Eglises d'Asie

Une présentation fallacieuse des données démographiques liées aux grandes religions de l’Inde donne lieu à des conclusions contestables

Publié le 18/03/2010




Une étude s’appuyant sur la comparaison des données religieuses recueillies lors des deux derniers recensements, celui de 1991 et celui de 2001, a souligné un certain nombre de traits de la croissance démographique des grandes communautés religieuses de l’Inde qui ont immédiatement nourri des spéculations d’ordre politique et alimenté dans la presse une vigoureuse polémique. Ces données, publiées le 6 septembre dernier par le Bureau du Commissaire au recensement dans un rapport intitulé : “le premier recensement religieux jamais réalisé ont été, en effet, très rapidement contestées dans les médias. Elles soulignent en particulier l’augmentation du taux de croissance démographique des musulmans et des chrétiens et affirment que celui des hindous est en diminution, même si ces derniers continuent de représenter plus de 80 % de la population de l’Inde. Le rapport a été présenté par ses auteurs à la Commission fédérale des minorités dont le président est Tarlochan Singh.

La donnée la plus remarquable soulignée par la comparaison des données religieuses est le ralentissement très net de la croissance de la population hindoue. Alors qu’elle avait augmenté de 25,1 % au cours de la décennie 1981-1991. Cette croissance n’est plus que de 20,3 % pour les années 1991-2001. En 2001, les hindous étaient chiffrés à 827 millions de fidèles, soit 80,5 % d’une population de plus d’un milliard. Face à ce ralentissement, les données démographiques relatives à l’islam témoignent du rapide développement de la communauté. Le taux de croissance pour les dix années 1991-2001 a été de 36 % alors que pour la décennie précédente, il n’était encore que de 34,5 %. Le nombre de musulmans en Inde s’élève aujourd’hui à 138 millions, soit 13,4 % de la population. Le taux de croissance de la communauté chrétienne en Inde a été également en progression au cours des vingt dernières années. Aujourd’hui, troisième communauté religieuse pour le nombre de ses fidèles (24 millions, soit 2,2 % de la population), l’ensemble des Eglises chrétiennes s’était développée avec une croissance démographique de 21,5 % entre 1981 et 1991. Elles ont progressé de 22,6 % durant la dernière décennie.

D’autres chiffres soulignés par cette récente étude mettraient en relief le dynamisme des populations des diverses minorités religieuses. L’étude s’attarde par exemple sur la comparaison du nombre d’hommes et de femmes dans les diverses communautés religieuses de l’Inde. C’est chez les chrétiens que l’on trouve la population la plus équilibrée, puisqu’on y relève 1 009 femmes pour 1 000 hommes, alors que, pour la population indienne globale, cette proportion est de 933 femmes pour 1 000 hommes. Chez les musulmans, la proportion des femmes est légèrement plus haute que la moyenne nationale, à savoir 936 femmes pour 1 000 hommes. La proportion de femmes de la communauté hindoue est au-dessous de la moyenne nationale : 931 femmes pour 1 000 hommes. La population sikh est marquée par une proportion de femmes extrêmement basse : 893 femmes pour 1 000 hommes. D’autres particularités des diverses communautés religieuses sont encore mises en relief, comme, par exemple, le taux d’illettrisme. Au plus bas niveau, on trouve les adeptes du jaïnisme, avec seulement 5,9 % d’illettrés. Vient ensuite le christianisme où les illettrés ne représentent que 19,7 % des fidèles, alors que la proportion nationale en matière d’illettrisme est de 35,2 %.

Comme on pouvait s’y attendre, presque immédiatement après que ces données eurent été rendues publiques, les fondamentalistes hindous et leurs représentants du Bharatiya Janata Party (Parti du peuple indien, BJP) ont agité le spectre de la prolifération incontrôlée des communautés musulmanes et chrétiennes. Vankaiah Naidu, président du BJP écarté de son poste au mois de mai dernier, a déclaré : “Cela nous dérange que les musulmans représentent 13,4 % de la population.” Il a parlé d’un déséquilibre inquiétant, particulièrement dans une région qui en 1947 avait été divisée en deux pays, l’Inde et le Pakistan, sur la base de la religion.

Cependant, dans les jours qui ont suivi la publication du rapport, le sérieux des chiffres et des affirmations contenus par celui-ci a été mis en question (1). La presse a fait immédiatement remarquer que les statistiques rapportées à propos des musulmans étaient erronées. Elles sont, en effet établies à partir du recensement de 2001 qui n’inclut pas la population de 6,7 millions d’habitants du Cachemire à prédominance musulmane, en proie à cette époque à la guerre. Après une soigneuse analyse des données, The Hindu conclut non pas à une accélération de la croissance démographique des musulmans mais à une décélération, puisque le taux de croissance est passé de 32,9 % pour les années 1981-1991 à 29,3 % pour la décennie suivante. Après avoir relevé d’autres erreurs du même type, dans les autres données recueillies, le journal affirme qu’il faut conclure à une grossière ignorance des auteurs du rapport, ou alors à une volontaire falsification de chiffres à des fins politiques.