Eglises d'Asie

Après les émeutes anti-musulmanes qui ont agité Katmandou, les appels au calme et à l’harmonie interreligieuse se sont multipliés

Publié le 18/03/2010




Les responsables politiques et religieux du Népal ont multiplié les appels au calme et au retour à l’harmonie interreligieuse après l’éruption de violences anti-musulmanes qui a suivi l’annonce de l’exécution en Irak de douze travailleurs népalais. Le 31 août dernier, une vidéo diffusée sur différentes chaînes de télévision montrait la décapitation d’un des otages et les corps des onze autres, tués d’une balle dans la tête ou le dos. Enlevés le 20 août par un groupe islamiste irakien, les douze travailleurs étaient partis en Irak où ils étaient employés par une société jordanienne. Dans les heures qui ont suivi la diffusion de la vidéo, une foule en colère a pris d’assaut la mosquée Jama Masjid, principale mosquée de Katmandou, ainsi que les locaux de compagnies aériennes moyen-orientales et les bureaux d’agence de placement pour candidats à l’expatriation. La police a fait largement usage de gaz lacrymogène pour disperser la foule et un couvre-feu de cinq jours a été mis en place à Katmandou et à Lalitpur. Les heurts ont fait deux morts et une cinquantaine de blessés.

Dès le 1er septembre, les responsables politiques, le roi et le Premier ministre, ont appelé au calme. Le Premier ministre Sher Bahadur Deuba s’est adressé à la nation en direct à la télévision, déclarant que “les terroristes n’avaient pas de religion” et que les Népalais ne devaient pas se laisser aller à stigmatiser ou attaquer une communauté particulière. Le roi a décrété le 2 septembre journée de deuil national en mémoire des douze victimes du terrorisme et le gouvernement a promis de débloquer un million de roupies (12 000 euros) pour chacune des familles des victimes, une forte somme dans ce pays très pauvre. Le 2 septembre, à la télévision nationale, les responsables hindous et bouddhistes du pays ont appelé au respect de l’harmonie interreligieuse dans le royaume. Très majoritairement hindou, le Népal compte une minorité bouddhiste (6 % de la population) et 4 à 5 % de musulmans.

Pour la communauté musulmane, les attaques dirigées contre elles, si elles n’ont pas fait de victimes, ont constitué une première, l’histoire de ces dernières décennies ne comportant pas d’épisodes où les musulmans aient été pris à partie. Mohammad Asraf, un des responsables de la communauté musulmane de Katmandou, s’est dit attristé de ces actions. “Le caractère tolérant du peuple népalais est remis en question a-t-il déclaré.

Le 5 septembre, une manifestation a rassemblé 3 000 personnes dans les rues de la capitale sur le thème de la paix et de l’harmonie interreligieuse. Des hindous, des bouddhistes, des musulmans et des chrétiens y ont pris part, à l’appel de différents secteurs de la société civile. Des banderoles telles que “La tolérance religieuse et l’unité nationale sont ce dont le Népal a besoin aujourd’hui” étaient visibles.

Une fois le calme revenu, ces incidents ont mis en lumière l’importance de l’expatriation des Népalais, à la recherche d’un emploi rémunérateur hors des frontières nationales. Selon certains médias, les douze victimes travaillaient comme cuisiniers et à des taches ménagères. En dépit de la guerre en Irak, des milliers de Népalais cherchent à s’employer dans la région, fuyant la pauvreté de leur pays et les affrontements entre la guérilla maoïste et les forces armées gouvernementales. Les douze victimes seraient originaires de districts particulièrement affectés par ces troubles, leurs familles s’étant endettées pour payer les agences de recrutement qui ouvrent sur le marché du placement des candidats à l’expatriation. Selon Josh Niraula, président du Mouvement des travailleurs chrétiens, plus d’un million de Népalais, sur une population totale de 27 millions de personnes, travaillent à l’étranger, dont la moitié au Moyen-Orient. Il est estimé que 12 % de la richesse nationale provient des mandats envoyés au pays par les émigrés.