Eglises d'Asie

Le débat sur l’abolition de la Loi sur la sécurité nationale provoque des remous jusqu’au sein de l’Eglise catholique

Publié le 18/03/2010




Le débat qui occupe depuis plusieurs semaines la scène politique nationale à propos de l’abolition ou du maintien de la Loi sur la sécurité nationale provoque des remous jusqu’au sein de l’Eglise catholique. La loi, qui remonte à 1948 et qui a été amendée à plusieurs reprises depuis, stipule dans son article 7 qu’il est interdit aux Sud-Coréens “de louer, soutenir ou faire l’apologie d’une organisation anti-étatique”. Après avoir servi de base légale à la répression menée par la dictature militaire contre différents secteurs de la société, elle est restée en vigueur jusqu’à ce jour. Le 26 août dernier, la Cour constitutionnelle a rendu un arrêt selon lequel la loi n’est pas anticonstitutionnelle. Quelques jours plus tard, le 6 septembre, le président de la République, Roh Moo-hyun, a appelé à la suppression de la loi, “héritage des dictatures militaires du passé”.

Au sein de l’Eglise catholique, ce débat a trouvé un large écho et les positions ne sont pas univoques. Réagissant à l’appel lancé le 24 août dernier en faveur de l’abolition de la loi par la Commission nationale des droits de l’homme, organisation officielle et indépendante du gouvernement, le Comité ‘Justice et paix’ de l’archidiocèse de Séoul s’est dit satisfait. Le 31 août, un de ses membres a estimé qu’“une loi qui ne respecte par la dignité de la personne humaine ne peut être maintenue”. Au sein de la Conférence épiscopale, le secrétaire du Comité ‘Justice et paix’ a déclaré que la position des évêques serait rendue publique après la tenue de l’assemblée plénière des évêques, qui doit avoir lieu du 11 au 15 octobre prochain. Pour les observateurs, l’absence de prise de position des évêques dans le débat national signifie que les responsables de l’Eglise sont partagés sur la question, contrairement aux responsables protestants qui, dès le 25 août par la voix du Comité des droits de l’homme du Conseil national des Eglises (protestantes) en Corée, se sont dits favorables à l’abolition de la loi.

L’absence de consensus sur la question au sein de l’épiscopat catholique est apparue plus nettement le 14 septembre dernier. Ce jour-là, dans la cathédrale Myongdong de Séoul, le cardinal Kim Sou-hwan, ancien archevêque de Séoul, a déclaré devant 1 500 personnes : “J’ai vu mon nom sur un site Internet affirmant que je soutenais l’abolition de la Loi sur la sécurité nationale. Cela n’est pas conforme à ce que je pense et c’est apparu par erreur, une erreur que je trouve extrêmement regrettable.” Répondant à une question, le cardinal a précisé sa position : “Oui à une révision de la loi mais non à son abolition” et ajouté que l’objectif de la Corée du Nord – faire de toute la péninsule coréenne un Etat communiste – n’avait pas changé en dépit de la multiplication ces dernières années des contacts entre les deux Corée.

Dans certains cercles de défenseurs des droits de l’homme, la mise au point du cardinal Kim a déçu. Selon Park Lae-goon, de la Solidarité populaire pour l’abolition de la Loi sur la sécurité nationale, le cardinal, naguère perçu comme un défenseur résolu des droits de l’homme et un partisan militant de la démocratisation des institutions sud-coréennes, a pris là une position “extrêmement conservatrice”. Etant donné le respect dont jouit le cardinal, ses récentes remarques vont peser lourd dans l’opinion publique, a regretté le militant.

En 1999, le cardinal Kim et deux autres évêques avaient accepté de parrainer le lancement de “Solidarité catholique pour l’abolition de la Loi sur la sécurité nationale” (1), structure réunissant trente-trois groupes catholiques de défense des droits de l’homme – dont les Comités ‘Justice et paix’ de huit diocèses. Revenant sur cet épisode, le cardinal Kim a, ce 14 septembre, expliqué qu’il avait apporté son soutien à cette initiative car le prêtre qui le lui avait demandé lui avait dit qu’il s’agissait d’obtenir une “révision” de la loi, pas sa suppression. “Mais, plus tard, j’ai réalisé qu’il était question de son abolition. J’ai alors revu le prêtre et lui ai demandé d’effacer mon nom – ce qu’il n’a pas fait et ce qui explique que mon nom s’affiche encore aujourd’hui sur Internet, a-t-il déclaré. Je suis réellement désolé de cela et regrette d’apparaître comme l’une des principales personnalités qui militent pour le retrait de la loi.”

Le 23 septembre, le P. Thomas Lee Young-woo, un des coordinateurs à son lancement de Solidarité catholique pour l’abolition de la Loi sur la sécurité nationale, a de son côté déclaré à l’agence Ucanews qu’en 1999, le débat ne portait pas sur l’abolition ou la révision de la loi mais sur “son abolition ou son maintien”. “Le cardinal Kim n’était pas favorable à l’abolition de la loi mais il était d’accord avec nous dans le sens où l’abolition était plus proche d’une révision de la loi que de son maintien a-t-il déclaré, ajoutant qu’il n’avait jamais entendu dire que le cardinal ait demandé le retrait de son nom sur la liste de Solidarité catholique.

Dans le débat sur l’abolition de la Loi, le parti Uri, parti de la majorité présidentielle, prône l’abolition de la loi et son remplacement par une refonte du Code pénal. Dans l’opposition, le Grand parti national fait campagne pour le maintien de la Loi, estimant qu’un retrait de celle-ci laisserait un vide préjudiciable à la sécurité nationale. Le parti présidentiel n’a pas caché que l’abolition de la loi répondait à une vieille revendication de la Corée du Nord et qu’elle faciliterait le dialogue entre les responsables des deux pays.

Selon la Commission nationale des droits de l’homme, 3 047 personnes ont été arrêtées entre 1993 et 2003 au nom de la Loi sur la sécurité nationale, dont 2 762 pour violation des dispositions prévues dans son article 7. La Commission voit dans ces chiffres une restriction inadmissible des droits individuels dans une démocratie parlementaire.