Eglises d'Asie

Andhra Pradesh : les chrétiens répondent les premiers à un appel du nouveau chef de l’exécutif visant à mettre un terme à la vague de suicides dans le monde paysan

Publié le 18/03/2010




La défaite électorale subie au mois d’avril dernier par le parti au pouvoir dans l’Etat de l’Andhra Pradesh a été, d’une façon générale, attribuée à l’opposition qu’il a rencontrée dans la paysannerie locale, délaissée par un gouvernement surtout préoccupé de promouvoir le secteur technologique, celui de l’informatique en particulier. La victoire éclatante du Parti du Congrès doit beaucoup au mécontentement et au désespoir du secteur agricole. Accablés par le poids de dettes toujours croissantes, par une succession, ces quatre dernières années, de sécheresses et de mauvaises récoltes, de nombreux agriculteurs, désespérés, ont mis fin à leurs jours.

Le gouvernement du ministre-président Y. S. Rajasekhara Reddy, mis en place dès le 14 mai, a rapi-dement lancé un certain nombre de mesures destinées à gagner la confiance de ce secteur délaissé de la population. Il a rapidement annoncé la gratuité de la fourniture d’électricité pour les paysans pauvres, disposition qui devrait coûter au gouvernement quatre milliards et demi de roupies (84 millions d’euros) par an. Comme il s’y était engagé pendant la campagne électorale, il a annulé les factures d’électricité des paysans qui, au total, se montaient à onze milliards de roupies. Des facilités bancaires ont aussi été accordées aux paysans endettés. Par ailleurs, le gouvernement a annoncé une indemnité de 150 000 roupies pour les proches des paysans qui se sont suicidé après le 1er juillet 1998.

Cependant, soit à cause de l’insuffisance de ces mesures ou de leur caractère trop tardif, le mouvement de suicides au sein de la paysannerie de l’Etat a encore progressé. Cent paysans ont mis un terme à leur vie au cours des premières semaines d’activité du nouveau gouvernement. Dans une lettre de quatre pages publiée le 30 mai, le nouveau ministre-président, qui est un médecin protestant, appelle les paysans à ne pas céder à cette tentation et demande aux ONG ainsi qu’aux syndicats de paysans de lutter contre cette vague de suicides.

De nombreuses associations chrétiennes, dont la plupart avaient commencé, auparavant, une action en ce domaine, ont répondu à l’appel du nouveau chef de l’exécutif de l’Andhra Pradesh. Parmi elles, il faut citer le Conseil chrétien panindien, organisation ocuménique qui a accueilli l’invitation du gouvernement avec d’autant plus d’attention qu’elle était sensibilisée à ce problème depuis longtemps. La preuve en est qu’un dossier établi par elle contenait déjà l’essentiel des données du problème. La dette moyenne des paysans de l’Andhra Pradesh est d’environ 200 000 roupies (3 661 euros). La surface moyenne de terres exploitée par eux est de 1,2 hectare. L’âge moyen de ceux qui mettent un terme à leurs jours est de quarante ans. Généralement, ils se donnent la mort en absorbant des pesticides ou des substances toxiques. Le responsable du Conseil, Sam Paul, a mis en place un programme d’action qui se présente comme une campagne de prévention contre le fléau en question auprès des paysans. Des sections du Conseil ont été mises en place dans les vingt-trois districts de l’Etat.

Une autre instance chrétienne de l’Etat, le Conseil des Eglises, qui regroupe des Eglises protestantes et orthodoxes de l’Etat, a offert ses services pour lutter contre ce fléau. Son porte-parole, Jetti A. Oliver, affirme que le Conseil en est au stade préparatoire en ce domaine. Une commission d’études a été nommée et un programme d’action va être lancé, prévoyant une campagne d’incitation au courage et une assistance apportée aux nécessiteux. Dans le diocèse d’Hyderabad, un service social s’est spécialisé depuis plusieurs années dans l’assistance aux paysans en difficulté, avec des résultats appréciables. Selon le directeur du service, depuis le début des activités d’assistance, les suicides ont totalement cessé dans le secteur. D’autres diocèses de l’Etat, comme celui de Cuddapah, se sont préoccupés de protéger les paysans contre les fournisseurs d’engrais chimiques, de faire en sorte que les petits exploitants soient financièrement assurés contre la perte de leurs récoltes.

Interrogé par l’agence Ucanews (1), le ministre-président a volontiers reconnu l’échec du gouvernement pour subvenir à la détresse financière des paysans, principale cause des suicides. Il a cependant mis en garde contre certaines statistiques non confirmées diffusées par les médias. Des morts naturelles y sont présentées comme des suicides. Une enquête du ministère de la Coopération a révélé, par exemple, que sur douze cas de morts présentées comme des suicides, quatre seulement étaient authentiques.