Eglises d'Asie

Moluques : conséquence de plusieurs années de troubles et de marasme économique, la prostitution gagne du terrain

Publié le 18/03/2010




Aux Moluques, du fait d’une situation économique catastrophique, des femmes originaires d’Amboine se sont vues réduites à la prostitution. Les gens s’en inquiètent parce, jusqu’à maintenant, pour eux, les prostituées ne pouvaient venir que d’ailleurs. L’une d’entre elles, originaire d’Amboine, capitale de la province des Moluques, s’en est expliquée : “J’ai commencé à me prostituer après avoir désespérément cherché du travail.” Melani, comme l’appelle une de ses amies, a raconté comment, à la fin du conflit, en 2002, elle et beaucoup d’autres femmes d’Amboine s’étaient prostituées, réduites à arpenter les rues à la recherche d’un client.

Amboine, comme une grande partie des Moluques, a été ravagée par trois ans de combats entre chrétiens et musulmans, faisant 6 000 morts et chassant des centaines de milliers de personnes hors de chez elles. Un accord de paix a été signé en février 2002 mais des escarmouches sporadiques ont lieu depuis le mois d’avril dernier, provoquant à nouveau un afflux de réfugiés (1).

Melani raconte comment une de ses amies réfugiées, une femme mariée, a été elle aussi poussée à la prostitution : “Son mari, lui-même sans travail, n’a pu l’en empêcher. Il a dû accepter puisqu’elle seule était capable de nourrir la famille.” Elle explique comment, la sécurité revenue à Amboine, “les night-clubs et les maisons closes ont proliféré dans la ville et, la concurrence aidant, les entraîneuses et les prostituées sont arrivées de Célèbes et de Java. C’est à cause d’elles que je ne peux travailler que dans la rue. Que faire d’autre pour survivre ?” D’autres prostituées interviewées raconte leur histoire où se discernent les mêmes détresses : la volonté d’échapper à la misère des camps de réfugiés, le manque de travail, l’extrême pauvreté des familles, l’absence d’éducation et les violences faites aux femmes.

Selon Sour Brigitta Renyaan, qui coordonne l’action des femmes catholiques au sein de deux groupements, le Mouvement social féminin et l’Association contre les violences faites aux femmes et aux enfants, “il est certain que la prostitution n’appartient pas à la culture des gens des Moluques qui ont beaucoup de considération pour les femmes. Avant le conflit, les femmes d’Amboine ne se prostituaient pas. La détérioration morale vient, j’en suis certaine, des combats et des difficultés économiques qui ont suivi”. Pour la religieuse, le problème de la prostitution n’est pas simple. “Les problèmes sociaux ne s’abordent pas facilement explique-t-elle. Compréhension, recherche des causes profondes, continuité et bienveillance sont essentielles. Ceux qui veulent aborder le problème de la prostitution doivent avant tout bien connaître ce qu’est la vie de ces femmes. “Les assistantes sociales doivent les accompagner et les conseiller avec patience et continuité dit-elle.

Les responsables d’une ouvre caritative, Suara Hati (‘Conscience’), rapportent que leur organisation a dénombré 94 prostituées originaires d’Amboine ou des Moluques. Mais un journaliste catholique, Eli Otmudi, estime qu’elles sont beaucoup plus nombreuses “parce que les femmes d’Amboine se cachent”. Travaillant également pour une ONG au service des sidéens, ce journaliste affirme que ces femmes opèrent par téléphone ou par relations. Il dit également que, “si parmi les prostituées la présence de femmes originaires d’Amboine choque tellement la population, c’est que les gens sont persuadés que la prostitution ne peut venir que de Célèbes ou de Java”.

Le pasteur I.W.J. Hendrik, de l’Eglise protestante des Moluques, fait la même analyse sur l’origine de la prostitution. Il pense que le problème ne peut qu’empirer parce que, dit-il, ces femmes font partie du réseau socio-économique que forment les commerçants, les enfants des rues, les petits vendeurs et les gens du coin qui entretiennent et bénéficient de la prostitution. “Dans ce réseau, tous se protègent et se renforcent mutuellement et tout ce qui aide les prostituées les sécurise explique-t-il. Les pouvoirs publics, quant à eux, se disent impuissants à traiter ce problème. Luis Kailola, directeur du Bureau de la main d’ouvre et du Service de la migration, dit ainsi qu’avant que le conflit n’éclate en 1999, son bureau animait des programmes de formation pour les femmes, en association avec des organisations féminines laïques ou religieuses, celles des Eglises ou des mosquées. “Ces programmes réussissaient à améliorer la qualité des ressources humaines mais, faute d’argent, nous n’avons pu continuer.”