Eglises d'Asie

Kerala : l’attirance exercée par les nouvelles sectes met en danger la cohésion et l’unité des Eglises traditionnelles

Publié le 18/03/2010




Au Kerala, un éditorial du périodique local de langue anglaise, Satya deepam (‘Petite lampe’), publié au mois d’août dernier, évoque l’inquiétude éprouvée par les Eglises traditionnelles implantées dans cet Etat du sud de l’Inde face au “braconnage spirituel” effectué par des sectes “néo-chrétiennes” dans les rangs de leurs fidèles. Ces sectes, met en garde la revue, sont en train de procéder à une “protestantisation” de l’Eglise. Leurs prédicateurs, très nombreux, se parent de noms bibliques, se comportent en “superstars” et cherchent à attirer vers eux aussi bien les catholiques que les protestants ou encore les orthodoxes. Les doctrines répandues par les prédicateurs néo-chrétiens sèment la confusion dans l’esprit des chrétiens, en particulier par leur littéralisme scripturaire qui ressemble à un culte idolâtre des termes de l’écriture et risque de conduire à un dangereux fondamentalisme, en paralysant la raison des fidèles et en leur faisant oublier tout esprit critique.

Il y a déjà plusieurs années que, dans diverses lettres pastorales, la plus haute personnalité de l’Eglise syro-malabar, le cardinal Varkey Vithayathil, met en garde ses fidèles contre le danger des sectes. Selon un de ses collaborateurs, le P. Antony Kollannur, les sectes exploitent les problèmes auxquels font face les familles. Elles promettent à celles-ci de les aider puis les persuadent d’adhérer à leurs associations. Selon le prêtre, les sectes recrutent surtout dans les familles des classes moyennes ou supérieures. Aussi bien, pour réduire l’influence des sectes, l’Eglise syro-malabar met en ouvre une campagne visant à remédier à cette faiblesse des familles et au manque d’unité dont souffre l’Eglise. Des activités prenant pour base l’unité familiale ont été mises en place dans la plupart des paroisses. Celles-ci ont été divisées en diverses unités familiales qui se réunissent chaque semaine pour des assemblées de prières. Par ailleurs, l’assemblée triennale de l’Eglise qui aura lieu en novembre prochain choisira les problèmes posés aux chrétiens par la famille moderne comme thème de ses débats. On y montrera comment les troubles subis par les familles poussent celles-ci à rejoindre les nouvelles sectes.

Du côté de l’Eglise syro-malankara, la stratégie mise en place contre les sectes est sensiblement différente. Elle s’appuie surtout sur un renforcement de la catéchèse. “Nous avons décidé de nous montrer plus strict avec le catéchisme, a fait remarquer le P. Johnson Cherivukalayil, directeur de la section d’enseignement catéchétique de l’Eglise. Nous insistons pour que tous les enfants de chaque famille participent à la séance de catéchisme dominicale.”

Les témoignages recueillis chez les nouveaux adhérents des sectes néo-chrétiennes suggèrent qu’ils ont été entraînés hors des Eglises traditionnelles pour un certain nombre de raisons qu’ils énoncent eux-mêmes. Babu lukose, âgé de 47 ans, ancien membre de l’Eglise (protestante) de l’Inde du Sud, qui vient de rejoindre l’Eglise évangélique du Christ de Kottayam, reproche aux Eglises traditionnelles de ne pas donner à leurs fidèles le goût de la recherche spirituelle pour une vie de foi. Il déclare avoir effectué une “nouvelle naissance” à l’intérieur de la communauté de foi de quarante membres qu’il a rejointe et qui a donné un sens à sa vie. Le groupe se réunit tous les jours dans une maison pour lire la Bible et prier. Régulièrement, ils vont propager leur doctrine auprès de leurs amis, de leurs parents, de leurs voisins, et même des gens appartenant à d’autres religions. Comme beaucoup d’autres sectes, les membres de ce groupe rejettent les rites, la hiérarchie et toute médiation entre eux et Dieu. Ils considèrent Jésus comme leur ami, leur guide et leur seul Sauveur. Ils vénèrent la résurrection du Christ et non pas sa crucifixion.

Un ancien fidèle de l’Eglise syro-malabar, Thaliath Abraham, qui a adhéré à l’Eglise de la foi de la ville, explique que “pour nous, c’est Jésus qui est la réalité vivante et non pas le Vatican ou l’Eglise”. Il a été dégoûté de son ancienne Eglise à cause de ses pratiques rituelles mécaniques dépourvues de spiritualité. Il a trouvé dans son nouveau groupe, explique-t-il, une prière véritablement vivante à laquelle il peut participer intimement.