Eglises d'Asie – Indonésie
Afin d’augmenter leurs chances lors de l’élection présidentielle du 5 juillet 2004, tous les candidats ont recours à des médiums
Publié le 18/03/2010
En Indonésie, il n’est pas rare d’entendre dire que les phénomènes naturels entretiennent un lien avec la politique. Dans ce pays de 220 millions d’habitants, le premier pays musulman de la planète par le nombre de fidèles, des récits colportent l’affirmation selon laquelle certains responsables sont prédestinés dès avant leur naissance à diriger la nation. Rares sont les hommes politiques à admettre en public que de telles croyances jouent réellement un rôle dans leur vie et leurs actes. L’élection présidentielle du 5 juillet ne fait pas exception mais on ne peut que constater que les visites rendues par les candidats aux tombes des grands hommes de la nation ou la consultation de médiums et autres devins avant de prendre une décision politique importante ne sont pas rares et nullement cachées.
Le pèlerinage sur la tombe de Sukarno, le père fondateur de la nation, ou sur celle de grandes figures de l’islam en Indonésie est quasi obligé. « Les gens viennent prier sur la tombe du grand homme pour absorber l’énergie ou le charisme censé émaner du lieu explique Sunarto, président de l’Association des consultants spirituels qui précise que certains responsables politiques vont jusqu’à avoir à leur service leur propre « équipe de médiums » afin de les aider à contrer les effets potentiellement négatifs de « la magie noire » mise en ouvre par leurs adversaires. Sunarto, qui par ailleurs enseigne la philosophie dans une université privée de Djakarta, ajoute : « Ils recherchent ce que les adeptes du New Age désignent sous le terme d’illumination spirituelle. Mais, comme ils veulent cela sans attendre, ils ont besoin de l’aide de conseillers spirituels. » A en croire Sunarto, plus d’une dizaine de candidats aux élections législatives du mois d’avril dernier lui ont demandé de l’aide.
Il est de notoriété publique que des personnalités politiques de premier plan, telle l’ancien président Abdurrahman Wahid, ont dans leur entourage immédiat des conseillers « spirituels » et pratiquent certains rites. L’ancien président Suharto était connu pour aller méditer dans certains lieux reculés de Java afin de bénéficier des pouvoirs magiques censés en émaner. Dans les années de la lutte pour l’indépendance, Sukarno lui-même, dit-on, était allé chercher un soutien divin dans les ruines de Jayabaya, à Java-Est.
Aujourd’hui, la fille de Sukarno, l’actuelle présidente Megawati Sukarnoputri, est connue pour être superstitieuse. On rapporte qu’elle a choisi la date de l’annonce de sa candidature en fonction de certaines divinations. Le favori des sondages, Susilo Bambang Yudhoyono, aurait choisi d’enregistrer son Parti démocrate le 9 septembre 2002 non seulement parce que le 9 septembre est le jour de son anniversaire mais aussi parce que le chiffre 9 est un chiffre sacré de bon augure. Coïncidence ou pas, les premiers membres de son parti étaient au nombre de 99 et sa campagne pour les législatives a été menée sous le signe du chiffre 9. Que tout ceci soit une coïncidence ou non n’a pas empêché Susilo Bambang Yudhoyono de se voir reprocher une pratique hérétique de l’islam. Le 7 mai dernier, le magazine Sabili, proche des milieux musulmans fondamentalistes, a dénoncé son « penchant pour le mysticisme ». Le favori des sondages a démenti l’accusation mais lui comme Megawati et une grande partie des Javanais pratiquent un islam fortement teinté de mysticisme javanais, connu localement sous le nom de « kejawen ».
Des mouvements de musulmans modernistes tels que la Muhammadiyah, dont un ancien responsable, Amien Rais, se présente devant les électeurs le 5 juillet, ont dénoncé ces pratiques dénaturant, à leurs yeux, le véritable islam. Mais, dernièrement, dans un geste qui a été interprété comme une tentative pour se gagner les suffrages des « traditionalistes » (par opposition aux musulmans « modernistes »), Amien Rais a déclaré qu’il respectait la diversité des formes prises par les pratiques religieuses et qu’il ne réprimerait pas la pratique d’un islam syncrétiste.