Eglises d'Asie – Philippines
Le renouvellement d’une partie du Congrès, à la suite des élections du 10 mai 2004, rouvre le débat sur l’abolition de la peine de mort
Publié le 18/03/2010
Le P. Roberto Olaguer, aumônier au pénitencier national de Muntinlupa, où la chambre d’exécution par injection létale est située, s’est réjoui du report des exécutions. “Bien entendu, les condamnés ont accepté avec soulagement le décret présidentiel, a-t-il déclaré, mais naturellement ils souhaitent que la présidente commue leur peine en prison à vie, plutôt que de vivre sous la menace constante d’une prochaine exécution.” Selon lui, il faut attendre de voir comment les nouveaux élus au Congrès vont se positionner sur la question de la peine de mort. Le 10 mai dernier, les électeurs philippins ont élu leur président et leur vice-président ainsi que 12 des 24 membres du Sénat et la totalité de la Chambre des représentants.
Pour l’heure, la Coalition contre la peine de mort, collectif réunissant diverses organisations, dont l’Eglise catholique, militant contre la peine capitale, cherche à identifier les positions des nouveaux élus. Selon le P. Olaguer, la difficulté vient du fait qu’“un jour, ils sont pour (l’abolition) et le lendemain ils sont contre”.
L’histoire récente de la peine capitale aux Philippines est émaillée de revirements. En 1987, à l’occasion d’amendements portés à la Constitution, la loi autorisant la peine de mort a été abolie. Puis, en 1993, le président Fidel Ramos a fait voter un texte la rétablissant et, en 1999, un premier condamné a été exécuté. Il sera suivi par six autres. En mars 2000 (1), suivant l’avis de son conseiller spirituel, Mgr Teodoro Bacani, le président Joseph Estrada a déclaré un moratoire sur les exécutions, geste justifié par le Jubilé de l’An 2000 et confirmé en octobre 2002 par Gloria Arroyo, devenue entre temps présidente (2). Aucune nouvelle condamnation à mort n’a été faite depuis, malgré la levée du moratoire en décembre 2003 par la présidente Arroyo qui a déclaré à cette date que la peine de mort s’appliquerait désormais aux violeurs et aux kidnappeurs (3). En janvier de cette année, la Cour suprême a ordonné la suspension in extremis de l’exécution de deux condamnés, après que de nouveaux éléments de nature à changer l’issue de leur procès furent apparus (4).
Pour le P. Olaguer, les évêques catholiques philippins se sont clairement prononcés pour l’abolition de la peine de mort (5). Cependant, ils souhaitent agir aujourd’hui dans une relative discrétion afin de ne pas “enrager” les partisans de la peine capitale, prompts à mettre en avant la souffrance des proches des victimes. S’agissant de la présidente, le prêtre estime que les exécutions seront repoussées tant que le Congrès ne se sera pas prononcé. Après cela, “la présidente pourra alors dire que, quelle que soit son opinion sur la question, elle doit suivre la voix du législateur”. Récemment, Mgr Pedro Arigo, évêque de Palawan et président de la Commission épiscopale pour la pastorale des prisons, a écrit à Gloria Arroyo pour lui demander d’abolir la peine capitale et de donner une chance aux condamnés de se convertir. A ce jour, 1 025 détenus ont reçu une condamnation à mort, sentence qui doit être confirmée par la Cour suprême pour devenir effective. De 1995 à 1999, la Cour suprême a étudié 175 cas et confirmé le châtiment suprême pour 24 condamnés.