Eglises d'Asie

Kerala : la police arrête l’assassin d’un prêtre catholique mais lui attribue des motifs différents à deux jours d’intervalle

Publié le 18/03/2010




La police a annoncé, le 7 septembre, l’arrestation de l’assassin du P. Job Chittilapilly, prêtre catholique desservant l’église Varaprasada Matha (‘Mère de la grâce’), dans le diocèse d’Irinjalakuda, au Kerala. Mais la plus grande confusion règne sur les motifs du crime, la police ayant changé de version des faits en l’espace de deux jours.

Lors de la première conférence de presse, on apprenait que le meurtrier qui se nomme Panthalmkoottam Raghukumur avait avoué qu’il avait agi pour protester contre les activités anti-hindoues du prêtre. Celui-ci aurait mené des activités caritatives auprès des familles hindoues pour les inciter à rejoindre la religion chrétienne. Raghukumar, âgé de 25 ans, serait membre du parti nationaliste hindou, aujourd’hui dans l’opposition, le Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP). Les dirigeants locaux s’étaient hâtés de démentir son appartenance à ce parti et avaient affirmé qu’il n’a jamais milité dans ses rangs. La police avait également fait remarquer que de nombreuses questions restaient encore sans réponse au sujet du meurtre. On se demandait en particulier, si le meurtrier présumé avait agi seul ou s’il avait des complices. L’adjoint au super-intendant de police du lieu déclarait que si l’assassin avait confessé son crime, les commanditaires de cet acte restaient encore à identifier.

La version policière des faits devait changer du tout au tout dès le lendemain. La police expliquait alors que le meurtrier était un drogué et qu’il avait commis son crime dans un état d’exaltation dû à l’absorption d’un stupéfiant. Cependant, rien dans les récits de divers proches témoins des faits ne venait corroborer une telle version des faits.

Le P. Chittilapilly, âgé de 71 ans, avait été trouvé mort le 28 août dernier sous un porche adjacent à son église située à environ 40 km de Kochi, capitale commerciale de l’Etat. Son corps portait la trace de quatre coups de poignards et une autopsie pratiquée quelque temps plus tard avait confirmé que ceux-ci étaient bien la cause de sa mort. Selon les déclarations de la police du 7 septembre, son meurtrier serait entré dans le complexe de l’église à 5 h 30 du matin alors que les hauts parleurs placés sur l’église laissaient entendre des chants religieux précédant la messe. Il s’était ensuite élancé vers le prêtre qui se promenait sous le porche en récitant son rosaire et l’aurait alors poignardé. Il s’était échappé sans que personne ne le remarque. La messe commençant à 6 h 30, l’ensemble des fidèles n’était pas encore présent. Seuls le sacristain et quelques personnes se trouvaient à l’intérieur de l’Eglise, occupés à préparer la célébration de la messe. La police aurait seulement récupéré l’arme du crime. Après l’assassinat du prêtre, le présumé coupable se serait réfugié dans une ville proche auprès de sa sour, lieu où la police est venue procéder à son arrestation. On rapporte que dans le passé, il aurait participé à la restauration d’un temple hindou proche de l’église. Il aurait confié à ses amis qu’il n’aimait pas l’église desservie par le P. Chittilapy car, par sa proximité, elle empêchait le temple d’acquérir la renommée qu’il méritait.

La seconde version des faits présentée par la police a profondément choqué les chrétiens familiers du prêtre assassiné qui sont persuadés de l’authenticité de la première version.

L’ordinaire du lieu, Mgr James Pazhayattil, évêque d’Irinjalakuda, a la ferme conviction que les motifs avancés le premier jour sont les vrais et, dès le 9 septembre, il a conduit une marche de protestation de prêtres, religieuses et laïcs, qui a accusé la police de vouloir protéger les principaux responsables. Selon lui, même influencé par la drogue, le meurtrier ne peut avoir agi de sa propre initiative. L’évêque s’apprête à demander au Bureau central d’enquêtes du gouvernement fédéral de vérifier les faits. Par ailleurs, des bruits circulant dans la région évoquent un meurtre rituel commis pour apaiser la divinité à laquelle est consacré le temple rénové situé près de l’église.

Après la mort du prêtre, beaucoup ont rappelé l’action caritative menée par lui auprès des pauvres, sans distinction de religion, soit pour en faire l’éloge soit pour le critiquer. Il était en effet connu pour les visites qu’il rendait aux familles de la région les plus dépourvues, quelle que soit leur confession. La plupart d’entre elles adhéraient à l’hindouisme. Souvent il les aidait financièrement à acquitter des frais d’hospitalisation ou de scolarisation. Même si certains militants hindouistes l’avaient mis en garde contre cette activité, d’autres éprouvaient une certaine sympathie pour lui. Un dirigeant du BJP local du BJP, Ravilkumar Uppath, a, par exemple, déclaré : “Le meurtre de ce noble prêtre catholique est un acte honteux que nous condamnons !” Il a ensuite conseillé à la population de ne pas exploiter politiquement cet assassinat de prêtre.

Dans les jours qui ont suivi le meurtre du prêtre, le premier assassinat d’un membre du clergé catholique survenu dans l’Etat du Kerala, des protestations s’étaient élevées à tous les niveaux de l’Eglise de l’Inde. La Conférence épiscopale, dans un communiqué publié le 29 août, s’était déclarée choquée et avait demandé aux autorités de poursuivre activement le ou les responsables du meurtre. L’archevêque de Trichur, Mgr Jacob Thoomkuzhy, et le cardinal Varkey Vithayathil, d’Ernakulam-Angamaly, avaient présidé les funérailles du prêtre assassiné, célébrée au lendemain du crime.