Eglises d'Asie

A l’issue du premier tour de l’élection présidentielle, les deux candidats qui se présentaient sous la bannière de l’islam ont été largement battus

Publié le 18/03/2010




Le 14 juillet dernier, le dépouillement des bulletins de vote de la première élection présidentielle organisée au suffrage universel direct n’était pas achevé mais les résultats ne différaient pas sensiblement des premières estimations données peu après les opérations de vote, tenues le 5 juillet. Le ticket formé par Susilo Bambang Yudhoyono (“SBY”) et Jusuf Kalla était en tête avec 33,55 % des voix ; celui de la présidente sortante Megawati Sukarnoputri et de Hasyim Muzadi arrivait en seconde position avec 26,24 % des voix et celui de l’ex-général Wiranto et de Solahuddin Wahid se plaçait en troisième position avec 22,28 % des voix. Arrivés loin derrière, les candidats qui se présentaient le plus clairement sous la bannière de l’islam ont été largement battus : le ticket Amien Rais-Siswono Yudhohusodo a obtenu 15 % des suffrages et le ticket Hamzah Haz-Agum Gumelar à peine plus de 3 % des voix.

Selon les observateurs, la défaite de Hamzah Haz était prévisible. Elu à la vice-présidence du Parlement en juillet 2001 à l’issue de manouvres politiciennes, Hamzah Has est réputé proche des milieux musulmans fondamentalistes qui n’ont jamais véritablement percé sur la scène électorale. La relative déroute d’Amien Rais a, en revanche, constitué une surprise. Intellectuel musulman écouté, Amien Rais est le fondateur de la Muhammadiyah, la seconde plus importante organisation musulmane de masse du pays – après la puissante Nahdlatul Ulama. Avant le premier tour du 5 juillet, certains sondages le plaçaient en situation de ballottage favorable pour figurer au second tour. Avec moins de 15 % des voix, sa candidature n’a toutefois pas catalysé le vote des musulmans “modernistes”, distincts des musulmans “traditionnels”, pratiquant un islam teinté d’un fort syncrétisme empruntant au fond religieux préexistant à l’arrivée de l’islam dans l’archipel.

Pour Andrée Feillard, spécialiste de l’islam indonésien et chercheuse au CNRS, les résultats du premier tour “marquent un recul de l’islam politique et de ceux qui veulent instaurer la charia dans le pays” mais ne doivent pas cacher que la place de l’islam dans la vie de la nation reste un enjeu important du second tour. En l’absence de programmes politiques précisément définis, l’affrontement pour le second tour du 20 septembre prochain – probablement SBY face à Megawati – peut porter en partie sur la question religieuse, les deux candidats se livrant à une surenchère dans ce domaine. Lors de la campagne électorale, les parties en présence ont porté une grande attention à équilibrer la composante “nationaliste” et la composante “musulmane” de leur image. La présidente Megawati, dont le nationalisme est connu, a ainsi tenu pour la première fois à apparaître sur ses affiches électorales avec un voile, certes léger et ne couvrant ni son cou ni sa première frange de cheveux, mais un voile tout de même.

Par ailleurs, avec 34 % des voix, SBY a fait nettement moins bien que ce que les sondages lui prédisaient, tout comme la présidente sortante a fait nettement mieux que ce que ces mêmes sondages annonçaient. Dans ce contexte où l’écart entre les deux principaux candidats s’est resserré, les analystes politiques estiment que Megawati peut compter sur la machine politique que lui apporte son parti politique, le PDI-P, pour refaire le terrain perdu face au très populaire SBY. Ce dernier, a contrario, se trouve relativement affaibli par le fait que sa campagne n’est pas épaulé par un appareil partisan conséquent. Enfin, l’attitude des autres composantes de la scène politique, le Golkar entre autres, sera importante pour donner un avantage à l’un ou l’autre des candidats. Déjà, la Muhammadiyah a annoncé le 13 juillet qu’elle appelait ses membres à ne pas prendre part au vote le 20 septembre.