Eglises d'Asie

L’inscription par les Etats-Unis du Vietnam sur la liste des pays “particulièrement préoccupants” en matière de liberté religieuse provoque les vigoureuses protestations de Hanoi

Publié le 18/03/2010




Le 15 septembre dernier, aux Etats-Unis, lors d’une conférence de presse à Washington, le Secrétaire d’Etat Colin L. Powell a annoncé que le Vietnam était classé pour la première fois dans la liste des “pays particulièrement préoccupants” en matière de violations de la liberté religieuse. Les autres pays cités dans cette liste sont l’Arabie Saoudite, l’Erythrée (cités eux aussi pour la première fois) ainsi que la Birmanie, la Chine, l’Iran, la Corée du Nord et le Soudan. Selon la loi sur la liberté religieuse (International Religious Freedom Act), adoptée en 1998, les Etats-Unis se donnent le droit de prendre des mesures ou des sanctions économiques susceptibles de promouvoir la liberté religieuse dans ces pays. C’est la Commission pour la liberté religieuse dans le monde qui recommande aux pouvoirs publics de placer ou non tel ou tel pays sur cette liste.

Cette introduction du Vietnam parmi les pays “particulièrement préoccupants” était accompagnée, dans le rapport général sur la liberté religieuse dans le monde, paru le même jour, d’une vingtaine de pages consacrées à la situation religieuse au Vietnam, sous tous ses aspects, y compris dans le domaine législatif ; l’ordonnance sur la religion adoptée le 18 juin par le Bureau permanent de l’Assemblée nationale y est analysée. Le rapport, bien documenté, décrit soigneusement la situation démographique et politique des diverses religions pratiquées au Vietnam ; il relève un certain nombre de violations des libertés religieuses, certaines permanentes, d’autres survenues dans des secteurs et régions géographiques déterminés. C’est ainsi que les troubles du week-end de Pâques au sein des populations montagnardes des Hauts Plateaux sont analysés comme des protestations contre la persécution religieuse qui s’exerce contre les communautés chrétiennes des ethnies minoritaires. Le rapport insiste sur les tentatives des autorités pour forcer les chrétiens des minorités ethniques, au Nord comme au Sud, à renoncer à leur foi. Est soulignée aussi l’interdiction d’activités qui touche aujourd’hui l’Eglise bouddhiste unifiée dont les principaux dirigeants sont internés ou en résidence surveillée depuis octobre 2003, date à laquelle l’attitude de l’Etat à leur égard a diamétralement changé.

Une liste des plus connues des personnalités religieuses bouddhistes, caodaïstes, hoa hao, catholiques, en prison ou en résidence surveillée, au nombre quarante-quatre, est fournie à l’intérieur du rapport. Les catholiques encore internés, selon le rapport, sont au nombre de trois : deux membres de la congrégation de Marie co-rédemptrice, le P. Pham Minh Tri et le laïc Nguyên Thiên Phung, et le prêtre animateur d’une campagne pour la liberté religieuse, le P. Nguyên Van Ly.

Dès le lendemain, le Vietnam a protesté avec vigueur contre ce qu’il appelle des “accusations infondées” et surtout sur la présence du Vietnam dans la liste des pays les plus préoccupants. “C’est une mauvaise décision, fondée sur des informations erronées et une fausse image de la situation au Vietnam a déclaré dès le 16 septembre le porte-parole des Affaires étrangères, Lê Dung. Plusieurs dépêches parues dans vietnamienne d’information expliquent que la politique du gouvernement est le respect de la croyance et de la non-croyance et qu’il n’existe dans le pays aucun prisonnier pour motif religieux. Ce respect des religions serait illustré, selon les déclarations officielles, par l’adoption de la nouvelle ordonnance sur les religions qui servira de fondement légal pour assurer les droits élémentaires du peuple en matière de liberté religieuse (1).

Le 21 septembre, le gouvernement vietnamien a jugé bon de protester au plus haut niveau contre la décision américaine, l’estimant préjudiciable aux relations diplomatiques entre les deux pays. Une lettre adressée au Secrétaire d’Etat Colin Powell a été portée à l’ambassade des Etats-Unis à Hanoi. Par ailleurs, le ministre des Affaires étrangères, Nguyên Dy Niên, a fait part de l’irritation de son gouvernement lors d’un entretien avec un représentant de l’ambassade américaine au Vietnam.