Eglises d'Asie

Pour la première fois, un tribunal a reconnu à des Témoins de Jéhovah le droit à l’objection de conscience

Publié le 18/03/2010




Le 21 mai dernier, un tribunal de Séoul a rejeté la demande du ministère public d’emprisonner trois objecteurs de conscience qui refusaient d’effectuer leur service militaire. La décision qui concerne trois Témoins de Jéhovah, mouvement religieux d’origine chrétienne dont les membres refusent catégoriquement de se servir d’une arme à feu, constitue une première en Corée du Sud où l’objection de conscience s’exprimant par le refus du service militaire n’a jamais été reconnue au cours de ces cinquante dernières années. Au lendemain du jugement, une coalition de trente-six organisations civiques et religieuses comprenant la Fédération nationale catholique pour la justice (CNPJ) s’est déclarée très heureuse de la décision de justice.

Afin de s’assurer qu’il ne s’agit pas là d’une victoire sans lendemain – le ministère public ayant fait appel de la décision du tribunal de Séoul -, la coalition a demandé au gouvernement de préparer un projet de loi afin de garantir le respect de l’objection de conscience. Elle a notamment demandé qu’une alternative soit proposée aux jeunes garçons coréens, soumis, à ce jour, à une obligation de service militaire d’une durée de 24 mois (1). Elle a également demandé que la Cour constitutionnelle se saisisse de l’affaire afin de dire si l’actuelle loi de conscription militaire, qui ne comprend pas de disposition relative à l’objection de conscience, est contraire ou non à la Constitution, laquelle garantit le respect des droits fondamentaux de la personne.

Selon des statistiques produites par la coalition, plus de 10 000 garçons sud-coréens ont été emprisonnés au cours de ces dernières cinq décennies pour refus de service militaire. Chaque année, environ 700 jeunes sont emprisonnés pour ce motif (683 en 2000, 804 en 2001 et 734 en 2002), faisant de la Corée du Sud le pays au monde où les emprisonnements pour objection de conscience sont les plus nombreux. Selon Amnesty International, plus de 1 000 jeunes hommes – dont une grande proportion de Témoins de Jéhovah – étaient en prison pour ce motif à la date de fin décembre 2003.

Le 28 mai, Agnès Park Soon-lee, présidente de la CNFJ, a déclaré être satisfaite de la décision de justice en faveur de ceux qui refusent de porter les armes et de tuer, tout en soulignant cependant que leur refus était fondé sur une interprétation fondamentaliste et littérale de la Bible. “Les raisons qui motivent les objecteurs de conscience ne devraient pas être des motifs exclusivement de foi mais être davantage inspirées par toutes les violences et les guerres qui agitent le monde où nous vivons a-t-elle souligné, ajoutant que l’Eglise catholique sud-coréenne n’avait jamais encouragé qui que ce soit à considérer le devoir du service militaire sous l’angle unique de la foi chrétienne.

Le Conseil national des Eglises (protestantes) de Corée du Sud a également fait part de son approbation disant que beaucoup de jeunes, conscients des conflits qui déchirent le monde, se déclaraient pacifistes et décidaient de ne pas remplir leur devoir militaire pour des motifs de conscience ou de religion. Il a demandé au gouvernement d’établir un service de substitution pour éviter aux jeunes pacifistes d’être considérés comme des criminels.

La décision du tribunal de Séoul et le soutien de la coalition à la cause de l’objection de conscience n’ont pas été appréciés de tous les Sud-Coréens. Pour une partie d’entre eux, le maintien du service militaire obligatoire est nécessaire tant que, estiment-ils, la Corée du Nord continue de faire peser une menace militaire sur la Corée du Sud. L’armée nord-coréenne est estimée à 1,1 million d’hommes. Celle de la Corée du Sud compte 600 000 hommes, appuyés par 37 000 soldats américains.