Eglises d'Asie

Après la promulgation de l’Ordonnance sur la religion et la croyance, les Eglises chrétiennes domestiques lancent un cri d’alarme

Publié le 18/03/2010




L’Ordonnance sur la religion et la croyance promulguée par le Bureau permanent de l’Assemblée nationale le 18 juin dernier a suscité de nombreuses réactions dans les diverses communautés religieuses vietnamiennes, aussi bien dans le pays (1) que dans la diaspora (2). L’une d’entre elles émane de l’Alliance évangélique du Vietnam, une organisation qui, selon France-Presse (3), regroupe quelque trente Eglises domestiques du Vietnam, Eglises non reconnues et quasi clandestines qui devraient souffrir davantage des dispositions de la nouvelle ordonnance lors de son entrée en vigueur le 15 novembre prochain. Dans une lettre diffusée dans le monde entier (4), l’Alliance exprime ses réticences et conseille une ligne de conduite aux pasteurs, missionnaires et fidèles au Vietnam. Elle affirme en particulier : “La nouvelle ordonnance créera davantage de problèmes et inconvénients pour l’Eglise, en particulier pour les rassemblements du culte…”

La lettre commence par rappeler l’origine de ce qu’on appelle les “Eglises domestiques”. Après le 30 avril 1975, date du changement de régime au Sud-Vietnam, les églises ont été fermées, les écoles bibliques et divers autres établissements ont été confisqués. Pour satisfaire aux besoins spirituels des communautés ainsi dépouillées, les diverses activités religieuses se sont repliées dans les maisons privées. Ce nouveau type de culte a pu être maintenu jusqu’à aujourd’hui malgré les interdictions, les arrestations et les formes variées de discrimination subies par les Eglises de la part des autorités.

Cependant, l’application de la nouvelle ordonnance risque de rendre l’existence des Eglises domestiques encore plus difficile. Celles-ci qui, au cours des trente ans écoulés, n’ont jamais obtenu une reconnaissance du gouvernement se retrouveront en pleine illégalité après la mise en vigueur de l’ordonnance (5). En effet, les nouvelles dispositions instaurées par l’ordonnance vont donner aux autorités locales les fondements légaux leur permettant de s’opposer aux Eglises domestiques et de les persécuter.

Confrontée à une telle situation, l’Alliance évangélique recommande à tous les fidèles de supplier le Seigneur pour qu’il protège son Eglise et lui accorde la liberté de culte. Par ailleurs, les responsables de l’Alliance recommandent aux diverses communautés de consacrer trois jours par mois au jeûne et à la prière à des intentions qu’ils précisent ainsi :

“- Pour que le Seigneur accorde soutien et protection à son Eglise.

– Pour que les chrétiens restent fidèles à se rassembler pour le culte du Seigneur et qu’ils gardent leur foi en toutes circonstances.

– Pour que les dirigeants de l’Eglise, les chefs de groupe, les chefs de famille aient la sagesse et le courage de conduire leur troupeau.

– Pour qu’à tous les échelons du pouvoir, du pouvoir central aux autorités locales sur tout le territoire du Vietnam, les responsables reconnaissent la maîtrise absolue de Dieu, qu’ils retirent l’ordonnance sur la religion promulguée le 18 juin dernier, qu’ils abandonnent leurs préjugés et leurs méprises à l’égard de l’Eglise, qu’ils mettent un terme à leurs arrestations et qu’ils cessent d’entraver l’exercice des activités religieuses.”

L’Eglise évangélique au Sud-Vietnam, après être restée pendant plus de vingt-cinq ans sans aucun statut officiel, avait obtenu la reconnaissance des autorités gouvernementales, le 3 avril 2001 (6). Le directeur du Bureau des Affaires religieuses du gouvernement, Lê Quang Vinh, avait également, ce jour-là, annoncé l’approbation accordée par le gouvernement à la charte (constitution) de l’Eglise évangélique, adoptée lors d’une assemblée générale qui s’était tenue du 2 au 7 février 2001 à Hô Chi Minh-Ville. Avait également été reconnu le Comité exécutif de 23 membres élus à cette même occasion, dont la présidence avait été confiée au pasteur Pham Xuân Thiêu, décédé depuis lors.

Cependant, cette approbation officielle ne concernait que 300 communautés ecclésiales (congrégations) qui ne constituent qu’une fraction de l’ensemble des fidèles protestants du Sud-Vietnam dont le nombre est estimé entre 800 000 et un million de personnes. Ces communautés reconnues, qui, chacune, affichent un nombre de chrétiens pouvant aller de cent à quelques milliers, sont principalement implantées à Hô Chi Minh-Ville, dans la province méridionale de Ca Mau et dans les provinces de Quang Tri et de Quang Ngai, au Centre-Vietnam. Le chiffre réel de fidèles désormais regroupés à l’intérieur de l’Eglise évangélique reconnue est encore difficile à préciser. Selon les calculs et estimations du gouvernement, ce chiffre avoisinerait les 200 000. D’autres estimations proposées par des membres des Eglises protestantes sont beaucoup moins élevées.

Il reste une majorité de fidèles protestants du Vietnam n’appartenant pas à l’Eglise officiellement reconnue. Ils forment les très nombreuses communautés chrétiennes implantées chez les ethnies minoritaires des Hauts Plateaux du Centre, qui pratiquent un culte souvent clandestin au sein d’Eglises domestiques et sont en butte aux persécutions des autorités locales. Beaucoup craignent aujourd’hui que la nouvelle ordonnance en matière religieuse n’aggrave encore la situation des diverses Eglises domestiques, dont l’illégalité sera, peut-on dire, encore plus tranchée qu’autrefois, comme le remarque l’appel de l’Alliance évangélique.