Eglises d'Asie

La construction d’une mosquée dans un centre commercial à Manille – une première – témoigne de l’amélioration des relations entre musulmans et catholiques

Publié le 18/03/2010




Au sein d’un des principaux centres commerciaux de Manille, le dernier chantier en date n’est pas celui d’une nouvelle boutique de biens de consommation mais celui d’une mosquée. C’est la première fois, souligne les promoteurs du centre, qu’un lieu de culte musulman est édifié dans un centre commercial de la capitale et cet événement témoigne, selon eux, de l’intégration croissante de la minorité musulmane dans une société très majoritairement catholique (1).

La société immobilière Ortigas & Coqui possède et exploite les seize hectares du centre commercial de Greenhills situé dans le district de San Juan, espère que cet “espace prière” de 500 m sera prêt à temps pour les célébrations de -el-Fitre, qui marque la fin du ramadan et sera célébré cette année le 14 novembre. “En aménageant un espace de prière, nous espérons donner à nos frères musulmans un lieu de culte digne a déclaré Rex Drilon, le patron & Co. En 1990, rappelle-t-il, Greenhills fut le premier centre commercial de la capitale à ouvrir ses portes à des commerçants musulmans et, aujourd’hui, sur 2 000 commerces installés à Greenhills, 500 sont gérés par des Maranos, l’un des plus importants groupes musulmans du pays.

Si la présence de lieux de culte chrétiens, catholiques et protestants, est fréquente dans les centres commerciaux, c’est la première fois qu’une mosquée y prend place. D’un coût de dix millions de pesos (240 000 euros), doté de l’air conditionné et d’une salle d’ablution, la salle de prière pourra accueillir 400 personnes. Par manque de place, l’édifice n’aura pas de coupole mais le bâtiment de quatre étages abritera un restaurant halal, des boutiques et un parking. “Cette réalisation est le signe d’une bonne intégration entre musulmans et catholiques, a estimé Julkipli Wadi, professeur d’Etudes islamiques à l’Université d’Etat des Philippines. Elle représente un effort positif pour promouvoir l’harmonie.”

L’intégration des musulmans à la société philippine en dehors de l’île de Mindanao est un sujet qui occupe régulièrement l’actualité politique ces dernières années. Les musulmans se plaignent d’être victimes de discrimination. Répondant à ces demandes, l’Etat a fait ces derniers temps des efforts importants pour recruter des fonctionnaires musulmans (2). Mais le signe le plus important de l’intégration des musulmans est sans doute l’installation en nombre de plus en plus significatif de musulmans dans les centres urbains à prédominance catholique. Des études montrent que les musulmans figurent désormais parmi les commerçants les plus actifs de la capitale. La coexistence entre catholiques et musulmans ne va cependant pas toujours de soi, estiment nombre de spécialistes qui soulignent que les difficultés demeurent. Des stéréotypes d’origine culturelle font encore qu’il n’est pas facile pour un musulman de trouver du travail à Manille et certains choisissent de changer de nom pour masquer leur origine. Les descentes de police sont fréquentes dans les milieux musulmans à qui il est reproché d’héberger terroristes et autres criminels. Un récent sondage révèle par ailleurs qu’un nombre significatif de musulmans se considèrent comme “Moros” plutôt que comme “Philippins”. “Cela prouve, souligne le professeur Wadi, que le sentiment séparatiste est encore très fort. Beaucoup de musulmans estiment qu’ils doivent bénéficier d’une nationalité qui leur soit propre et d’un gouvernement à eux.”