Eglises d'Asie

Un cas de conscience divise la société sud-coréenne : faut-il exécuter un tueur en série ou abolir la peine capitale ?

Publié le 18/03/2010




La société sud-coréenne est agitée depuis plusieurs semaines par un vif débat concernant la peine de mort. L’opinion publique, interrogée dans les sondages, souhaite que la peine de mort soit prononcée contre un tueur en série, accusé du meurtre de vingt-et-une personnes, et les responsables religieux appellent les croyants à refuser l’application du châtiment suprême. Le 5 août dernier, les principaux responsables des religions catholique, protestante, bouddhiste et bouddhiste Won se sont retrouvés à Myongdong, cathédrale de l’archidiocèse catholique de Séoul, pour prier pour tous les meurtriers, pour leurs victimes et pour leurs familles. Le thème de la soirée était : « Face à la haine et la vengeance, privilégions une culture de compassion et d’amour ». Par ailleurs, le Comité diocésain pour la réinsertion sociale de l’archidiocèse de Séoul a demandé à un avocat catholique d’assister l’homme accusé d’être un tueur en série.

Maître Stephen Cha Hyung-geun s’est porté volontaire le 27 juillet après avoir rencontré l’accusé dans le bureau du procureur de Séoul. La police avait présenté Yoo Young-chul au ministère public le jour précédent après dix jours d’une première enquête. Selon les médias, Yoo Young-chul, âgé de 33 ans, est accusé des meurtres de 21 personnes, commis entre septembre 2003 et juillet 2004, date de son arrestation. D’après les enquêteurs, Yoo Young-chul, après son divorce en 2002 et une incarcération pour vol, nourrissait une haine obsessionnelle contre les femmes et les gens riches. Ses victimes furent principalement des prostituées et plusieurs riches personnes âgées.

Le P. Thomas Lee Young-woo, président du Comité diocésain pour la réinsertion sociale, a expliqué que la volonté de faire assister le présumé meurtrier par un avocat catholique avait pour but de montrer aux gens que c’était l’ensemble de la société qui était responsable de lui et que cela pourrait l’aider à se repentir s’il était reconnu coupable. L’homme n’a pas encore dit vouloir accepter l’offre de Me Cha. L’avocat, âgé de 45 ans, fait partie du conseil d’administration du comité diocésain. Il est aussi secrétaire général d’une autre association, le Comité pour l’abolition de la peine de mort (KDPAC), un groupe interreligieux où se retrouvent bouddhistes, catholiques et protestants, pasteurs ou juristes (1).

Me Cha a confié à des journalistes que, du fait d’une opinion publique déchaînée contre le présumé tueur, il sera difficile pour lui de l’assister dans son procès. Il reçoit sans cesse des menaces de mort et est accusé de vouloir se faire de la publicité gratuite. « J’en ai l’habitude dit-il, en rappelant qu’il a déjà défendu – gratuitement – une dizaine de suspects accusés de meurtre. « Ce serait lâche de ma part de refuser ce cas, moi qui lutte contre la peine de mort depuis quinze ans a-t-il déclaré, ajoutant que la lutte pour l’abolition de la peine capitale sera facilitée par le fait que les condamnations à mort se feront de plus en plus rares.

Le quotidien Chosun Ilbo, dans son édition du 1er août, rapporte qu’une enquête datée du 27 juillet montre que 66,3 % des Sud-Coréens sont favorables à la peine de mort. Un pourcentage en hausse par rapport à de précédentes enquêtes, une hausse sans doute due à l’affaire du tueur en série Yoo, indique le journal (2).

En 1995, le KDPAC avait saisi la Cour constitutionnelle d’un recours contre la peine de mort. Dans sa réponse, la Cour avait stipulé que la peine capitale n’était pas inconstitutionnelle et que la société sud-coréenne ne semblait pas encore prête à accepter son abolition. Quoiqu’en dix ans les mentalités aient favorablement évolué, Me Cha reconnaît que le cas de ce Yoo va ralentir la marche en avant du mouvement pour l’abolition qui, pensait-il, aurait pu être acquise en 2004 puisque les dernières exécutions capitales remontent au 23 décembre 1997. D’après le ministère de la justice, 58 condamnés à mort attendent leur exécution dans les prisons sud-coréennes.

Les évêques catholiques sud-coréens s’opposent non seulement à la peine capitale mais à tout ce qui peut porter atteinte ou mettre en danger la vie humaine. En février 2003, ils ont lancé le mouvement « Vie 31 » visant à combattre non seulement la peine de mort mais aussi les recherches sur le clonage humain et l’avortement autorisé par une loi censée favoriser de la santé de la mère et de l’enfant (3). Selon le pasteur Mun Jang-sik, très engagé dans l’apostolat auprès des prisonniers et qui a assisté à 70 exécutions capitales depuis 1983, il affirme : « Un certain nombre d’entre eux ont été exécutés suite à de faux témoignages. »