Eglises d'Asie

Gujarat : un prêtre catholique militant pour la justice est soumis à des interrogatoires policiers

Publié le 18/03/2010




Pour protester contre les interrogatoires qu’a dû subir le P. Cedric Prakash, directeur du Centre Prashant (‘Tranquillité’) à Ahmedabad, la capitale commerciale de l’Etat du Gujarat, des militants d’ONG et d’associations humanitaires ont organisé une manifestation publique dans la ville, le 11 juin dernier, et ont prévu une protestation d’une grande ampleur pour le 25 juin suivant. Lors de leur regroupement du 11 juin, les manifestants ont décidé de ne plus tolérer ce type de comportement des autorités publiques à l’égard d’innocents et de former une délégation qui irait porter une plainte devant le pouvoir central.

Les jours précédents, à plusieurs reprises, le 26 avril et le 8 juin, le directeur du Centre social avait été convoqué au siège de la section d’enquêtes criminelles de la police du Gujarat et interrogé. Le motif officiel de cette enquête policière était un courrier électronique envoyé à la police par une personne en lien avec des groupes de l’extrême droite hindoue, accusant le prêtre d’avoir diffamé le Gujarat à l’étranger (1). Les policiers ont effectivement interrogé le prêtre pendant 90 minutes sur un voyage effectué par lui à Londres en décembre 2003, au cours duquel il aurait fait des déclarations injurieuses pour le Gujarat concernant les émeutes de 2002 en affirmant notamment que les minorités y étaient insatisfaites. L’interrogatoire du P. Prakash a aussi porté sur une récente visite du prêtre à la prison de Sabarmati où sont internés un certain nombre de détenus arrêté au nom de la loi anti-terroriste, dite POTA (2). Le P. Prakhash a nié avoir prononcé la déclaration rapportée et affirmé faire des visites régulières à la prison de Sabarmati depuis quelques années.

Les militants qui entourent le directeur du Centre Prashant ont le sentiment que le récent harcèlement policier a pour origine une réunion qui eu lieu au Centre le 1er juin dernier au cours de laquelle des documents écrits ont été envoyés au gouvernement central mettant en cause le fonctionnement de la justice dans divers procès en cours concernant les troubles du Gujarat de mars-avril 2002, notamment celui de l’incendie du train de la gare de Godhra et celui du massacre de la boulangerie Best Bakery.

On se rappelle que les troubles du Gujarat qui en 2002 causèrent la mort d’un millier de musulmans prirent prétexte des 59 militants hindouistes de retour d’Ayodhya ayant trouvé la mort, le 27 mars 2002, dans l’incendie d’un train à la gare de Godhra (3), un incendie attribué à des fanatiques musulmans. L’affaire de Best Bakery fut une des premières représailles menées par les hindouistes. Une boulangerie appelée Best bakery située à Vadodara avait été incendiée trois jours après l’incendie de Godhra par des groupes hindouistes. Quatorze musulmans qui y étaient réfugiés y avaient péri, brûlés vifs. Après les troubles, une plainte avait été déposée contre les principaux responsables de cette attaque, au nombre de vingt-et-un (4). Un premier verdict prononcé, le 27 juin 2003, par un tribunal de l’Etat de Gujarat, avait relaxé les 21 accusés, faute de preuve. Trente-cinq des 73 témoins cités devant le tribunal pour identifier les coupables avaient refusé de le faire.

Le principal témoin, Zahira Sheik, la propre fille du propriétaire de la boulangerie, avec l’aide des “Citoyens pour la Justice et la paix association à laquelle participent le P. Prakash et son centre, déposa alors une plainte devant la Cour suprême demandant une réouverture du procès, affirmant que des membres du Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP) avaient menacé les témoins et que le gouvernement du Gujarat avait failli à son devoir d’assurer leur protection. C’est à la suite de cette plainte que la Cour suprême de New Delhi avait, le 12 avril dernier, prononcé sa sentence et invalidé l’acquittement obtenu par les 21 accusés à la Haute Cour du Gujarat. Aussitôt que les médias eurent publié cette nouvelle, des militants hindouistes s’étaient précipités devant le Centre, hurlant des slogans et sommant le Centre de mettre un terme à ses activités anti-hindoues, ou alors de faire face aux conséquences de ses actes.