Eglises d'Asie – Vietnam
Le cardinal-archevêque de Hô Chi Minh-Ville révèle certains détails de sa nomination au cardinalat et définit l’engagement de l’Eglise dans la société vietnamienne
Publié le 18/03/2010
On sait qu’après l’annonce de la nomination de Mgr Mân au cardinalat le 28 septembre 2003, il avait fallu attendre quelques jours pour que le gouvernement s’en fasse l’écho et même s’en réjouisse officiellement (1). Le cardinal souligne aujourd’hui que c’est lui qui a fait les premiers pas pour rencontrer les hauts fonctionnaires gouvernementaux, le 1er octobre dernier, trois jours après la nomination, pour savoir ce qui se passait. Il leur a dit qu’il n’en savait pas plus que les autres sur cette nomination, insistant sur le fait que le cardinalat était une dignité et non pas une responsabilité et n’occasionnerait pour lui aucune transformation notable de son style de vie sinon le port d’une soutane pourpre. Il a ajouté qu’il devait accepter ce titre. Il fut alors invité à écrire au Premier ministre pour que celui-ci le reconnaisse comme cardinal. Au lendemain de son retour à Hô Chi Minh-Ville, le cardinal rencontrait les autorités municipales qui le félicitèrent de son titre et l’interrogèrent au sujet de son transfert à Hanoi. C’est alors que le cardinal a compris que, dans la pensée du gouvernement, devenir cardinal signifiait être déplacé à Hanoi.
Après avoir affirmé que sa nomination au cardinalat n’avait rien changé à sa façon de parler de la vérité et de la justice, le cardinal s’est ensuite exprimé au sujet de l’ordonnance récemment promulguée concernant la croyance et la religion (2). Comme il l’avait déjà dit précédemment, il a affirmé que la nouvelle loi perpétue le système “de demande et d’octroi” qui caractérise les rapports de l’Etat et de la société civile en général. C’est un type de système qui transforme le droit à la liberté en autorisation de liberté. Mgr Mân a précisé : “Nous avons la liberté ici, mais elle est objet d’autorisation, de limite et de contrôle.” Malgré ces objections de principe, le cardinal pense qu’on peut découvrir une certaine volonté d’ouverture dans la nouvelle loi.
En fin d’entretien, le cardinal a énuméré les défis auxquels il devait faire face. La première tâche que l’Eglise devrait mener à bien, selon le cardinal, c’est la transformation des esprits au sein de la population. L’éducation est donc au centre de ses soucis. Vu l’impossibilité pour l’Eglise hiérarchique de construire des hôpitaux ou des écoles, des hommes d’affaires chrétiens ont été sollicités pour essayer de mener à bien ce type d’ouvres dans l’esprit de l’Eglise, à savoir montrer au peuple vietnamien qu’il est aimé de Dieu.
Le cardinal s’est particulièrement étendu sur les dangers qui menacent la famille vietnamienne depuis l’ouverture économique du pays. L’unité familiale est particulièrement affectée par divers fléaux sociaux dont certains ne cessent de progresser comme, par exemple, la drogue. Il y a trois ans on recensait 17 000 jeunes drogués placés dans divers centres sociaux. Ce chiffre s’élève aujourd’hui à 32 000. Ils sont rééduqués dans quinze centres qui, selon le cardinal, sont gérés un peu comme des prisons. A ce propos, le cardinal signale la collaboration de religieuses, collaboration demandée par l’Etat dans certains camps réservés aux drogués et aux victimes du sida.
Au cours de l’entretien, ont été aussi cités d’autres fléaux sociaux, comme la fraude qui sévit aussi ben dans les écoles que dans l’administration et le commerce. Sans trop insister, Mgr Mân a aussi souligné la naissance d’un certain nombre de groupes de laïcs chrétiens issus de divers groupes sociaux, comme les milieux du personnel de la santé, des artistes, ou encore des fonctionnaires d’Etat, qui se donnent pour objectifs des tâches pour lesquelles l’Eglise ne peut s’engager directement.