Eglises d'Asie

En matière liturgique, l’Eglise catholique cherche à accommoder au mieux les instructions venues de Rome et les innovations prises par elle au nom de l’acculturation

Publié le 18/03/2010




Dans l’église de l’Assomption à Katmandou, au cours de la messe dominicale célébrée en népali tous les samedis (1), les jeunes enfants qui n’ont pas encore fait leur première communion et les visiteurs non catholiques avaient jusqu’à récemment l’habitude, après la communion des fidèles, de venir à l’autel recevoir des pétales de fleurs. Cette pratique avait été mise en place dès l’inauguration de l’église, dont la construction avait été permise lorsqu’en 1990, la Constitution du pays avait reconnu la liberté religieuse. Ce rite s’inspirait de ce qui se faisait dans les temples hindous et bouddhistes du Népal où les croyants reçoivent des pétales de fleurs à l’occasion d’une prière ou d’une offrande (2). Le 7 août dernier, une annonce officielle a été faite, informant les catholiques et les non-catholiques que les pétales de fleurs ne seraient désormais plus distribuées au cours de la messe mais seulement à la sortie de la messe. Ce changement n’est pas passé inaperçu au sein de la petite communauté catholique de Katmandou.

Les prêtres ont expliqué que cette annonce faisait suite à l’instruction Redemptionis Sacramentum de la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements, publiée au Vatican le 23 avril dernier. Elle est intitulée : « A propos de l’Eucharistie, certaines questions à observer ou à conseiller ». Le P. Justin Lepcha, prêtre népalais de 33 ans, responsable de la paroisse de l’Assomption, explique : « Après une rencontre de pastorale, le 3 août, qui a réuni tous les prêtres du Népal, nous avons décidé officiellement que ces fleurs ne seraient plus distribuées qu’après la messe. »

Pour un certain nombre de catholiques, l’annonce a été mal perçue. « Beaucoup d’hindous et de bouddhistes qui viennent à la messe en curieux ou pour prier vont s’imaginer qu’ils n’ont plus rien à recevoir de la messe a fait l’un d’eux. Des mères de familles se sont s’inquiétées en s’imaginant la difficulté qu’il y aurait à distribuer dans le calme les pétales de fleurs à la fin de la messe, devant des églises où s’agglutinent souvent des dizaines de curieux. Josh Niraula, un des responsables de la communauté catholique de Katmandou et président du Mouvement des travailleurs chrétiens, regrette, quant à lui, le changement, surtout en pensant aux couples de religion différente : « Il ne faut pas oublier que 75 % des mariages célébrés dans notre église sont des mariages mixtes. D’ailleurs, certains sondages nous disent que notre Eglise catholique est perçue comme bien moins accueillante aux nouveaux venus que beaucoup de nouvelles Eglises ou communautés protestantes. La distribution des fleurs à la communion était quand même une bonne tradition. »

Pour rassurer les paroissiens, le P. Silas Bogati a fait l’annonce suivante lors de la messe du 21 août : « La communion est réservée aux baptisés. Ceux qui ne sont pas baptisés et ceux de nos amis qui ne partagent pas notre foi recevront des fleurs après la communion ajoutant : « Nous pensons que les fleurs ne sont pas une alternative à la communion mais nous les leurs offrons en signe de bienvenue. » Le P. Bogati s’est expliqué ensuite devant les journalistes de la presse catholique : « Nous avions cru pouvoir tenter cette distribution traditionnelle à la sortie de la messe, aux portes de l’église, mais, après réflexion, nous avons pensé que ce serait une telle bousculade que nous avons décidé de la faire avant la fin de la messe ». A Dharan, dans l’est du pays, chez le P. Augusty Pulickal, c’est à la fin du chant de communion que la distribution de fleurs se fait dorénavant.

Suite à la directive vaticane, un autre nouveau changement est survenu dans la plupart des paroisses mais sans provoquer autant de réaction. Désormais, pour éviter les éclaboussures inévitables, les paroissiens reçoivent la seule hostie consacrée, sans la tremper dans le calice comme auparavant. Dans une même ligne de réajustement, le P. Paul Kizhakekala, qui a introduit le mouvement charismatique dans l’Eglise catholique du Népal, a, de son côté, annoncé que les applaudissements durant la messe étaient à prohiber, précisant : « Nous devons nous assurer qu’aucun élément hétérogène ne vienne affecter le caractère spécifique de la célébration eucharistique. »