Eglises d'Asie – Inde
L’annonce de la révocation de la loi anti-terroriste satisfait de nombreux représentants des minorités religieuses de l’Inde
Publié le 18/03/2010
L’ancienne loi avait été adoptée à la suite d’un certain nombre d’attaques terroristes, parmi lesquelles un assaut lancé contre le Parlement. Elle permettait de prolonger la détention d’un suspect jusqu’à 120 jours sans qu’aucun procès ne soit intenté contre lui auprès d’un tribunal. Elle autorisait à considérer un aveu proféré lors d’un interrogatoire policier comme une reconnaissance de culpabilité, ce qui n’est pas le cas de la loi indienne ordinaire, selon laquelle l’accusé peut, au cours du procès, revenir sur un aveu fait à la police.
L’initiative du gouvernement a été accueillie avec satisfaction dans de nombreux milieux, en particulier au sein des minorités religieuses. Une enseignante retraitée à Pune, qui a entendu de la bouche des victimes de nombreux récits de tortures destinées à arracher des aveux, a vu dans cette décision un signal annonçant plus de liberté, de démocratie et de respect des droits de l’homme. Le P. Allwyn D’Silva, responsable de la Commission ‘Justice et paix’ de Bombay, après avoir rappelé que quelques dirigeants politiques s’étaient servis de l’ancienne loi à des fins personnelles, a loué le gouvernement pour son abrogation. Selon le prêtre, la plupart de ceux qui ont été internés en son nom ont été relâchés ensuite par la police, faute de preuves. Les militants des associations des droits de l’homme ont relevé que, depuis la promulgation de la loi POTA, de nombreux abus ont été commis en son nom dans tout le pays, mais plus particulièrement dans les Etats du Gujarat et du Jharkhand, deux Etats gouvernés par le BJP.
Au mois de février, différentes ONG s’étaient réunies à l’Institut Xavier de Sciences sociales, à Ranchi, dans le Jharkhand, pour dresser un bilan de l’application de la POTA dans la région depuis sa promulgation. S’appuyant sur des statistiques régionales, un des intervenants avait informé l’assemblée que, pour le seul mois de janvier 2004, la police du Jharkhand avait emprisonné 3 200 personnes au nom de la loi anti-terroriste. De nombreux détenus avaient moins de 18 ans, le plus jeune ayant 12 ans et le plus âgé 81 ans. Il avait été également souligné que les victimes de la loi étaient pour la plupart pauvres, appartenaient à de basses castes ou à des ethnies minoritaires. Interrogé à l’époque de cette réunion à laquelle il ne participait pas, le cardinal Telesphore P. Toppo, archevêque de Ranchi, avait déploré les souffrances endurées à cause de cette loi par les diverses ethnies et par la population pauvre et peu éduquée. Il s’était étonné de constater que le gouvernement ne se soit pas ému du nombre considérable de personnes devenues “une menace pour la nation”.
Dans l’Etat du Gujarat, selon The Hindustan Times, les 240 personnes arrêtées au nom de cette loi au cours du mois de septembre dernier étaient toutes, sauf une, de religion musulmane. Les arrestations de beaucoup d’entre elles étaient en relation avec les troubles qui ont agité le pays aux mois de mars-avril 2002 et coûté la vie à plus de 2 000 personnes, musulmanes pour la plupart. Le quotidien anglophone notait également que beaucoup d’innocents étaient en prison, parmi lesquels les deux fils d’un musulman de 65 ans, arrêtés pour avoir mené une attaque contre un temple qu’ils ne connaissaient même pas. L’annonce de la future abrogation a satisfait de nombreux innocents, arrêtés à la faveur de cette loi ainsi que tous ceux qui considèrent celle-ci comme une épée de Damoclès suspendue au-dessus de leur tête.
Cependant, dès avant l’annonce de la révocation, le 2 juin, le gouvernement du Gujarat avait pris ses précautions pour continuer ses pratiques en matière de lutte contre le terrorisme. Il a préparé un projet de loi anti-terroriste propre à l’Etat, qui prendra force de loi dès que la révocation de la loi fédérale sera signée par le président Kalam.