.

A Xuân Lôc, la visite a été soumise à de nombreuses limites. Il était prévu que la réception sur place devait être organisée sans trop de solennité et d’éclat. La délégation ne devait pas rencontrer la population chrétienne. A Xuân Lôc, le 29 avril 2004, la délégation a célébré la messe dans une cathédrale remplie de prêtres, de religieux et de religieuses, auxquels s’étaient mêlés quelques représentants du laïcat. Les fonctionnaires gouvernementaux ont accompagné partout la délégation. Mais celle-ci a pu quand même rencontrer en dehors de leur présence Mgr Nhât et Mgr Trâm, l’évêque auxiliaire.

Dans la matinée du 30 avril, la délégation a été reçue à l’archevêché de Hô Chi Minh-Ville par le cardinal Pham Minh Mân, son évêque auxiliaire Mgr Vu Duy Thông, Mgr Tran Dinh Tu, évêque de Phu Cuong et de nombreux prêtres. Au cours de la rencontre, le P. Nguyên Van Huong, adjoint au recteur du Grand Séminaire a fait un exposé sur la formation sacerdotale. Le P. Dinh Châu Trân, dominicain, vicaire épiscopal pour les religieux, a présenté un rapport sur les activités des religieux et religieuses dans le diocèse. Le président du conseil pastoral du diocèse a parlé des activités des divers mouvements laïcs dans le diocèse.

Dans l’après-midi du même jour à Buôn Ma Thuôt, la délégation a pu seulement célébrer la messe à l’évêché. Elle a aussi fait la visite des sours de Marie Reine de la paix. D’une façon imprévue, lorsque la délégation est allée faire une visite “privée” à la cathédrale, les fidèles en furent avertis et sont accourus nombreux vers l’église pour accueillir la délégation. Celle-ci a rencontré des représentants des prêtres et des religieux. Mais, comme les fonctionnaires gouvernementaux suivaient de près les représentants du Saint-Siège, aucune conversation n’a eu lieu.

La province de Dak Lak à cette époque était encore une région chaude après les heurts entre groupes de Montagnards et les forces de sécurité régionales, le 10 et 11 avril derniers. Selon Amnesty International, huit manifestants ont été tués alors que la police tentait de disperser les manifestations de Montagnards protestants, réclamant la liberté religieuse et la récupération de la terre de leurs ancêtres. Au cours de la rencontre de la délégation avec les autorités civiles locales, le président du Comité populaire provincial, Nguyên Van Lang, a fait un long exposé sur la situation économique et sociale de la province. Il a aussi mentionné les heurts ayant eu lieu quelques semaines plus tôt entre les Montagnards et la police. Il a dénoncé les déformation des faits contenus dans les articles de la presse étrangère en disant : “Les journaux étrangers mentionnent 400 morts. Selon eux, des têtes auraient été coupées et jetées dans le fleuve. Mais, à Dak Lak, il n’y a pas de fleuve.” Selon M. Lang, il n’y aurait pas eu de morts. La délégation du Saint-Siège s’est contenté de remercier le président du Comité populaire provincial de ces informations sans commentaire ni critique à l’égard de la presse étrangère. Malgré cela, le quotidien, Nhân Dân, organe du Parti communiste vietnamien, dans son numéro du 1er mai 2004 a rapporté la nouvelle sous le titre : “Le secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères du Saint-Siège a regretté que la presse étrangère ait donné une fausse image de la vérité sur les troubles de l’ordre public ayant eu lieu récemment sur les Hauts Plateaux.”

Selon une source, en réalité, il y a eu des morts lors des heurts sur les Hauts Plateaux. Les pompes funèbres ont eu davantage de clients à cette époque. Des villages monta-gnards auraient perdu trois à quatre personnes. Dans d’autres, des vingtaines de personnes n’auraient pas regagné leurs domiciles.

(1)Vietcatholic.News est un site mis en place par la communauté vietnamienne catholique aux Etats-Unis et placé sous la responsabilité du P. Trân Công Nghi. Il diffuse chaque jour de nombreuses dépêches concernant le monde et l’Eglise du Vietnam.