Eglises d'Asie

Les résultats d’une enquête menée par une équipe de sociologues polonais soulignent certaines transformations de la mentalité de la jeunesse de Hanoi

Publié le 18/03/2010




Le 8 juin 20904, une émission de la radio BBC en langue vietnamienne a fait état d’une très intéressante enquête réalisée au Vietnam par l’équipe de recherche du professeur Adam Jelonek, de l’Université de Varsovie, sur le thème : “Le système de valeurs des jeunes Vietnamiens Cette enquête particulière n’était, en fait, qu’une partie d’un programme plus vaste portant sur “L’Europe dans le regard de la jeunesse vietnamienne – les idées a priori ». Les enquêteurs étaient des étudiants polonais qui ont interrogé des étudiants vietnamiens en économie, sociologie, informatique, médecine, relations internationales et technologie, appartenant à plus de dix universités de la province de Hanoi et des provinces environnantes. Les questions ont été posées publiquement et, selon la BBC, aucune pression n’aurait été exercée sur les jeunes qui y répondaient. L’enquête fait apparaître deux caractéristiques saillantes de la nouvelle vision du monde du jeune vietnamien : un écart de plus en plus grand avec les valeurs classées comme traditionnelles, une conception de la politique apparemment différente de celle qui est pratiquée aujourd’hui.

Si l’on examine les opinions exprimées selon qu’elles soutiennent la nouveauté ou s’opposent à elle, on pourrait conclure que la jeunesse se divise en une moitié progressiste et une autre moitié conservatrice. Cependant en réalité, les résultats font apparaître que la majorité des jeunes ont une vision de l’homme et de la vie différente de leurs aînés et que les valeurs traditionnelles ont perdu beaucoup de leur attirance chez les jeunes. On apprend ainsi avec une grande surprise, que 98 % des jeunes interrogés déclarent que la mise en pratique des exigences religieuses est sans importance. Ils ne sont que 38 % à considérer comme une nécessité l’obéissance aux parents. Il faut rapprocher de ce chiffre les 46,5 % de jeunes estimant indispensable pour eux de manifester leur respect aux autorités civiles tandis 53,5 % n’éprouvent pour le pouvoir politique et civil aucun sentiment de ce genre.

La nouvelle génération se distingue encore par son attitude vis-à-vis des valeurs liées au libéralisme, attitude qu’il faut cependant nuancer. Si 65 % des jeunes interrogés se déclarent partisans de la liberté individuelle, ils ne sont plus que 46,3 % à répondre affirmativement lors qu’on leur demande s’ils sont ouverts aux idées nouvelles. Le pourcentage baisse encore lorsqu’il s’agit de sujets délicats comme la liberté d’expression. 71,8 % pensent que cette liberté importe peu… Une telle réponse peut donner à penser que la majorité qui affiche sa préférence pour la liberté individuelle exprime là son goût pour une vie plus facile, sans contraintes ni responsabilités astreignantes, interprétation confirmée par les 68 % de jeunes ayant répondu que l’esprit de responsabilité à l’égard des autres était sans signification pour eux, ou encore par les seulement 47 % d’entre eux qui se déclarent prêts à aider les autres.

La partie, peut-être, la plus nouvelle de ce portrait du jeune intellectuel de Hanoi est celle qui concerne ses idées politiques. Près de 94 % des étudiants rencontrés par les enquêteurs n’acceptent pas que les débats et les contradictions politiques soient réglés grâce à des rencontres et des arrangements privés. La grande majorité désire que les détenteurs de l’autorité agissent publiquement lorsqu’ils donnent des solutions. Cependant, cette ouverture démocratique a certaines limites puisque une majorité d’étudiants (52,3 %) ne souhaite pas que les débats et les discussions pour lesquels ils voudraient des solutions publiques soient étalés au grand jour sur des tribunes publiques. Il y a donc dans la conception politique exprimée par les jeunes une ouverture à la démocratie, accompagnée d’une timide mise en cause du mystère dont s’entoure l’Etat pour prendre les diverses décisions touchant la vie publique du pays.

Il est difficile de généraliser ces conclusions d’enquête recueillies à une époque en pleine évolution, dans la partie la plus évoluée de la jeunesse de la région de Hanoi et de ses environs. Cependant, on ne peut pas ne pas observer les progrès accomplis par l’esprit individualistes dans l’esprit des jeunes. La mise en cause de la mainmise de l’Etat sur les affaires de l’Etat, même si elle est, pour le moment timide et camouflée, est cependant sensible dans les résultats présentés. Ceux-ci, selon les indications de la BBC, devraient être recueillis par l’équipe de Varsovie dans un ouvrage où ils seraient comparés aux réponses faites à des questions semblables par la jeunesse polonaise.