Eglises d'Asie

Un ancien religieux bouddhiste, enlevé à Phnom Penh où il s’était réfugié puis interné au Vietnam, a été autorisé à s’exiler en Suède

Publié le 18/03/2010




Le 23 juin, deux organisations de défense des droits l’homme, Amnesty International et Human Rights Watch, ont annoncé (1) qu’une autorisation de quitter le Vietnam pour un pays scandinave venait d’être accordée au bouddhiste dissident Thich Tri Luc (Pham Van Tuong selon l’état civil). Cet ancien religieux venait d’achever une peine d’emprisonnement de vingt mois qui lui avait été infligée le 12 mars dernier par le Tribunal populaire de Hô Chi Minh-Ville (2) et qui correspondait au temps qu’il avait passé en prison avant son procès.

Le lendemain, un porte-parole du Haut Commissariat aux réfugiés de l’ONU (UNHCR) précisait que cette autorisation avait été donnée par le gouvernement vietnamien mais que le départ en exil pour la Suède de l’ancien religieux bouddhiste avait été organisé par l’UNHCR.

Thich Tri Luc est un disciple du vénérable Thich Dôn Hâu qui fut patriarche du bouddhisme unifié et désigna le vénérable Thich Huyên Quang comme son successeur, avant sa mort le 23 avril 1992 (3). Depuis le changement de régime de 1975, le religieux a mené une vie passablement mouvementée. Arrêté une première fois en 1992 et emprisonné dix mois durant, il subit des pressions de la part des autorités l’incitant à devenir un collaborateur secret de la police. Il refusa et envisagea même de s’immoler par le feu en signe de protestation. Plus tard en 1994, il faisait partie d’une délégation bouddhiste, chargée de porter secours aux victimes des inondations du Mékong, qui fut empêchée par la police d’accomplir sa mission (4). Un procès eut lieu à Hô Chi Minh-Ville, le 15 août 1995, qui condamna les divers accusés à des peines allant de deux ans et demi à cinq ans de prison (5). Thich Tri Luc écopa de deux ans et demi, peine pour laquelle il refusa de demander un recours (6) et qu’il purgea dans un camp de rééducation à Xuân Lôc. Cet internement fut suivi d’une assignation à résidence et de l’interdiction d’exercer toute activité religieuse publique. Les derniers temps, la situation était devenue si insupportable pour lui qu’il a pris la décision quitter la vie religieuse et de s’enfuir au Cambodge.

A Phnom Penh, il avait sans peine obtenu le statut de réfugié au Cambodge, octroyé le 28 juin 2002 par le Haut Commissariat aux réfugiés à Phnom Penh. Or, dans la nuit du 25 juillet suivant, le nouveau réfugié disparaissait de son domicile. Cette nuit-là, selon des sources cambodgiennes, une personne en civil, non identifiée mais qui est soupçonnée d’appartenir à la police secrète vietnamienne, aurait invité le religieux à le suivre. On resta ensuite longtemps sans nouvelles de lui. Il aura fallu attendre plus d’un an pour que l’hypothèse exprimée à l’époque s’avère fondée et que la thèse de l’enlèvement par la police vietnamienne soit indirectement confirmée par les pouvoirs publics de ce pays, eux-mêmes. En effet, au mois de juillet 2003, la famille du religieux au Vietnam reçut une convocation au procès de Pham Van Tuong, qui aurait dû avoir lieu le 1er août suivant. Par la suite, la date du procès fut reportée à une date ultérieure.

En fait le procès n’eut lieu que le 12 mars 2004 (7). Il n’a duré qu’une heure, de 8h 30 à 9h 30. Le Tribunal populaire de Hô Chi Minh-Ville infligea une peine de vingt mois de prison ferme à l’ancien religieux bouddhiste, pour avoir franchi la frontière en vue de s’opposer au pouvoir populaire. Les débats se sont déroulés à huis clos, sans avocat. La famille du prévenu n’avait été prévenue du procès que la veille de sa tenue.