Eglises d'Asie

Gloria Arroyo ayant officiellement été déclarée élue à la présidence, les évêques catholiques demandent aux responsables du pays d’ouvrer à la réconciliation de la nation

Publié le 18/03/2010




Le 23 juin dernier, six semaines après l’élection présidentielle du 10 mai, le Congrès philippin (Chambre des représentants et Sénat) a finalement déclaré Gloria Arroyo élue, avec un avantage d’un peu plus d’un million de voix sur son adversaire, l’acteur Fernando Poe Jr. L’annonce, obtenue après onze heures de débats dans un Congrès dominé par les partisans de la présidente sortante, a mis fin à une période d’incertitude et de tensions au cours de laquelle une commission spéciale de législateurs avait été chargée de rédiger un rapport sur le déroulement du scrutin et le décompte des bulletins de vote. L’opposition a cependant continué d’accuser le pouvoir de fraude massive, arguant que Fernando Poe l’avait emporté de 500 000 voix. La veille, le 22 juin, la Cour suprême avait rejeté une plainte de l’opposition qui visait à faire annuler le scrutin.

Dans ce contexte relativement volatile, les évêques catholiques ont appelé au calme. Durant les semaines qui se sont écoulées entre le 10 mai et le 23 juin, ils ont découragé les manifestations de rue et rappelé la confiance que les Philippins devaient avoir dans leurs institutions (1). Le 21 juin, le cardinal Vidal, archevêque de Cebu, a rapporté que différents groupes avaient fait mention auprès de lui de fraudes et de tricheries mais que, selon lui, les opérations électorales à Cebu avaient été “généralement justes et relativement pacifiques”. Il a invité à l’unité et à la réconciliation, demandant au personnel politique d’“oublier les différences et le passé pour considérer ensemble le problème de la pauvreté et de la souffrance des gens”. Le président élu doit “commencer par reconstruire la nation” afin que celle-ci soit unie, a-t-il dit.

Pour Mgr Deogracias Iniguez, évêque de Kalookan et président du Comité épiscopal pour les affaires publiques, qui s’est exprimé le 23 juin, “au moins le processus dicté par la Constitution semble être arrivé à son terme, ce qui permettra de continuer à diriger la nation comme un Etat de droit digne de ce nom doit l’être”. Interrogé sur le déroulement des élections, il a répondu n’avoir “rien précisément à reprocher avec force sur ce point car cela s’est passé aux Philippines, de la façon voulue par le peuple philippin et comme le peuple philippin le mérite”. Le 24 juin enfin, le président de la Conférence épiscopale, Mgr Fernando Capalla, par l’entremise du secrétaire général de la Conférence, a félicité Gloria Arroyo pour son élection, déclarant notamment : “Soyez assurée de la sollicitude pastorale des évêques, particulièrement s’agissant des programmes pour alléger le fardeau qui pèse sur ceux de nos concitoyens et concitoyennes qui vivent dans la pauvreté.”

Sitôt déclarée élue présidente, Gloria Arroyo a fait savoir que la cérémonie d’investiture, fixée au 30 juin, date de l’échéance de son précédent mandat, aurait lieu à Cebu. Une première pour le pays où les prestations de serment des présidents nouvellement élus ont jusqu’ici toujours eu lieu sur l’île de Luçon. Ce choix aurait été dicté par la large majorité donnée à Gloria Arroyo et à son co-listier, Noli de Castro, par les électeurs de Cebu. Dans ses premières déclarations après l’investiture officielle du Congrès, elle a ajouté qu’elle voulait “panser” les plaies du pays : “A mes adversaires, je lance un appel à l’unité ; à mes partisans, je demande un esprit ouvert. C’est le temps du pardon, le temps de laisser derrière nous le passé.” Agée de 57 ans, Gloria Arroyo a devant elle un mandat de six ans.

Selon la presse locale, le pays reste divisé : sur 43,5 millions d’électeurs inscrits sur les listes électorales, la présidente a réuni un peu moins de 13 millions de suffrages sur son nom, son co-listier, un ex-présentateur des informations télévisées, un peu plus de 15 millions. Les partisans de Fernando Poe, qui est crédité de 11,8 millions de suffrages, ont menacé à plusieurs reprises de lancer une révolte populaire comme celle qui renversa en 1986 le dictateur Marcos et celle qui destitua en 2001 Joseph Estrada, dont Gloria Arroyo était alors la vice-présidente. Un climat de crainte et d’instabilité a été nourri par la découverte, ces jours derniers à Manille, de trois engins explosifs, qui n’ont pas explosé. La police a trouvé une bombe près d’une église catholique de San Antonio, non loin de Makati, le district financier de la ville. Deux autres engins ont été découverts face au bâtiment du ministère de l’Intérieur et du quartier général des forces armées à Quezon City. Par mesure de précaution, les forces armées ont été placées en état d’alerte.