Eglises d'Asie – Inde
L’Eglise orthodoxe syrienne exprime son dynamisme lors d’un synode historique mais ne parvient pas à se réconcilier avec la branche orthodoxe malankara
Publié le 18/03/2010
Parmi les directives transmises aux évêques, le patriarche a donné la priorité à l’intégration de la culture indienne dans la célébration du culte, pour rendre celui-ci accessible aux fidèles et favoriser la croissance de l’Eglise syrienne en Inde. Comme première étape vers cet objectif, il a recommandé de traduire les textes liturgiques dans le plus grand nombre possible de langues indiennes. Tout en rejetant toute compromission dans le domaine de la foi, il a demandé aux pasteurs de l’Eglise de propager la tolérance et l’esprit de conciliation.
Dans une conférence de presse accordée le premier jour du synode, son secrétaire Mgr Joseph Gregorios, a lui aussi insisté sur la nécessaire acculturation de l’Eglise, seule capable de faciliter son expansion. Le synode a envisagé d’augmenter le nombre des paroisses et des diocèses à travers tout le pays, partout où les fidèles de l’Eglise syrienne du Kerala ont émigré. De nouveaux évêques seront nommés. Les évêques ont insisté sur l’autonomie traditionnelle des paroisses où les conseils paroissiaux élus décident eux-mêmes de la structure administrative interne et tiennent compte des souhaits des fidèles, les instances suprêmes de l’Eglise se préoccupant surtout de l’animation spirituelle.
Un des sujets les plus brûlants traités au synode a été le conflit qui oppose les deux factions de l’Eglise orthodoxe en Inde. L’Eglise orthodoxe syrienne reconnaît le patriarche d’Antioche, actuellement Ignatios Zakka I, comme son chef suprême. La branche rivale, l’Eglise orthodoxe malankara, s’en tient soigneusement à l’écart. Les passions se sont exacerbées à l’occasion de la venue du patriarche en Inde. Le chef de l’Eglise orthodoxe malankara, le catholicos Basilios Marthomma Mathews II, a déclaré que le voyage du patriarche était une violation flagrante du jugement rendu en 1995 par la Cour suprême de l’Inde. A cette époque, en effet, dans un effort pour mettre un terme à un siècle de conflits entre ces deux Eglises, le tribunal avait émis un jugement selon lequel le patriarche d’Antioche ne pourrait intervenir en Inde qu’avec le consentement du chef de l’Eglise orthodoxe Malankara. Aussi bien, ce dernier a porté plainte devant le tribunal, plainte qui a été rapidement rejetée. Des marches de protestation ont été organisées. Craignant que des incidents sérieux n’éclatent, le ministre-président du Kerala a fait renforcer la sécurité du patriarche au cours de ses déplacements.
Certaines suggestions ont été présentées à ce sujet par le synode de l’Eglise orthodoxe syrienne. Il a été recommandé que les deux factions entament et maintiennent des relations ocuméniques plutôt que de persévérer dans leur antagonisme. On a proposé que les deux branches se rencontrent pour des entretiens visant à faire cesser l’hostilité entre elles. L’Eglise orthodoxe malankara a été priée de retirer ses plaintes contre la faction rivale dans les tribunaux où elle les a déposées. “Nous sommes prêts au compromis, a déclaré le catholicos Baselios Thomas I, responsable indien de l’Eglise syrienne orthodoxe, à condition que nos adversaires cessent de nous attaquer en justice.”
Le responsable de l’Eglise malankara, le catholicos Basilios Marthomma Mathews II, a rejeté ces propositions. Dans une conférence de presse tenue après l’annonce des décisions du synode, il a rejeté tout compromis : “Nous ne pouvons accepter de compromis, a-t-il dit, parce qu’il nous est impossible de reconnaître le patriarche comme autorité suprême de l’Eglise.”
Les deux branches de l’Eglise orthodoxe, syrienne et malankara, se réclament toutes deux de l’évangélisation de l’apôtre Saint Thomas. Selon les traditions locales, il aurait évangélisé le sud de l’Inde lors d’un voyage au Kerala en l’an 52. Une partie de ces chrétiens de Saint Thomas s’opposèrent à la tentative des missionnaires portugais de leur faire rejoindre l’Eglise catholique de rite latin et firent allégeance au patriarche d’Antioche en 1665. Cependant, en 1909, le patriarche de l’époque ayant excommunié un évêque indien, celui-ci refusa de reconnaître son autorité. Trois ans plus tard, il obtint d’un patriarche rival que son excommunication soit déclarée invalide et fut nommé par lui chef de l’Eglise orthodoxe en Inde. C’est ainsi qu’est née l’Eglise orthodoxe malankara.